LE CÉNACLE DES SOLITUDES
108 pages
Français

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LE CÉNACLE DES SOLITUDES , livre ebook

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Description

Le Cénacle des solitudes, un conte tragique où la narratrice revient sur un périple parsemé de blessures. Un périple durant lequel, dans les moments les plus brûlants, elle a raconté des histoires pour dérouter le temps et extraire ceux qu’elle aime à la mort. « Je ne sais pas mon âge, aujourd’hui moins que jamais, regarde mon visage, illisible, à présent, mes traits, égarés sous les travers du temps qui ne trouve même plus place dans ma chair évidée, tourne, ne sait plus où se frayer chemin, balbutie maintenant les promesses fourchues d’un destin qui halète dans mon souffle dans mon sein…»

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2019
Nombre de lectures 0
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le cénacle des solitudes
romanDu même auteur :
• La mémoire des temps, Roman, L’Harmattan 1998.
• Etreintes, L’Harmattan, 2001.
• Le Cénacle des Solitudes, Roman, L’Harmattan 2004.
• Fiction d’un deuil, Paris, l’Harmattan, 2009.
• Au Café des faits divers, La Croisée des Chemins, 2014, Prix Softel.
• L’espace Transcendé, monographie d’Abdallah Sadouk.
• Saâd Ben Cheffaj, monographie, Atelier 21, Casablanca.
© Editions Marsam - 2019
Ateliers : 6, rue Ahmed Rifaï
(Près place Moulay Hassan ex. Pietri) Rabat
Bureaux : 15, avenue des Nations Unies - Rabat
Tél : 05 37 67 40 28 - Fax : 05 37 67 40 22
e-mail : marsamquadrichromie@yahoo.fr
Compogravure flashage
Quadrichromie
Impression
Imprimerie & Editions Bouregreg - 2019
Dépôt légal : 2019MO05108
I.S.B.N. : 978-9954-744-81-9Bouthaïna Azami
Le cénacle des solitudes
romanCouverture
Bouthaïna Azami
Le temps des cerises, 125 cm x100 cmJe ne sais pas mon âge, aujourd'hui moins que jamais,
regarde mon visage, illisible, à présent, mes traits, égarés
sous les travers du temps qui ne trouve même plus place
dans ma chair évidée, tourne, ne sait plus où se frayer
chemin, balbutie maintenant les promesses fourchues
d'un destin qui halète dans mon souffe dans mon sein,
agonise sur mon corps, cherche à tromper sa fn espère
séduire la mort en creusant d'autres lits mais je sens
que je fanche, que je vais lui céder tant je suis vieille,
vois, tant la course des vents a érodé ma chair et s'il n'y
avait ce soleil qu'on maudit chaque jour pour la pâleur
des blés, le cassant de nos herbes, délavées et nos bêtes
effanquées ruminent des rêves verdâtres qui oublieront
bientôt la couleur de leurs soifs, s'il n'y avait ce ciel
enluminé, aubes de rose et de nacre et midis aveuglants,
nos ventres crient des faims ocre et d'argent que le
couchant rougeoie avant l'endormissement crépusculaire
espoir exhalé sables sang à l'orée déforée des mondes
confondus, s'il n'y avait ce soleil, mon frère, qui nous
fait des nuits moites de rêves salivaires aigres humides
à nos lèvres humant le pain manquant et la lune pleure
des misères marine et nos yeux palpitent des sommeils
spasmodiques, s'il n'y avait ce soleil qui racle nos gosiers
et s'accroche à nos os mais recomble nos rides, mais
cuirasse nos peaux, ces anneaux à mon front couleraient
sur mes yeux et mes yeux sur mes joues et mes joues
sur mon cou tant je suis vieille, sais-tu, tant le temps a
couru sur mon corps, mais je ne sais pas mon âge, je ne
l'ai jamais su...
5Qu'importe... Je l'ai, longtemps, inventé ou chaque
jour, plutôt, me le réinventait, chaque minute, chaque
instant, le plus petit rien le moindre incident, le vol d'un
oiseau, un nid, une brindille, une colonie de fourmis
