Les Belles de nuit , livre ebook

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Paul Féval (1816-1887)



"Le XIVe siècle trouva l’architecture, le XVe inventa la poudre, le XVIe restaura la peinture, le XVIIe fixa la langue, le XVIIIe compila l’Encyclopédie et mangea ces petits soupers trop fameux qui nous coûtent tant de vaudevilles ! Le XIXe siècle a perfectionné les moyens de transport.


C’est là sa gloire. On pourra contrôler ses autres titres : planètes devinées, conserves de tragédies, romans à la vapeur et goguettes humanitaires, mais nul historien n’aura le cœur de lui contester le macadamisage, les bornes kilométriques, le cornet à piston du conducteur, et la lampe merveilleuse qui chauffe en hiver les pieds des voyageurs.


Nous ne parlons pas même des chemins de fer. La diligence seule eût suffi pour créer à notre âge une spécialité honorable.


La diligence si dédaignée !...


L’empire n’est pas encore bien loin de nous, et pourtant si nos jeunes messieurs les voyageurs du commerce voyaient surgir tout à coup une de ces lourdes et incommodes machines auxquelles étaient réduits leurs devanciers, les simples commis voyageurs, ces aimables fils, frémiraient jusque dans leurs breloques.


La restauration fit des progrès, il faut l’avouer ; mais, en 1820, les voitures publiques avaient encore cette physionomie de coucou qui révolte et fait honte. On mettait trois jours et trois nuits pour aller de Rennes à Paris. On couchait en route ; on faisait des relais de sept lieues avec deux ou trois rosses asthmatiques. Enfin des choses qui semblent dater du déluge !"



Volume II. Suite et fin.


Tous les protagonistes du drame de Redon se retrouvent à Paris...

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Publié par

Date de parution

30 décembre 2021

Nombre de lectures

1

EAN13

9782384420124

Langue

Français

Les Belles de nuit

ou
Les Anges de la famille

Volume II


Paul Féval


Décembre 2021
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-012-4
Couverture : pastel de STEPH’
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1010
TROISIÈME PARTIE
Le voyage
I
La cour des messageries

