Le Vieux clou
165 pages
Français

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Description

Chère lectrice, cher lecteur : Tenez-vous bien au guidon, surtout ne lâchez rien. Dans cette aventure les montées sont rudes, les descentes vertigineuses.
La glorieuse narratrice de cette histoire n’est autre qu’une bicyclette, mais quelle bicyclette ! Agile, fière, vaillante, elle nous conte son existence à travers celles et ceux qu’elle côtoie, et surtout la vie tumultueuse que lui fait mener le Champi ce jeune héros au visage déformé, monstrueux.
Véritable anomalie de la nature, le champi tombe amoureux de la Drôlesse. Parisienne, menteuse, manipulatrice, obligée qu’elle se sent pour se défaire de ce monstre, la Drôlesse s’invente une maladie incurable…
Le Champi, monstre au cœur doux, emprunte alors des sentiers boueux, jonchés d’embûches, des chemins infestés d’ornières, et lui-même tendra des pièges dans lesquels…
Dans ce roman imagé, mi-terroir mi-urbain, les bicyclettes portent le nom des singularités de leurs propriétaires. Ainsi, souvent malgré elles, la Vaugirard, la Vétuste, la Vétille, la Vérole, la Valeureuse, la Vacharde etc., en sont les autres héroïnes.
Par ailleurs, la Blouse-grise, le Béret, la Tremblote, la Ficelle, le Courbé, la Piqueuse, le Garde-champêtre sur sa Ventouse, la Gueule-de-veau, sans oublier les notables sans scrupule, complètent le tableau pittoresque, parfois tragique de cette histoire.

Informations

Publié par
Date de parution 16 juillet 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9791029009785
Langue Français

