Le bancal
264 pages
Français

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Description

Vers la fin du XXe siècle, dans la campagne marocaine, Slimane mène une vie tranquille, il oublie son handicap et trouve dans la vie pastorale un havre de paix et une raison d'exister. Son amour pour Aicha, pour le bled, est sans limites. Slimane a un grand cour, c'est un héros comme il n'en existe plus

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9789954213698
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Lauréat du prix 2M pour la création littéraire 6ème édition 2012/2013
Editions © Marsam - 2014 6, rue Ahmed Rifaï (Place Moulay Hassan ex. Pietri) Rabat Tél. : 0537 67 40 28 / 67 10 29 / Fax : 0537 67 40 22 E-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr Site web : www.marsam.net
Compogravure flashage Quadrichromie
Impression Bouregreg - Salé
Dépôt légal : 2014 MO 3585 I.S.B.N. : 978-9954-21-369-8
A Fatima B., ma mère, ma patrie
Couverture: Sadouk Brahim sans titre
Le bancal
Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire J'ai vu tous les soleils y venir se mirer S'y jeter à mourir tous les d ésespérés Tes yeux sont si profonds que j'y perds la m émoire Aragon, LES YEUX D'ELSA
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PERMIERE PARTIE
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Les petits cris aigus se multiplièrent, prirent de l'élan et le concert commença avec les premières lueurs du jour. Slimane se remua sous sa couverture et poussa un soupir rauque ; il n'arriva pas à se ren-dormir ; qu'est- ce qu'il d éteste cette sérénade des coqs ! Sidi Lahbib vint poser une main dess échée sur l' épaule de Slimane. « Debout mon garçon ! lui demanda-t-il d'une voix étranglée par la toux. — Le petit déjeuner est prêt, Slimane ! » ajouta Lalla Tamou. La tête lourde, les cheveux ébouriffés, le jeune homme sauta du vieux divan et s'en alla, clopinant, vers le robinet au milieu de l'en-ceinte de la maison. Celle-ci étant à ciel ouvert, il y faisait un froid noir. Slimane se lava le visage à la h âte et rentra en grelottant à la cochinaà coucher ; il s'assitégalement de chambre qui lui servait sur un vieux tapis en laine entre l'amas de bois et la grande bassine à faire bouillir les graines de f ève. La prière de l'aube accomplie, Lalla Tamou apporta du caf é au lait, quelques crêpes et du beurre. Slimane nomma Allah et entama son repas.
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Il faisait toujours chaud à la cochina. Les braises y demeuraient jusqu'à la lev ée du jour. C' était l'une des raisons du grand amour qu'éprouvait Slimane pour cette cuisine qu'il appelait fi èrement sa propre maison. Il s'y sentait en s écurité et sa chaleur paisible lui ouvrait les portes du r êve et de l'espoir. Elle l'enveloppait de ten-dresse tous les soirs et le retenait chaleureusement tous les matins comme une bien-aimée qui réclame la présence perpétuelle de son amoureux à ses côtés. Il fallut la voix de son p ère pour le secouer. « Le soleil sera bient ôt lev é mon gar çon ; d'autres bergers te prendront ta place si tu ne fais pas vite. — D'accord, père. » Le jeune homme retira sa canne du dessous du divan et se diri-gea en boitillant vers la porte coch ère ; il l'ouvrit et revint à l'enclos afin d'enlever l'immense t ôle de zinc qui servait d'obstacle pour empêcher les moutons de tra îner partout dans la maison. Le troupeau commen ça à s'agiter. Aussit ôt, les b êlements com-mencèrent de plus belle. « Allez ssé … ssé … Allez sortez ! » criait Slimane à haute voix. Ainsi, d ébuta une nouvelle journ ée. Un d ébut peu ais é mais agréable. Slimane s'écarta de la sortie de l'enclos et laissa passer les moutons. Le troupeau sortit lentement et se dirigea vers la porte coch ère. Il faisait jour maintenant. Slimane revint vite chercher sa djellaba et son casse-croûte. Lalla Tamou les lui donna en priant Allah de le b énir et de préserver ses moutons. Le soleil n'allait poindre que quelques minutes plus tard. Slimane se couvrit la tête du capuchon de sa djellaba et empoigna fortement sa canne pour soutenir sa jambe frêle et rachitique ; il referma ensuite la 8