allant, j'allais dire clopin-clopant, et je m'agenouillais
pour les observer, le nez dans la terre, jouant à deviner
ce qu'elles portaient, remettant sur leur route celles qui
s'égaraient, essayant parfois, sans succès, de soulager
d'un doigt le poids des ambitieuses qui peinaient,
vacillaient sous des charges trop lourdes, perdaient leur
butin, s'affolaient, insistaient, réendossaient enfn tant
bien que mal leur bien puis, clopin-clopant, reprenaient
leur chemin et je crois que jamais, jamais, je n'ai de ma vie
écrasé une fourmi, ignoré d'un oiseau son envol ou son
nid, le frêle d'une brindille dans le bec d'un moineau... Je
ne savais pas mon âge, mais j'avais l'âge que mes peines
ou mes joies me donnaient, et j'étais certains jours plus
jeune que la veille juste pour avoir croisé une fourmi, un
oiseau une brindille, rencontré, dans la nuit, un rêve plus
beau que ma vie à la quête duquel je partais au réveil,
au hasard des poussières et je trouvais toujours, dans les
mordorures du temps où blafard le soleil aiguisait ses
poignards, dans l'échappée courte des vents consumés
souffes blancs sous le crible des lames, dans les sables
aveugles où mes pas m'inventaient les chemins intracés
des destins oubliés, par Dieu, quelques pierres, du
gravier, pour jouer aux osselets, un bout de plastique
pour me faire une poupée, une boîte en carton pour
jouer au ballon... une feuille... enroulée... dans l'agonie
des vents... un fl de fer une vieille roue une bouteille...
mes cheveux... dans le vent... qui battaient comme des
6ailes... et j'imaginais, quand ils s'élevaient dans les airs,
pailletés de lumières, que j'étais une fée drapée dans
une robe tissée aux fls d'or du ciel... Un sourire oublié
par ma mère, que j'attrapais au vol, cachais dans mon
corsage, serrais entre mes seins et ce regard... immense...
Tes yeux... de plus en plus grands... sourde hantise... et
cette douleur qui m'étreignait soudain quand, épuisé par
la faim, tu venais te blottir contre moi, te recroqueviller
dans mes bras, ton petit corps enfoncé dans mes jambes
croisées, ta tête sur mon coeur et un doigt dans la bouche,
n'importe lequel, parfois deux, que tu te mettais, tout à
coup, à sucer ardemment quand tes lèvres engourdies de
sommeil manquaient les laisser s'échapper de leur antre ;
dans ta main gauche, cette petite poupée que j'avais faite
pour toi dans des branchages et des bandes de tissu
prises dans mes guenilles. Je t'avais surpris parfois à lui
parler, toi qui ne disais jamais grand-chose ; tu la tiens à
présent pressée contre ton nez... Je te berce, doucement,
et enivrée par les mouvements de mon corps, je m'endors
aussi, je m'endors lentement à moi-même, mon visage
enfoui dans tes cheveux... sales... qui sentent bon la
terre... dans mes ongles, plein nos doigts... Des images
me traversent, fugaces et décousues... d'un coquelicot
frotté contre une pierre pour nous faire, disais-tu, des
osselets qui aient l'air d'être vrais... Ton rire, dans cette
lumière blanchâtre où le monde s'enlisait nébuleuses
présences et cette pierre, rouge, à présent, dans ta main
maculée... Je la regarde, émerveillé, je te regarde... Une
chevelure pourpre coule entre tes doigts...
Mais, la plupart du temps, je me sentais si vieille...
Quand mon père... enfn... je l'appelais ainsi... quand
mon père s'en allait, les épaules voûtées, à la recherche
de ce pain si peu quotidien que nous n'en priions même
7plus le Bon Dieu... Et nous l'attendions... en silence...
sous cette tente rapiécée qu'on n'en fnissait plus de plier,
déplier, tant et si bien qu'elle semblait, comme la mienne