Extrait

Le Vieux clou
Dan Ross Smague
Le Vieux clou
Même les petites reines ont une âme
Les Éditions Chapitre.com
123, boulevard de Grenelle 75015 Paris
© Les Éditions Chapitre.com, 2019
ISBN : 979-10-290-0978-5
Avant - propos
Qui n’a pas entendu, écouté, une petite voix intérieure lui murmurer, lui conseiller un choix de vie, le féliciter, l’encourager lors de décisions heureuses, le houspiller pour d’autres libertés prises à la va-vite ou encore le réprimander, le fustiger après avoir opté pour une solution hasardeuse, voire désastreuse.
J’avais six ans lorsque j’ai eu ma première bicyclette. Dès les premiers tours de roue, je lui ai parlé. D’abord, pour qu’elle me permette de bien tenir le guidon, qu’elle ne me fasse pas perdre les pédales, que les roues ne jouent pas les filles de l’air, qu’elles sachent grimper sur les trottoirs et qu’enfin, je puisse me servir des freins, mais pas celui bloquant la roue avant. Dès lors, le vélo a été mon complice.
Entre lui et moi, bien plus qu’une histoire, une vie intime débuta. Une vie pleine de bien-être, d’euphorie, d’incertitudes, de petits bobos, de visage couvert d’ecchymoses ; une vie de rires, de coquetteries face aux donzelles, de folie, de vitesse devant les copains, de pansements aux genoux, de clavicule cassée, de cris, de pleurs, mais aussi et surtout, une vie de joie, de réjouissances, de plaisirs, de bonheurs… d’immenses bonheurs gravés à tout jamais dans mon coeur.
Après sept décennies de complicité et d’amour, de ces fidèles, ces vraies compagnes de route, je ne me suis lassé, encore moins, ai pu m’en passer. Je les ai si fort aimées, cajolées, et elles me l’ont tellement rendu que, par ce roman, je n’avais d’autre choix que leur témoigner mon adoration.
I. Funérailles
Donc c’est vrai, je dois me faire définitivement à l’idée. Le vieux Breuille est mort. Pour l’occasion les gens du village ont sorti leurs habits noirs. Anciens, élimés, soigneusement repassés, mais noirs. Des femmes que je ne reconnais pas cachent leurs cheveux sous un chapeau, leur visage derrière un voile.
– Que ce foutu vieux nous fausse compagnie si vite, je ne l’aurais jamais imaginé, confesse tristement l’une d’elles en passant une paume de main attendrie sur mes poignées.
La Ficelle acquiesce par un hochement de tête. Il s’appuie gentiment sur moi et je détecte quelques signes d’une nervosité inhabituelle dans ses jambes.
Des hommes, pourtant de ses bons copains, enferment le corps du vieux Breuille dans un coffre de bois brillant. Grâce aux poignées dorées, ils le soulèvent pour ensuite le hisser sur la carriole de ce fidèle Mirabeau. Au passage, j’en surprends qui grimacent sous l’effort et la canicule.
– Avec le Breuille qui descend en terre, c’est encore une légende du village qui disparaît, gémit la Tremblote à l’adresse de la Ficelle. Celui-ci n’émet d’autre expression qu’un timide balancement de tête.
– Et le Champi, qu’est-ce qu’il va devenir ?, ose la vieille Chouette dont les os ne tarderont plus à percer la peau de ses trop fines joues.
Son mari lui assène un bon coup d’os de coude dans le creux de ce qui fut naguère son estomac et la pauvre Chouette ferme son bec.
C’est vrai qu’il en savait des choses ce bon vieux Breuille. Des choses sur la ferme, des choses sur les bêtes et tant d’autres sur la nature, les paysans. Le Breuille, il connaissait tout des secrets de notre campagne. De sur, et de sous la terre, il pouvait parler des heures sans jamais se lasser comme il savait aussi tout ce qui se passait dans la tête et le corps des gens du village. Les gens, il les aimait et d’ailleurs beaucoup le lui rendaient bien. Le Breuille s’attachait à les écouter, les observer, les étudier. Souvent, il tentait, sans toujours y parvenir, de les comprendre.
« Les comprendre, c’est ce qu’il y a de plus difficile », me confiait-il parfois avant d’ajouter, à l’égard des plus bourrus :
« Regarde celui-ci, il est têtu comme une mule. Depuis le temps que je l’observe, je vois qu’il ne sait que dire non à tous les autres. Je lui fais remarquer qu’ainsi il s’expose à toutes les difficultés, qu’il se met les gens à dos, que cela risque de lui être fatal. Je lui dis qu’il ferait bien de dire oui, de temps en temps. Je le laisse réfléchir et quand je lui demande s’il a compris, il hoche la tête et me répond : non ! Bah, ce n’est pas un mauvais bougre ; il est comme les vieux d’ici. Vois-tu, avec tous ces gaillards, il faudrait que je prenne le temps. »
Au gré des saisons, le Breuille s’attachait à la campagne. La campagne, c’était sa passion, sa liaison secrète avec la vie.
« J’admire toutes ces merveilles bienfaisantes pour les yeux des hommes, ces merveilles qui s’étalent harmonieusement dans nos champs », clamait-il, et même qu’il notait ce qu’il disait sur des pages blanches d’épais cahiers.
Le Breuille adorait ses terres, ses vignes, ses blés, ses maïs qui levaient et ondoyaient sous la brise légère. Il vibrait quand ses arbres s’agitaient dans le vent, grimaçait, exultait à les voir se plier dans les tourmentes des saisons froides, larmoyer sous le ciel qui grondait, s’harmoniser au passage des nuages. Plus encore, il s’enthousiasmait à la vue d’un castor au poil soyeux, d’un lièvre orgueilleux ou même d’un timide écureuil qui surgissait, détalait sur un sentier, s’immobilisait, profitait d’un moment de quiétude, se maintenait en éveil avant de s’enfuir au moindre bruit. À toute époque de l’année, au fil des jours, le Breuille scrutait la plaine et les coteaux durant des heures.
« Pour comprendre la faiblesse des hommes, disait-il, il faut connaître la force de la nature. »
Le Breuille savait écouter nos gens, celles et ceux de notre hameau. Il comprenait leurs intentions, s’attardait sur leurs sentiments. Il œuvrait, agissait pour le bien de tous, pleurait, souffrait quand les catastrophes s’abattaient sur certains, qu’il n’y pouvait rien changer. Il parlait tout le temps. Qu’il ait ou pas d’interlocuteur, le Breuille parlait, parlait et parlait encore. Les autres, tous des vieux, l’avaient surnommé le moulin à paroles. Les vieilles gens de nos campagnes, je ne les ai jamais vraiment comprises. Des moulins, j’en connaissais deux : le majestueux qui se dressait sur la route de Ronsard ; celui du Bois Galant . Jamais, je les ai entendus souffler d’autre mot que de longues et sordides complaintes dans le vent. Je resterais donc à tout jamais dans l’ignorance.
Le Breuille prenait vraiment le temps d’écouter les autres lorsqu’ils l’interpellaient. Avec gratitude, il proposait une réponse à qui le questionnait. Il disait que toute question mérite que l’on s’y intéresse. Il en comptait des amis le Breuille, des ennemis aussi, « Quel humain n’en compte pas ? », assurait-il. Moi, je ne lui en connus aucun, bien qu’après la découverte du Champi, il y en eut, des mauvaises langues, qui parlaient à voix basse et derrière notre dos. Le Breuille, lui, n’y prêtait aucune attention.
Tous les paysans sont venus pour un dernier au revoir comme ils le lui murmurent en défilant devant ce coffre de bois. Les vieux de chez nous bien sûr, mais aussi d’autres que je n’avais encore jamais vus, de bourgades voisines. Ils se rangent tous les uns derrière les autres, et un long ruban noir se déploie en suivant lentement la carriole tirée – il est vrai – par cette vieille bourrique de Mirabeau. Si le Breuille avait deviné qu’on lui réserverait si peu d’espace, bien qu’il fût d’une rare maigreur, il n’eut certainement pas apprécié. La mort, le Breuille ne m’en avait jamais soufflé mot, hormis la veille, de la sienne, bizarrement.
C’était en fin d’après-midi.
Nous étions sortis pour une promenade. Lui, il a dit : « Un dernier tour de balade. »
La mort, soit il n’y pensait pas, soit il la craignait ? Non, le Breuille n’était pas un humain à se défiler encore moins redouter quoi que ce soit. La mort, c’est sûr, le Breuille n’y pensait pas, sinon il m’en aurait fait un commentaire. Il me parlait de tout quand nous étions seuls. De tout, sauf du Champi.
Si ! Une fois, il l’évoqua. Celle où les docteurs emmenèrent le petit pour lui faire du mal sur son visage, avait regretté le Breuille alors qu’il essuyait les larmes qui roulaient sur ses joues.
Une fois la messe dite, au sortir de l’église, sans hésiter, un curieux homme se dirigea vers moi. Je ne le remis pas immédiatement et redoutai un de ces bougres de chapardeurs. En même temps qu’il enserra ses doigts gourds sous ma potence, je sentis son autre main s’appuyer dextrement sur mon bourrelet arrière. À son toucher, je le reconnus. C’était bien la Ficelle !
Maintenant, la Ficelle et moi fermons la marche derrière le long et lent cortège. De sa grosse paluche, il me tient, bien serrée, entre ses doigts. Par moments, je sens sa poigne qui, sans qu’il le veuille, s’échappe en glissant. Il fait une chaleur à ne pas mettre un gueulard dehors. En plus, le père la Ficelle, il n’est pas habitué à être affublé ainsi.

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