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Les Arbres jaunes
Des mêmes auteurs
Chemins de traverse, Récit à deux voix,
Editions Karthala, Paris, 2000
Pierre de Grauw, sculpteur,
Editions d’Art Somogy, Paris, 2001 Pierre et Georgine de Grauw
Les Arbres jaunes
Nouvelles et récits
Publibook Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook :
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IDDN. FR.010.0114126.000.R.P.2009.030.40000
Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2009
Sommaire
Prologue .......................................................................... 11
René................................................................................. 15
L’habit ............................................................................. 27
Le père Léon.................................................................... 31
Le baptême ...................................................................... 35
Le préfet 43
L’image mortuaire........................................................... 53
Le noviciat....................................................................... 57
Le prédicateur.................................................................. 65
Paulinus ........................................................................... 73
Hendrina.......................................................................... 79
Une abbaye presque abandonnée .................................... 83
L’innommable ................................................................. 93
Rudolf et Ilse ................................................................... 97
La fleur blanche............................................................. 113
Mes parents 117
Pourquoi pas ? ............................................................... 151
Le son perdu.................................................................. 163
L’orientation nuptiale.................................................... 179
Les murs ........................................................................ 189
Epilogue 203
9
Prologue
Dans les années cinquante, Dammartin-en-Goële ne se
trouvait pas encore enfermé dans le couloir bruyant de
l’aéroport Charles de Gaulle.
C’était, à une trentaine de kilomètres au nord de Paris,
un gros bourg tranquille, un peu endormi. Des maisons
lépreuses – on sortait de la guerre ! – formaient la
perspective cahotante de sa rue principale.
A gauche de cette rue, en venant de Paris, on apercevait
une petite place triangulaire, calme, silencieuse, limitée à
edroite par une belle église du XIII siècle, où Jeanne
d’Arc, disait-on, avait prié... En face, se trouvait l’hospice
dirigé par les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, tandis qu’à
gauche, un peu en retrait, quelques anciennes maisons,
appuyées les unes sur les autres, composaient une longue
façade pittoresque. Un peu plus loin, à l’écart, se dressait
une grande villa appelée « La Motte verte », maison
d’accueil pour enfants.
Je fis plusieurs séjours dans cette maison afin d’y
perfectionner mon français avec l’aide de sa directrice,
pédagogue réputée.
J’aimais cette maison et son ambiance. J’aimais aussi
cette région, terre du nord de la France martyrisée par
deux guerres mondiales, terre que je découvris au cours de
longues promenades à travers d’immenses champs de
betteraves entre lesquels perçait tout à coup l’un ou l’autre
village posé çà ou là comme par hasard…
En automne, les paysages souvent voilés de brouillards
persistants respiraient nostalgie et tristesse. Il ne m’était
11 pas difficile, alors, d’imaginer la période dramatique de la
guerre où tout espoir avait semblé perdu.
Un jour, derrière « La Motte verte », je découvris une
ferme et sa cour abandonnées. Sur un tas de ferraille, une
croix de cimetière, renversée mais bien visible, dominant
malgré tout cet amas de fer rouillé.
Je fis un croquis de cette cour. Quelques jours plus tard,
le croquis devint sujet d’une peinture à l’huile. Je copiai
fidèlement l’entassement des bâtiments, mais j’ajoutai au
fond de ma composition quelques arbres jaunes, morts
comme par l’effet d’un poison caché dans la terre, résidu
de la folle violence guerrière. Personne n’habite cette
image. Pas âme qui vive ! Comme si toute cette habitation
était tombée dans l’oubli des temps…
Triste ? Sans doute. Sans espoir ? Non !
Car je crois que mon tableau respire le silence et
l’attente qui précèdent la vie.
Un jour, en effet, on entendra de nouveau dans ce coin
délaissé le piaillement de quelques oiseaux, on y entendra
de nouveau le rire d’un enfant.
Mais les arbres jaunes, retrouveront-ils un autre
feuillage ?
C’est la question que veulent poser ces nouvelles et
récits.
Sèvres, le 25 juin 2009 – Pierre de Grauw
12
Nouvelles
René
Dans le noir de sa chambre à coucher, sa main explorait
tout doucement la table de nuit, glissant sur le livre – un
roman policier dont il avait commencé la lecture le matin,
– effleurant prudemment ses lunettes, avançant vers la
droite, là où il pensait avoir posé le verre d’eau dont sa
gorge martyrisée avait grand besoin. Comme les pattes
d’un gros insecte, ses doigts se déplacèrent l’un après
l’autre, contournèrent la boîte de médicaments pour
toucher enfin la rondeur fraîche d’un vieux pot à moutarde
rempli d’eau minérale. Avec beaucoup de précaution, il
fallait maintenant s’emparer de ce trésor sans le renverser,
le serrer dans sa main, le soulever sans toucher l’abat-jour
de la lampe de chevet, l’approcher de sa bouche sans
trembler et boire, boire enfin pour calmer cette douleur
brûlante dans sa gorge qui l’empêchait de trouver le
sommeil. Comme dans un film au ralenti, doucement,
lentement, en évitant de toucher sa femme, il se redressa,
prit appui sur son coude droit, tandis que sa main gauche
approchait le verre d’eau de sa bouche desséchée.
Goulûment, il but, but encore. S’arrêta, immobile,
s’interrogeant pour savoir si sa gorge en voulait
davantage, but de nouveau.
Avec la même précaution, il posa ensuite son verre, se
glissa doucement sous la couverture, reposa sa tête sur
l’oreiller, ferma les yeux, content de ne pas avoir réveillé
sa femme : une fois réveillée, elle se rendormait
difficilement. Elle se faisait tant de soucis pour lui, mais
aussi pour les deux filles, jumelles de bientôt deux ans qui
ne marchaient pas encore. « Pas étonnant, leur avait dit le
15 médecin, votre appartement est trop petit ; elles n’ont pas
assez d’espace pour trotter ! »
Il avait sûrement raison.
Leur deux-pièces avec cuisine et cabinet de toilette était
trop exigu pour un couple avec deux enfants. Dans la salle
de séjour, ils avaient dû aménager un coin pour les deux
lits d’enfants, le lit conjugal occupant totalement leur