Le Ciel La limite
173 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le Ciel La limite , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
173 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

…Dans le train je dissimule la marchandise comme d’habitude, j’ai bien pris le coup maintenant. Le képi sourit en me rendant le passeport. Je récupère la dope un peu avant Paris. J’ai l’audace d’en rouler un petit sur mon siège. Un changement de gare… Je me sens fort, supérieurement vivant. Je me demande pourquoi je n’ai pas pensé à dealer plus tôt… Une double tranche de vie de l’homme sans facture, des limbes à la délivrance, de l’insouciance à l’obsession, des années soixante aux années quatre-vingts, en deux narrations intimement parallèles. D’un style puissant et novateur, émouvant et plein d’humour, ce récit est à lire sans modération, saine accoutumance souhaitée.

Informations

Publié par
Date de parution 22 janvier 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312007618
Langue Français

Extrait

Le ciel La limite

Didier Poisson
Le ciel La limite



















LES ÉDITIONS DU NET 70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-00761-8
Vent erratique, heaume…
Aveugles rêveurs.
Un ange lotit
Lasso sagace
Coolie…
Or glaner
Glaner lors de la chute échéance
Lumière rouge crue, amante,
Herse arrière, moule matriçant…
Moi je !…

Chapitre 1
1984
Hurlement ! Songe évanoui…
Un train la nuit !
Danse la géométrie lumineuse, en coupe basse.
Rêve de fer… Ça grince, brinquebale…branle !
Une déperdition… Ultime secousse… Banquette vibrante…
Expiration : le train stoppe.
Debout ! Descendre !
Une gare aux lumières légitimées, des silhouettes s’y dispersent, attendues, dans la nuit, éperdues !
Je reviens d’Amsterdam. Un moteur détonne. Des pas s’estompent.
Une ville la nuit… Des lampadaires éclairent des traces, des flaques, lumières vaines et stériles stigmates.
Vite la rue… Une rue moribonde que je connais à peine et dont je rase les murs. Pas corps qui vive…
La maison, misérable euphémisme… Triste porte écaillée mendiant sur le trottoir, deux pièces que j’ai réussie à louer, en tant qu’étudiant malgré les cheveux grisonnants, les rides vicieuses. J’ouvre, j’allume, un matelas à même le sol, une table deux chaises… de l’humidité suinte du plafond.
Que la cheminée pour rassurer ! S’imaginer fumant, extra lucide face à l’âtre rougeoyant et crépitant, pensées sereines, dehors mugirait le vent et déflagreraient les muses.
Je fume, m’étends matelas, mental calcul, hâte d’être demain.
Demain : allongé dans le sac de couchage, il me semble avoir une multitude de choses excitantes à faire. Comme si s’exaltait un monde nouveau, dehors irradierait un soleil de nostalgie, au coin des rues débonnaires giclerait l’imprévu.
Car c’est une nouvelle tranche de vie qui va s’inaugurer dans cette bicoque ! Et tranche en vue de laquelle je suis paré muni pourvu : couteau bougie briquet bouteille papier alu : c’est la façon dont s’épèle la vie nouvelle.
J’ai les doigts brûlés et égratignés lorsque j’en termine enfin. Le jour est bien avancé… se lancer !
Je sors, rue stérile… morne rue où le jour s’allie à la nuit. Néanmoins suis imbibé d’optimisme bon gré ! Dans une cour d’école tournoient les feuilles d’automne, évanescentes bribes d’enfance autour des arbres. Je me dirige vers le centre de la ville. Ville moyenne mais conforme, à la norme, espèce d’infatuée ville qui se figure future.
Je n’y connais personne, un hasard à qualifier m’a conduit ici… Je tâche toutefois de repérer certaines dégaines.
Déjà le soir… Un vide sournois que comble le brouillard ; s’insinue le froid, interstices glacées.
Les feuilles s’amoncellent, soumission au vent présent, saison en prémisses constantes. Certes autour des arrêts de bus nulle poésie !
Une silhouette devant moi, réalité ferrée sortie de la brume, voie échue dans la rue déserte, et la pénombre masque, un jeune me semble, un adolescent m’ensemble, le bon look je crois, la proie, alors relance toi ! Tente !
« Psitt, hé ho, heu dis, heu dis-moi, heu…tu veux du shit ? »
Du hasch !
Du haschisch !
Du teuchi !
Sais quoi, et du bon !
Il change d’épaule son sac de sport sans me regarder.
Allez petit une barrette !
Rien qu’une !
Allez quoi dis oui !
Make my day !
L’enfant fuit.
Traverses dans la cité sombre.
De retour dans la bicoque, bredouille, je fais du feu, se réchauffer ! Que des journaux à brûler, aujourd’hui c’est demain, de l’illusion qui flambe à une vitesse stupéfiante, brève rémission. Des prospectus aussi, promotion, exceptionnel et cetera, cette prose maligne dans la boite à lettres, on doit abattre des arbres pour imprimer ça, une fumée bleuâtre se dégage, flammes avortées, muses enfumées, qu’à se coucher !
Je m’allonge, je fume, je détaille les tâches d’humidité au plafond, j’inscris des mots de passe dans des cases imaginaires.
…………….