à présent, une vieille peau maltraitée par le temps, absent
pourtant, et le jour se levait inlassablement sur le même
éternel matin, la nuit tombait sans arrêt sur la même
éternelle faim, même plus douloureuse... fatigués...
presque douce... somnolence...
8Seule maman regardait le vide s'affairait,
nerveusement... Ses cheveux, famboyants, dans la lumière du
jour... Des scènes me reviennent, troubles, irréelles, d'une
main d'enfant tendue vers elle... Ma main ouverte comme
un écrin sur une pierre fabuleuse que j'aurais voulu lui
offrir... Mais elle ne me voit ne m'entend pas et Yousra a
repris le caillou, l'a noué dans sa robe, viens, on va faire
quelque chose tous les deux, tu veux? un ballon? Mais on
n'a trouvé ni papier ni carton ce jour-là, et ça m'est bien
égal, tu sais, pas envie de jouer. Alors, on s'est couché par
terre et on a regardé les chevaux, les dauphins, tout un
monde dans le ciel... pour mieux tromper l'attente... Et je
ne sais combien de fois par jour elle traînait dehors, encore
et encore, pour le battre avec un bout de bois, son vieux
tapis qui hurlait, immanquablement, les mêmes
poussiéreux crachats, les mêmes envolées de misère. Et je
détournais le regard... fermais les yeux... les rouvrais quand
enfn elle avait fni d'exulter cette peur qui la possédait,
se déchaînait souvent jusqu'à la faire trembler, cette peur
qu'elle n'en pouvait plus d'étouffer et qu'elle allait
frapper, comme pour l'exorciser, dans cette loque qui ne
ressemblait plus à rien, exhibait une douleur échevelée, toute
une vie efflochée... Et ma mère qui halète en traînant à
ses pieds ces espoirs fagellés dont ses doigts, si souvent,
avaient sur son visage saigné vives les plaies... A sa joue
droite, une longue cicatrice perle ses larmes noires... Et
j'avais toujours... un peu peur... de ces moments où elle
se mettait à gémir, à trembler, et tu lui retenais les mains
pour l'empêcher de se faire mal, de se griffer, encore,
comme si ses doigts sur son visage voulaient creuser le
cours des larmes...
9Je me demandais s'il lui arrivait de rêver encore à des
robes de soie, à des broderies d'or, des parfums sur son
corps, des bagues à ses doigts; elle m'avait dit, autrefois,
que toutes les femmes rêvaient à ces choses-là, et je me
suis mise à faire comme elles un jour pour me sentir
moins seule et pour rester vivante, malgré nos osselets
choisis dans le gravier, malgré nos ballons roulés dans
le carton, nos haillons mes pieds nus et mes mains de
souillon, mais je me demandais si ma mère... Autrefois...
Il y a bien longtemps... Et pendant qu'on cherche dans le
ciel les licornes et les monstres, et les anges et les fées, je
pense à maman et aux histoires qu'elle nous racontait...
Il y a bien longtemps... Avant ces jours sans fn, ces nuits
sans lendemain... Je me souviens tous les personnages
parce que maman savait prendre leur visage... Avant
cette tente qui s'ouvrait avec peine, se refermait toute
seule, Maintenant, on les cherche dans les nuages,
comme un accordéon, sur les rides noirâtres de nos
espoirs meurtris... Bien avant cette tente, cette errance,
cette attente et ces fours que nous laissions derrière nous,
bouches bées dans la terre éventrée, vestiges froids et
muets d'une grandissante illusion. La vie de ma mère
était ainsi, un long chemin parsemé de fours ouverts dans
la terre comme des bouches affamées... désert... jonché
tombes pyramidales élevées dans les sables balayés
par les vents et nos corps et nos mains qui retiennent
impuissants l'échappée des poussières...
Nous avions mis une pierre

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