Le poids de la couette
85 pages
Français

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Le poids de la couette , livre ebook

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Description

Poussées par une soif insatiable de découvrir le monde, Joséphine, Jade et Lison s’envolent vers l’avenir avec une insouciance fabuleuse. Mais l’année de leurs dix-huit ans, un drame vient freiner leur course légère. Les ailes tombent et laissent place aux baluchons qui s’alourdissent avec les années. La soif d’explorer toutes les possibilités va se heurter à la découverte d’un monde adulte qui ne réserve pas que de belles surprises. Le Poids de La Couette raconte leur quête de sens pour y trouver une place et une part de bonheur.

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312062440
Langue Français

Extrait

Le poids de la couette
Joséphine Tumouche
Le poids de la couette
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2018
ISBN : 978-2-312-06244-0
Chapitre 1 : MacGiver , les Beatles et ce bon vieux Renaud
Mouratiers,
Avant, aujourd’hui, toujours.
Depuis la fenêtre de notre chambre d’enfants, je regarde la Sure, ce gros rocher bienveillant, et je me sens apaisée de savoir qu’il ne bougera jamais, lui. Les vieux posters de groupes de reggae de Léo sont encore collés aux murs et je me dis que c’est un bel endroit pour Bob, idéal pour rêver de liberté et d’amour.
J’ai toujours aimé Mouratiers. De tout temps. Cet endroit où vit la famille de maman depuis des générations. Cette petite ville sans prétention, ni très jolie ni très moche, idéalement logée au cœur des montagnes qui la protègent, mais de suffisamment loin pour conserver cette impression que l’on y respire comme nulle part ailleurs.
Jean et Odette Tumouche, mes parents, ont acheté la Villa des Fleurs à la famille d’une vieille dame décédée quand mon frère Léo est né. Je me souviens encore de la première visite, la jungle dans le jardin, et cet intérieur figé dans le temps. Comme si la mémé pouvait entrer dans la cuisine et nous proposer du thé à tout instant. Je me souviens comme si c’était hier des plantes séchées, partout, du tricot accroché à de grandes aiguilles posées sur une chaise, et de ma frustration quand maman m’a interdit de me servir dans le paquet de gâteaux ouvert sur la table. J’avais cinq ans. Et j’ai tout de suite aimé cette bâtisse un peu décrépite, sur les hauteurs de la ville, avec un jardin ouvert sur les champs de blé et de cerisiers dans lesquels nous avons si souvent joué à cache-cache étant gamins.
Mon père Jean, ses frères et tous les amis des Tumouche ont retapé de leurs bras, de leurs savoir-faire respectifs et de leur générosité la petite maison dont les murs renferment encore, et surement pour toujours, leur amour sans limite. Tout l’amour dont mon cœur déborde un peu parfois. C’est à Mouratiers que je suis née. C’est ici que j’ai rencontré Jeanne et Lison, mes inséparables dont les deux petites têtes accompagnent Bob sur les photos des murs de notre chambre. C’est ici que j’ai rencontré la bande des Lyonnais, les premiers hommes de ma vie. Avant le drame, je n’avais pas de souvenir sans tous ceux-là dans le décor.
Je reste un peu plantée là, devant la fenêtre. Derrière le jardin, au bout du champ, juste après les derniers cerisiers, j’aperçois la maison de Jeanne. Autre repère immuable. Son père a acheté cette grande baraque bourgeoise, peut-être la plus belle de Mouratiers, quand il a quitté la Gironde pour faire carrière dans l’industrie du ski. Son travail a toujours été au centre de toutes ses préoccupations, pendant que la mère de Jeanne s’est occupée de nous pour oublier qu’il ne s’occupait pas d’elle. A l’autre extrémité du champ, il y a la maison de Lison, que je ne peux pas voir mais que je devine, que je sens. Je sais qu’ils sont là. La famille de Lison, ses parents instituteurs, et même sa grande sœur, belle et intelligente, notre modèle adoré.
Et ce champ, là entre nous, qui nous a réunies si souvent. De la maternelle au lycée, on a virevolté ensemble d’une maison à l’autre, semant ici et là nos rires et notre légèreté d’enfants. On a partagé nos parents, nos frères et sœurs, l’école, notre champ et nos maisons. Témoignent de la résistance de nos liens dans le temps les noms de groupes encore inscrits au correcteur sur les façades du lycée, que nos camarades nous ont attribués au fil des époques, en fonction de notre tour de poitrine et de notre cote de popularité. « Love you les Spice Girls, friends forever », « Les Beatles, au chiotte ! » (Jeanne a eu une coupe proche de celle de John Lennon quand nous étions en cinquième).
