Le paradoxe de la Chimère
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Le paradoxe de la Chimère , livre ebook

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Description

« Je viens d’ailleurs, d’une autre planète… »
Sa mère est une chimère. Une chimère dont la folie
détruit son enfance. Comment arriver à vivre et à
grandir en dépit de cette souffrance ? Comment émerger de cette noirceur et se reconstruire
malgré tout ? Et si une autre présence inattendue augurait d’un avenir plus prometteur ? L’espoir est alors permis…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 octobre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312062051
Langue Français

Extrait

Le paradoxe de la Chimère
Eulalie Bialès
Le paradoxe de la Chimère
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2018
ISBN : 978-2-312-06205-1
Une part d'enfance Comme une promesse écorchée De larmes et d'arcs-en-ciel…
Je viens d’ailleurs, d’une autre planète.
Une planète inconnue de notre système solaire traditionnel.
Une planète isolée, aride et sombre, autour de laquelle ne gravite aucun satellite, une planète désespérante, hérissée de défenses, une planète misérable où la vie hésite à se manifester, tant le sol y est hostile et l’air pesant comme un couvercle. Une planète incongrue, inaccessible et dont la lumière n’est pas chaleureuse.
Une planète totalement inhospitalière !
1. Révélation
27 juillet 1979.
C’est ce jour là, que je mourus.
Ô pas complètement, juste un peu, mais ce fut pour toujours !
C’était le jour de mon anniversaire. J’avais dix ans.
Et ma mère se lavait les mains.
J’entendais dans la salle de bain, l’eau qui coulait, inexorablement, en un flux continu, ininterrompu, emportant mon cœur chaviré dans ses atomes d’hydrogène et d’oxygène. Je ne comprenais pas. Je demeurais là, prostré, la tête dans les mains, les coudes posés sur la nappe immaculée de la table de séjour.
Ma mère se lavait les mains !
Comme chaque jour, plusieurs fois par jour, plusieurs fois par heure, longtemps, très longtemps, trop longtemps. Je me mis à pleurer, tout doucement d’abord, sans bruit. Des larmes légères comme des bulles de savon, hésitantes, à peine salées. Des larmes frêles, aériennes. Puis plus fort, de plus en plus fort. Des larmes têtues, opiniâtres, sourdes à la douleur, à la colère, des larmes folles, incontrôlables, désespérées. Je les sentais couler sur mes joues, creuser leur sillon de douleur inévitable, s’infiltrer entre mes doigts et courir jusque sur mon menton et mon cou. Des larmes libératrices. Des larmes vieilles de tant d’hésitations, de tant de questions, de tant de tâtonnements, de fêlures innombrables, de brisures prévisibles, de silences et de cris refoulés.
Ma mère se lavait les mains. Une fois de plus, une fois encore.
Mon âme se brisa. J’avais dix ans, dix ans de trop !
3 652 jours, 87 648 heures et beaucoup plus de minutes et de secondes d’existence. Sans compter les nuits.
Et toute cette respiration suspendue à un bruit d’eau, une fuite d’hydrogène et d’oxygène, incolore, inodore, insipide.
2. Un pays inconnu
Je ne connaissais pas le corps de ma mère.
J’ignorais la texture de sa peau, sa couleur, son odeur. Je n’en possédais aucun ressenti charnel. Pour moi, c’était un pays inconnu, et tant mieux. La contrée, apparemment, n’était pas désirable et je ne voyais pas la nécessité d’entreprendre un long périple, certainement voué à l’échec, pour y accéder.
Ma mère ne m’embrassait jamais, ne me souriait pas, ne me prenait pas dans ses bras, ne me caressait pas la joue, ne me regardait pas. J’étais interdit de séjour de ses émotions, de ses élans, de ses pensées. Je grandis à côté d’elle, à la fois loin d’elle et proche d’elle. A mille lieues d’elle, tributaire d’elle par nécessité mais le cœur en pays étranger.
La terre n’était pas prometteuse.
De quelle couleur étaient ses yeux ? Leur forme ? Etaient-ils en amande, ronds, petits ? Et ses cils ? Etaient-ce de longs cils élégants, des cils lourds de mascara, des cils papillonnants ? De quelle ombre frangeaient-ils son regard ? Une ombre palpitante, une ombre aérienne, une ombre inquiétante ?
Avait-elle seulement un regard ? Et son visage ? Et ses cheveux, et son corps ? Comment étaient-ils ?
Etait-elle grande, mince, charpentée, petite, ronde ? Etait-elle brune, blonde, rousse ? Et son rire ? Comment était son rire ? Léger, égrenant une gamme ascendante de sons cristallins et parant sa gorge d’échos fugitifs ? Sonore, comme une rivière tumultueuse et virevoltante ? Ou bien discret, tel un pépiement d’oiseau timide et chatoyant ? Riait-elle ? Avait-elle même jamais ri ? S’était-elle, dans sa jeunesse, laissée quelquefois emporter par un fou rire libérateur, un élan de joie incoercible, qui vous entraîne au-delà de vous-même et vous laisse pantelant de bien-être et de douceur, en harmonie avec le monde ?