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porte cochère et suivit le troupeau dont le bruit des bêlements emplis-sait le ciel. La travers ée du douar devait durer quelques bonnes minutes. Slimane gouvernait ses moutons d'une main de fer. Son infirmit é ne lui était guère un obstacle. Il s' évertuait à ne pas penser à son han-dicap. Du moment qu'il faisait son travail comme il fallait, il se sen-tait pareil à tout le monde. L'attitude que pouvait avoir autrui à son égard ne l'intéressait que si elle est exprim ée en face de lui, claire-ment, directement et en le montrant du doigt. Finies les railleries des enfants à l'école primaire, finies les brimades, finis les moqueries et les rires qui brisaient le cœur. Slimane avait maintenant vingt quatre ans. Le monde des adultes était plus clément vis- à- vis de son mal. Les ruelles étroites du douar contenaient à peine l'ensemble des moutons qui se serraient les uns contre les autres jusqu' à devenir une masse compacte. Les petites maisons basses du vieux quartier se succédaient ; quelques-unes étaient construites anarchiquement et sentaient l'histoire ancienne ; rares celles qui étaient peintes à la chaux ; elles gardaient la couleur de la terre et semblaient ne recher-cher aucunement à attirer le regard. Toutefois, Slimane trouvait qu'elles étaient merveilleuses dans leur beaut é confuse. Le jeune homme saluait au passage les gens qui le croisaient. Ils étaient tous envelopp és dans leurs djellabas et h âtaient le pas pour se réchauffer. A la sortie du douar, Slimane emprunta un sentier assez long et bordé de cactus. Le troupeau connaissait parfaitement les chemins qui le menaient au p âturage ; il fonçait tout droit en tra înant le ber-ger derrière lui. Arrivé plus loin, à un ravin assez riche en herbe, Slimane d écida d'y faire paître un moment ses moutons. Il s'éloigna un peu et s'éten-9
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dit dans l'herbe ; il sortit un paquet de cigarettes de sa poche, en tira une et s'aper çut aussitôt qu'il avait oubli é la bo îte d'allumettes à la cochina; il cracha en l'air, ramassa sa canne et se remit debout ; il fixa l'horizon et se calma tout de suite. Le p ère Kaddour, juch é sur son âne, venait en cahotant dans sa direction. Slimane se rassit et se mit à contempler le l éger brouillard qui subsistait avant la levée du soleil. « Bonjour Slimane ! cria le p ère Kaddour de sa bouche édentée. — Père Kaddour, comment tu vas ? Je t'attendais ; tu n'aurais pas d'allumettes ? — Mais si. — Qu'Allah fasse entrer tes parents dans sa Sainte Miséricorde ! » Le jeune homme se mit à fumer, fr énétiquement. Une premi ère, une deuxième, une troisième et enfin une quatrième cigarette. Celle-ci était sans saveur. Il jeta un coup d' œil sur ses moutons, s'assura qu'ils ne s' égaraient pas et s'allongea sur le dos ; il se mit à suivre du regard les volutes de fum ée. Le vent ne soufflait pas. La journ ée s'annonçait calme et ensoleillée. Les moutons se dispersaient petit à petit. Slimane se leva pour reprendre le chemin. Le troupeau s'en allait en tournant le dos au soleil et remontait vers des terres l égèrement hautes. La plupart des champs étaient bordés ou de lignes de cactus ou de branchages ; une véritable aubaine pour Slimane qui ne voulait pas s'attirer des ennuis avec les agriculteurs. Les b êtes étaient difficiles quand elles avaient faim. Une fois, elles avaient failli ravager un champ de ma ïs. Slimane en avait subi pas mal d'insultes et d'invectives : « macaque … ban-cal… fils de… fils de chienne… ». Ce jour-là, il ne put échapper au propriétaire que grâce à l'intervention de quelques âmes charitables. Le soleil r échauffait petit à petit l'atmosph ère. Slimane adorait 10
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