Le goût de la terre
165 pages
Français

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Le goût de la terre , livre ebook

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Description


Mina FADLI



LE GOÛT DE LA TERRE





Lors d'un petit déjeuner en tête à tête avec son père de 70 ans, Lilla apprend qu'elle a un oncle, disparu il y a plus de 60 ans. Aujourd'hui malade, son père n’a désormais qu’une obsession en tête, retrouver son petit frère volatilisé à l’âge de 5 ans lors des grandes famines qui ont frappé le Maroc en 1947.


Suite à ces révélations, Lilla se voit confier la mission de le retrouver. D’un petit village berbère sur les hauteurs de Mogador au bouillonnement de Casablanca, Lilla exhume pas à pas les non-dits et les déchirures familiales.


Lilla mène alors l’enquête dans le Maroc des années 1940 au cœur des communautés berbère, juive et arabe et nous plonge dans l'histoire d'un pays en pleine émancipation et bouleversements.











Récit d’un extraordinaire amour fraternel
dans le Maroc d'après-guerre.



Mina Fadli propose dans son premier roman une enquête issue de faits réels et d'une demande de son propre père.


Après une enfance vécue en Normandie, Mina Fadli est aujourd'hui inspectrice de l'éducation nationale pour le réseau des établissements français en zone Ibérique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 novembre 2022
Nombre de lectures 2
EAN13 9782382111307
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0090€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le goût de la terre
Mina FADLI
Le goût de la terre
M+ ÉDIT IONS 5, place Puvis de Chavannes 69006 Lyon mpluseditions.fr

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
© M+ éditions
Composition Marc DUTEIL ISBN 978-2-38211-130-7

Nous sommes frères par la nature,
mais étrangers par l’éducation.
 
Confucius
 
 
 
 
A Yamna, ma Grand-mère,
qui a en mémoire l’histoire des habitants de Tagadirt
 
 
 
 
À tous les villageois du douar Haha .

PROLOGUE
Val de Reuil, Normandie, 7 mai 2010
 
C’est dans la cuisine chez mes parents en Normandie que tout a commencé en mai 2010. Dans cette cuisine, rien n’avait bougé depuis le départ de mes frères, ma sœur et moi. La tapisserie au mur avait vieilli comme mes parents, et les meubles modernes à une époque étaient passés de mode. C’était rare quand je restais chez eux pour la nuit, ou chez moi, je ne sais plus… J’y avais grandi, mais une distance s’était installée avec le temps. En 2010, j’étais moins pressée, plus libre. J’avais pris la décision de quitter mon mari après 10 ans de mariage. Et avec le divorce, la garde alternée m’avait accordé du temps, des semaines entières, des week-ends uniquement pour moi. Je pouvais savourer une semaine sur deux, le plaisir d’un temps libre retrouvé. Je pouvais rendre visite à mes parents tranquillement, m’y attarder si je le souhaitais et discuter sans être tiraillée par un enfant qui me réclamait.
Ce matin du 7 mai 2010, je m’étais installée tranquillement face à mon père, vêtue d’une chemise de nuit sans forme que ma mère m’avait prêtée ; chemise que l’on trouve sur les étals au Maroc et que certaines femmes portent toute la journée. Sans taille, du 34 au 56, elles peuvent convenir à toutes, sans discrimination. Pour la rehausser, une petite fantaisie en dentelle avait été cousue au niveau de l’encolure.
Mon père m’avait servi une tasse de café parfumé à la cannelle. Sur la toile cirée décorée de grandes fleurs légèrement délavées, il avait poussé vers moi une assiette avec des quartiers d’orange qu’il avait préparés à mon intention. C’était ainsi, il épluchait depuis toujours des oranges tous les matins et s’assurait que l’on en mange mes frères et moi. Pour les vitamines, c’était important.
Plus je mangeais, plus il m’alimentait. Des tartines de pain complet, du miel bio, de l’huile d’olive. Stop, je lui disais, mais il répondait , «   ce n’est pas grave Lilla, mange ce que tu peux   ». Alors je me forçais à manger pour ne pas le décevoir malgré ma volonté de perdre quelques kilos.
Il me regardait avec délicatesse, ses petits yeux s’enfonçant un peu plus à chacune de mes visites.
 
«   Avec internet, on peut retrouver des gens   », me dit-il. Depuis peu, mes parents étaient connectés, ordinateur portable, tablette, internet illimité. Ils y passaient beaucoup de temps et découvraient ce monde qui ne s’arrêtait jamais. Ils raffolaient de tutos. Plus accessibles pour eux qui lisaient très peu.
 
«   Avec internet, on peut retrouver des gens   », répéta-t-il, son regard plongeant dans le mien.
J’étais perturbée par ses yeux, ce regard que je ne lui connaissais pas. Je détournai la tête, mais ses yeux continuaient d’insister sans un battement de cils, ils me fixaient.
Je n’avais pas le choix, je devais répondre.
«  Oui, lui répondis-je, on peut retrouver des gens, mais il faut des indices, des documents ou des photos par exemple… pourquoi cette question   ?   »
 
«  Pour retrouver mon frère, mon seul frère ; il faut que tu m’aides Lilla ! Je n’ai r ien, plus de trace, il a disparu depuis tant d’années... Si je dois vivre encore quelques années, c’est pour le retrouver  ».
 