Le XIV e siècle trouva l’architecture, le XV e inventa la poudre, le XVI e restaura la peinture, le XVII e fixa la langue, le XVIII e compila l’Encyclopédie et mangea ces petits soupers trop fameux qui nous coûtent tant de vaudevilles ! Le XIX e siècle a perfectionné les moyens de transport.
C’est là sa gloire. On pourra contrôler ses autres titres : planètes devinées, conserves de tragédies, romans à la vapeur et goguette s humanitaires, mais nul historien n’aura le cœur de lui contester le macadamisage, les bornes kilométriques, le cornet à piston du conducteur, et la lampe merveilleuse qui chauffe en hiver les pieds des voyageurs.
Nous ne parlons pas même des chemins de fer. La diligence seule eût suffi pour créer à notre âge une spécialité honorable.
La diligence si dédaignée !...
L’empire n’est pas encore bien loin de nous, et pourtant si nos jeunes messieurs les voyageurs du commerce voyaient surgir tout à coup une de ces lourdes et incommodes machines auxquelles étaient réduits leurs devanciers, les simples commis voyageurs, ces aimables fils, frémiraient jusque dans leurs breloques.
La restauration fit des progrès, il faut l’avouer ; mais, en 1820, les voitures publiques avaient encore cette physionomie de coucou qui révolte et fait honte. On mettait trois jours et trois nuits pour aller de Rennes à Paris. On couchait en route ; on faisait des relais de sept lieues avec deux ou trois rosses asthmatiques. Enfin des choses qui semblent dater du déluge !
Il a suffi d’une vingtaine d’années pour aplanir les montagnes, combler les fondrières, civiliser les pataches, guérir les chevaux et mettre dans tous les compartiments des diligence s restaurées cette jolie petite revue, qui porte aux points les plus reculés de notre France la renommée de la pâte Regnault et les épiques dissensions des dents osanores .
Il était environ huit heures du matin. Dans la cour de l’hôtel des messageries, à Rennes, on faisait beaucoup de bruit et l’on se donnait beaucoup de mal. C’était le départ pour Paris. Au milieu de la cour, stationnait une voiture jaune, étroite par la base, large par le haut, et dont la construction semblait calculée pour obtenir le plus d’accidents possibles. Autour de cette voiture, à laquelle s’attelaient déjà trois chevaux, réformés pour diverses maladies, un monde de facteurs, de voyageurs et de mendiants se pressait.
Il y avait là cette famille qui occupe l’intérieur des diligences depuis le commencement des temps : le père avec son bonnet de soie noire et le grand sac de nuit ; la mère qui porte le panier aux provisions, bourré de veau froid, et dont le couvercle trop petit laisse passer le goulot des bouteilles ; les deux demoiselles qui se sont coiffées de chapeaux antiques pour mettre ceux du dimanche dans la malle ; et la bonne revêche, avec les trois petits enfants, payant demi-place, dont le roulement de la voiture va bientôt déranger les jeunes estomacs...
Cette famille encombre à elle seule une cour de messageries, tant elle a d’amis qui viennent pleurer sur son départ et lui souhaiter bon voyage. Elle se charge des commissions de toute une ville ; quand elle part, la malle-poste n’a plus rien dans ses coffres.
Il y avait, pour la rotonde, le petit jeune homme qui va faire son droit à Paris, emportant avec lui le cher manuscrit de cette tragédie que le Théâtre-Français, hélas ! ne voudra point jouer ; la petite fille, sournoise et pauvre, que vous rencontrerez peut-être, au bout d’un mois, pimpante et bien changée dans une loge de l’Opéra ; enfin, la nourrice discrète, vaste, rouge, qui va voir si Paris lui garde un rejeton royal à allaiter.
Pour l’impériale, deux hommes à moustaches et à pipes.
Restait ce compartiment aristocratique : le coupé, que l’on nommait à Rennes, en ce temps, le cabriolet .
Dans la foule bavarde et attendrie qui entourait la voiture, on se disait qu’un monsieur, venant de Brest, avait pris le cabriolet pour lui tout seul. On ajoutait, entre deux poignées de mains arrosées de larmes, que ce monsieur était un Anglais, et que les Anglais sont des originaux qui ne font rien comme tout le monde.
Les mendiants et les désœuvrés qui l’avaient vu arriver, la veille au soir, affirmaient qu’il était bel homme et militaire, pour sûr.
Il était descendu à l’hôtel de France, dont les portes donnent sur la cour même des messageries. Là, il avait trouvé deux grands nègres et une dame avec ses servantes. Toutes ces personnes, qui semblaient faire partie de sa maison, étaient arrivées à Rennes en même temps que lui, mais dans deux chaises de poste surchargées de bagages.
Pourquoi voyageait-il seul dans le cabriolet, tandis que la dame était en chaise de poste ? Pourquoi surtout les deux grands nègres s’étalaient-ils dans une commode berline, tandis que leur maître présumé allait en diligence ?
Les Anglais !... les Anglais, cela fait de si drôles de corps !...
Et les anecdotes de rouler ! L’un avait connu un Goddam qui mangeait son potage au dessert ; l’autre avait fréquenté un gentleman qui ne voyageait jamais qu’avec son cheval, seulement ce gentleman tenait toujours son cheval par la bride, et autres raretés de la même force.
Plus on parlait des drôleries britanniques, plus les regards se fixaient, curieux, sur la porte de l’hôtel de France, par où l’Anglais devait passer pour entrer dans la cour des messageries.
L’heure du départ avait sonné ; l’Anglais se faisait attendre.
La famille de l’intérieur, le petit étudiant et la vaste nourrice commençaient à murmurer contre les priviléges des gens riches.
– Viendra-t-il aujourd’hui ou demain, l’ Englishman ? disait la bonne.
– S’il s’agissait d’un pauvre malheureux, grondait la nourrice, on le laisserait prendre ses jambes à son cou et courir après la diligence !
Les mendiants gémissaient :
– Bonnes âmes charitables... bons chrétiens, pour l’amour de Dieu !...
Les facteurs criaient :
– Une caisse pour Alençon, quarante livres... deux paniers de poisson pour Vitré !...
Et auprès de la portière de l’intérieur :
– Vous ne nous oublierez pas auprès de M. et madame Grimblet, n’est-ce pas ?...
– Bien des choses à l’avoué surtout et à son épouse.
– Si vous m’en croyez, vous entortillerez vos pieds dans la paille... les matinées sont fraîches...
– Ah ! vous allez trouver sur la route de quoi vous distraire !... Tous les regrets sont pour ceux qui restent !...
– Amitiés à Victor, à Joseph, à Sophie.. . Vous auriez mieux fait de mettre le chien sur l’impériale.
Au beau milieu de ces caquetages croisés, le silence se fit tout à coup. La porte de l’hôtel de France venait de s’ouvrir, et les deux grands nègres de l’Anglais se montraient sur le seuil.
– Beaux brins d’hommes, ma foi ! murmura la nourrice.
C’étaient en effet des noirs magnifiques, vêtus d’une riche livrée et coiffés de turbans blancs, qui faisaient ressortir l’ébène luisante de leur peau.
Ils traversèrent la cour sans s’occuper de tous ces regards fixés sur eux avidement, et déposèrent dans le coupé un manteau, un châle de cachemire et un coussin de fourrure de toute beauté.
– Avec ça, dit l’un des hommes à moustaches et à pipes de l’impériale, le milord ne gagnera pas la coqueluche !
Le petit étudiant, philosophe par nécessité, lançait au riche manteau et à la belle fourrure des regards de mépris stoïque.
Les deux noirs s’en allèrent en silence, comme ils étaient venus, et l’Anglais parut, à son tour, sur la porte de l’hôtel.
C’était un homme d’aspect noble et véritablement remarquable. Cette épithète d’original , que la province accorde au premier paltoquet qui laisse croître ses cheveux ou sa barbe et porte un chapeau ridicule, ne lui allait pas à la cheville.
Il y eut dans la foule un murmure d’étonnement, nous allions dire de respect.
L’Anglais ne portait cependant qu’un costume de voyage assez simple. Une redingote à brandebourgs, comme c’était la mode alors, serrait sa taille haute et d’une rare élégance. Pour coiffure il avait u

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