Toujours considérées ainsi, d’un seul bloc, les filles et moi étions pourtant très différentes. L’exigence des parents de Lison en avait fait une petite fille et une adolescente quasi-parfaite. Loin des préoccupations des filles de son âge. Son principal objectif était d’être la première de la classe et d’exceller en tout. Elle aimait jouer avec nous, faire des vidéos tant que le contenu restait constructif, elle était la reine des pistes de ski l’hiver mais ce n’était en aucun cas une fifille. A douze ans comme à vingt-cinq, elle crachait sur nos jeux futiles avec les garçons, notre mascara et nos préoccupations de midinettes. C’était l’intello de la bande. La raisonnable et la sensible aussi. Le petit oiseau. En grandissant, elle a parfois lutté contre sa nature pour nous suivre dans nos aventures, mais elle était toujours là. Coûte que coûte, tirée par Jeanne et moi et poussée par sa grande sœur Charlotte qui rêvait de lui insuffler un peu de légèreté.
Charlotte s’occupait de nous souvent, suivait nos aventures de près, au lycée, en voyages et ailleurs, veillait à ce que les garçons ne brisent pas nos cœurs, nous donnait des conseils et nous rendait toujours service pour nous charrier en voiture à droite et à gauche. J’avais souvent entendu parler mes parents et ceux de Jeanne de Charlotte. Ils la décrivaient d’abord comme une enfant grave, puis comme une adolescente à problèmes, et enfin comme une jeune adulte fragile. Elle était toujours un sujet d’inquiétude au cœur des conversations des adultes, alors qu’elle était un vrai soleil dans nos vies. Elle riait de nous, avec nous et nous considérait toutes les trois comme des petites sœurs. C’était un peu comme une mère, toute aussi rassurante mais sans la morale, et le fun en plus.
Jeanne et moi, on a toujours partagé la même excitation, les mêmes envies, la même curiosité, et on a toujours pris Lison par la main. C’était comme ça. Jeanne était tout aussi intelligente que Lison mais c’est sa beauté que l’on remarquait en premier. C’est la première que j’ai rencontrée. En troisième année de maternelle, quand ses parents sont arrivés de Gironde pour s’installer près des montagnes. C’était une jolie blondinette, avec de grands yeux bleus pleins de cils, deux nattes plaquées qui retombaient sagement, symétriques sur sa robe à fleurs. Elle avait déjà ce sourire rêveur collé au visage, laissant apparaître ses petites dents du bonheur. C’est peut-être l’effet du temps sur ma mémoire, mais je m’en souviens comme la petite fille parfaite, la petite fille que représentent les enfants sur leurs dessins naïfs. A côté de Papa et sa voiture, Maman et son rouge à lèvres, et sûrement un petit frère ou un amoureux avec un ballon de foot. La petite fille fragile et gracieuse, avec sa poupée.
Moi, au départ, j’ai été faite selon un tout autre modèle. Mes parents avaient, à la base, commandé un truc du genre casse-cou qui privilégie les concours de lutte avec les garçons à la dinette. Mes cheveux coupés courts étaient souvent en bataille. Aujourd’hui encore, quand on regarde avec Jeanne les films ou les photos de notre enfance, on charrie Odette à propos de cette coupe de cheveux : « A quel moment tu t’es dit, tiens, on va lui faire une espèce de coupe au bol très courte, un peu plus long derrière façon MacGiver, elle va être trop mignonne comme ça ?! Haha ! »
Et cela nous fait pisser de rire. Pas Odette qui, un peu vexée, maintient fermement que oui oui, j’ai toujours été très mignonne et qu’on est vraiment trop bêtes. Avant de rencontrer Jeanne, je me foutais pas mal de ressembler à une petite fille ou à MacGiver. Mais quand je l’ai vue la première fois, j’aurais volontiers troqué mon mulet contre les nattes de Pocahontas. Et c’est à peu près ce que j’ai fait au fil des ans.
Cela me fait toujours sourire de regarder toutes ces photos de nous accrochées au mur. J’ai presque l’impression de les découvrir à chaque fois. Le temps est passé si vite. Je quitte la chambre pour rejoindre maman dans la cuisine qui a fait une tisane et des gâteaux pour le goûter. Sur le chemin, je m’arrête quelques instants devant le vieux miroir de la descente d’escaliers. Je fais souvent cela. Je compare cette image de moi à celles que j’observais un peu plus tôt dans la chambre et je me dis que si à l’époque, on m’avait dit que j’aurais cette tête vingt ans plus tard, peut-être me serais-je fait moins de souc

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