Je n’aurais su répondre à ces questions.
En fait, je ne savais rien d’elle et ne voulais rien en savoir. Savoir eût été une vertigineuse chute, une chute incommensurablement douloureuse. Je préférais rester en dehors d’elle, loin de son apparence, loin de son entité. Surtout ne pas trop m’approcher d’elle de peur d’être attiré comme par un aimant puissant qui m’eut entraîné à coup sûr dans un infernal trou noir, et m’eut désagrégé, comme une étoile explose quand elle se meurt.
J’étais sans cesse sur la défensive, le cœur toujours en alerte, le regard aux aguets, prêt à fuir au moindre signe suspect.
Me tenir hors de portée du magma susceptible d’entrer en fusion, de la moindre activité sismique potentielle, ne pas mourir étouffé dans ses entrailles, était ma devise et ma lutte quotidienne.
Une lutte épuisante.
Ma planète est ingrate et sans charme.
J’imagine des fleuves sans fin, aux berges riantes et parsemées de fleurs graciles, des fleuves ronronnant comme des chats alanguis, des fleuves offrant au soleil leur ventre d’eau pétri de lumière et de vie, des fleuves primesautiers, aux parfums volatiles, des fleuves nourris de rires et de cris, des fleuves fiers, riches, tutélaires.
Des fleuves comme des promesses, comme des mains chaudes et caressantes. Des fleuves s’ouvrant en corolle pour me recevoir et me baigner, et me laver de mes doutes, de mes chagrins, de mes blessures.
Des fleuves brillant d’espoir et d’avenir, charriant sur leurs eaux salvatrices des parfums de renouveau et de promesses à l’instar des lourds vaisseaux d’autrefois chargés d’or et d’épices.
3. L’inconcevable
Je le sais à présent, ma mère n’existait pas !
C’était un mirage, une illusion, une tromperie, une erreur. Son enveloppe charnelle, tout à fait commune hélas, la condamnait à errer misérablement parmi les humains, sans espoir d’évasion. Son seul objectif était d’avoir une maison propre, très propre, extrêmement propre, aseptisée.
Elle ne travaillait pas, bénéficiant d’une pension d’invalidité dûment méritée, qui lui permettait de me pourvoir en vêtements d’une consternante banalité et surtout de reconstituer son inépuisable stock d’eau de javel. Elle n’en possédait pas moins de douze flacons, qu’elle renouvelait régulièrement et ne descendait jamais en dessous de ce nombre, sous peine de crise d’angoisse sclérosante, qui la laissait totalement désemparée, exsangue, au bord de l’hébétude.
Chaque soir, en rentrant de l’école, je devais me déshabiller entièrement et déposer tous mes vêtements, ainsi que mes chaussures, dans un panier derrière la porte, enfilant pour pénétrer dans le corps même de la maison, une tenue plus appropriée, fleurant abondamment l’eau de javel. Il m’était, bien entendu, interdit de ressortir. Je devais ensuite passer sous la douche et me laver les mains trois fois avant d’aller à table.
La soirée se déroulait alors toujours selon le même rituel. Je mangeais une soupe, une tranche de jambon et un yaourt. Jamais autre chose et surtout pas un aliment qui puisse faire des miettes ! Je ne devais pas non plus faire de bruit en mangeant, ni avec les ustensiles que j’utilisais.
Ma mère demeurait là, assise sur une chaise, et me surveillait, les sourcils froncés, les lèvres pincées, le visage soucieux. Dès que j’avais terminé mon repas, elle emportait mon plateau avec soulagement et partait vite le désinfecter. Elle-même mangeait après, seule, rapidement et sans plaisir.
Ma mère n’avait pas d’amis, pas de famille, pas de relations. Elle n’avait que moi, pour mon malheur. Elle ne sortait pas, préférant se faire livrer ses courses, à condition que les caisses demeurent sur le seuil jusqu’à ce que tous les produits, quels qu’ils soient, soient nettoyés, désinfectés et, les sacs en plastique qui les contenaient passés à la machine à laver. Après ce rituel immuable, elle courait jusqu’à l’évier et passait une demi heure, voire plus, à se laver et se relaver les mains jusqu’à l’écorchure. Je ne comprenais pas son obsession. J’assistais impuissant à cette déchéance, l’esprit en déroute, les sentiments déconnectés, le cœur en miettes.
Ma mère était ma mère biologique, pas ma mère de cœur !
Aucun élan ne me portait vers elle. Mon cœur ne battait pas pour elle, je l’avais mis en jachère maternelle, en attente d’une impuls

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