« Ça me hante chaque jour …  »
 
Il avait hésité un peu et s’était tourné vers la fenêtre. Le jardin était en fleurs. De grandes roses rouges filaient le long du mur, le laurier fleur rivalisait avec ses teintes écarlates et les larges feuilles du figuier au fond du jardin formaient déjà un magnifique parasol. Le soleil bas du matin redonnait de la couleur aux fleurs mortes de la toile cirée.
Mon père plissa les yeux face à cette lumière éblouissante et sans me regarder reprit doucement «  ça me hante de plus en plus, tu dois m’aider Lilla   ».
J’étais sidérée d’apprendre que mon père avait un frère. Et donc que j’avais un oncle. Pourquoi nous avoir caché son existence ?
Je ne pouvais pas refuser, j’étais missionnée. J’ai promis de tout faire pour retrouver sa trace.
Et depuis ce matin du 7 mai 2010, c’est moi qui suis hantée par cet oncle, par la peur de décevoir mon père, mais aussi qu’il nous quitte sans que j’aie pu le retrouver.
 
I
1
New York, novembre 2019
 
En plein cœur du Lower East Side, je découvre ma chambre d’hôtel réservée hier avec le vol. Elle est spacieuse et surplombe les immeubles en briques rouges de l’autre côté de la rue. Je m’effondre sur le lit XXL. Ce voyage est ma dernière chance, la piste la plus sérieuse depuis le début. Je suis épuisée. Je fixe au loin les gratte-ciels au sud de Manhattan. Mes doigts s’enfoncent doucement dans l’édredon chaud et accueillant.
L’obscurité s’installe rapidement dans la chambre d’hôtel. Je cherche à tâtons les interrupteurs pour me tenir éveillée encore quelques minutes, le temps d’une visite rapide. J’éparpille mes vêtements dans toute la pièce, bottines noires et chaussettes noires lancées près du lit, jean brut jeté au sol près du bureau, pull en cachemire blanc posé sur un fauteuil avec le soutien-gorge légèrement rembourré juste pour la chaleur. Je m’enfonce dans la fraîcheur des draps en coton d’un blanc éclatant. Mon manque de sommeil s’est accentué ces dernières semaines. La nuit, mon esprit s’agite et retrace toute l’enquête, toutes les rencontres, toutes les recherches qui m’ont amenée aujourd’hui à New York.
Ce soir, je succombe rapidement grâce au décalage horaire.
 
Un peu plus tard, ou quelques heures plus tard, je ne sais pas, mon téléphone tinte. J’ouvre péniblement un œil à sa recherche. J’aperçois la lumière du message au loin, sur la commode sous la télévision. Je referme les yeux à bout de force. Second tintement. Et si c’était urgent ?
Je m’extirpe difficilement du lit.
Il est 2h48, j’attrape le téléphone, encore le lycée.
«   Votre enfant est noté absent de 8h30 à 9h30 au cours d’anglais, merci de contacter la vie scolaire   ».
J’éteins et me précipite sous les draps, les bouts de sein raidis par la fraîcheur de la chambre.
Impossible de retrouver le sommeil. Encore des absences. Il va finir par décrocher et ce sera en partie de ma faute. J’ai tout laissé tomber. Je ne suis plus présente, pour personne   ; famille, amis, travail. Je n’ai qu’une idée en tête, le retrouver. Mon compagnon me répète depuis plusieurs semaines : «   Est-ce bien raisonnable toute cette énergie pour retrouver une personne qui a disparu depuis tant d’années   ? Il doit être mort sûrement ! Tes enfants ont besoin de toi   ». Il ne peut pas comprendre, j’étais si près du but, je devais aller au bout.
 
Je me retourne, j’essaie d’évacuer ces pensées pour retrouver une respiration apaisée. J’allume l’application que j’avais téléchargée pour m’aider à m’endormir. Impossible. La voix de la femme qui m’invite à me détendre m’agace. Tout est éveillé en moi ; mes yeux, mon corps et surtout ma tête qui est calée sur le méridien de Greenwich et il est près de 9H00 en France.
Je me lève et enfile mon pull. J’allume la bouilloire que cet hôtel 4 étoiles met à la disposition de sa clientèle et ouvre mon ordinateur.
Avant de me présenter à mon rendez-vous demain, j’ai besoin de tout mettre à plat, remettre de l’ordre dans mes notes et surtout parer aux éventuelles questions et doutes. Je sors tous mes carnets de voyage de ma valise où sont consignées les notes de chacune de mes rencontres. Les détails que mon père m’avait livrés par touche, dans le désordre, en arabe, en berbère ou en français et parfois en devinant, les mots ayant du mal à sortir, coincés par l’émotion, la pudeur et la douleur. Et ceux livrés par la mémoire vive et directe de ma grand-mère maternelle, figure du village de mes parents et conteuse d’exception. Sans détour, elle a exhumé les zones d’ombre et m’a permis d’ouvrir les pistes pour aller à la rencontre de ceux qui ont croisé mon père et mon oncle. J’allume le dictaphone de mon téléphone. Les enregistrements des conversations avec ma grand-mère et des témoins que j’ai rencontrés me plongent directement dans ce Maroc si lointain.
2
Maroc, 1944
 
1944 à Tagadirt, dans les montagnes du Haut Atlas au Maroc, la chaleur était déjà importante pour un mois de mai, 35° les après-midi. Le village était isolé. Pas une route, pas une piste ne menait au village. La sécheresse ravageait le pays depuis plusieurs années et les territoires berbères éloignés étaient les premiers touchés, oubliés de l’administration française et des Marocains en général. À plus de 1000 m d’altitude, Tagadirt vivait en autarcie. Les petites maisons, regroupées par grappes et blanchies à la chaux, ressortaient dans ce paysage jauni où tous les arbres paraissaient morts. Les vents chauds soulevaient la terre sèche formant comme une brume sur le village, une brume qui faisait disparaître au gré des vents toute trace de civilisation. Quand le vent s’apaisait, quelques âmes osaient défier le soleil et sortaient pour se rendre au puits, seule source d’eau pour tous les villageois.
 
La famine touchait toutes les familles et le régime de ravitaillement, installé par la France au profit de la Métropole, avait aggravé la s

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