Chapitre 2
Je ne sais pas encore marcher assurément que je vais déjà à l’école, empêtré de limbes. On m’y conduit en poussette, langé.
Un déséquilibre provoque bascules et bosses ; une induction céphalique, migraineuse ; phénomène balbutié en sourdine mais ignoré rejeté, youpala barboteuse !
Je suis unique, innocent timide, heureux intelligent !
La forêt d’Othe lèche la maison. J’en longe l’orée, butant. Des sentiers s’enfoncent, au loin une voûte lumineuse tente la prudence.
Heure désirée du goûter, odeur des tartines au camembert dans le four, pain d’épices ; un monde restreint et douillet persiste et donne envie de se retenir.
Ma mère est assise près de la fenêtre devant une machine hérissée d’aiguilles et bardée de courroies. Elle dit, à la lumière déclinante, elle dit qu’elle, son ton m’émeut, qu’elle s’esquinte les yeux.
Elle remmaille. Remmailler : ce verbe est comme une trappe au cœur de mon univers, s’ouvrant sur le noir de la peur.
Ô maman un jour viendra, vaillant, tu verras, or et argent !
Sur le chemin de l’usine je chancelle…
J’apporte un casse-croûte à mon père. J’entre dans ce nouvel univers le cœur battant. J’ouvre des portes comme autant de passages vers l’envers d’un allant de soi jusqu’alors inatteignable, s’amplifie le bruit, ce bruit son d’une insensée révélation… Je rougis sous le regard des femmes en blouses qui me dissèquent, me fixent, PAPA !
Epouvantable vacarme des totems aux bobines de fils tressautant !
Il surgit d’un métier, auréolé ; il pose sa burette, me soulève, héros en salopette, son mégot, les joues rugueuses, cette odeur de bonneterie.
« Tiens mais c’est mon p’tit homme ! »
Je ferme les yeux, je relègue l’usine, aux commandes d’un nuage je m’imagine.
L’homme de la lune, Monsieur Personne, spirale, mystère…
« C’est tout blanc », annonce maman en me réveillant.
Paupières encroûtées je m’extrais du sommeil. Sommeil profond, immense, épais.
« Monte là-dessus tu verras Montmartre ! », dit-elle en me hissant sur une chaise, en me frictionnant avec un gant.
Mais vite je veux voir, écarter le rideau ! Oui c’est blanc, et ça continue de tomber, ça tombe ça tombe, drus flocons silencieux, blanc monde, tendre coton, immaculée couche, que nul ne la foule avant moi ! Les deux sœurs ainées en se chamaillant s’emmitouflant s’apprêtent à sortir, à courir à frémir, moufles, boules, glissades, vite les devancer !
Les carreaux de la classe sont givrés. Le ciel est gris, d’un gris joyeux qui réconforte et dans lequel je ne souhaite pas discerner la moindre lueur.
Papa est présent tiens, à l’école, les autres élèves sont partis, papa avec le maître, le maître qui lui parle, les mots s’impriment, distinctement :
« Ne vous en faites pas monsieur, votre fils ne vous décevra jamais ! »
Oui, lecture calcul apprivoisés, la… lourdeur déséquilibrante, écriture encre buvard, anomalie amadouée, récitation bon point image, a forgé un sentiment de supériorité qui préserve des allusions, éponge limpide.
Les flocons dansent, papa ajuste son cache-nez, le son de nos pas sur la neige, papa entouré de fumée regarde droit devant lui, les toits ont l’aspect de gaufrettes à la vanille éventrées, le monde se ouate.
Plus tard je serai pêcheur !
L’orage passe ; les grondements du tonnerre s’éloignent, le pré respire. Papa sait parler aux vaches, les apaiser, « manda, braco », un langage d’apache !
Il m’envoie en éclaireur voir si l’eau de la rivière est aussi trouble qu’il le souhaite. J’annonce qu’elle l’est sans en être absolument sûr.
Les assauts du vent donnent envie d’un abri, duquel nous contemplerions l’écoulement de l’eau en écoutant les craquements des enracinés suiveurs de rivière, en devinant les truites. Truites que nargue la cuillère argentée lancée par papa. Lancée adroitement, sans accrocs. Il mouline lentement, affûté, une cigarette roulée éteinte aux lèvres, tabac bleu, scaferlati, le son régulier du moulinet rassure… Une truite finit par mordre, s’ensuit une écumante lutte que j’aime observer, un scion courbé ramène le poisson à l’air fatal.
Vite le mètre ! Je mesure la truite qui est secouée de spasmes violents, son œil, quel soulagement lorsqu’elle ne fait pas la taille ! Que papa la décroche de l’hameçon délicatement, qu’il la remet dans l’eau, l’œil du poisson, l’eau vive, éberluée truite qui dispara&

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents