Les femmes occidentales n ont pas d honneur
79 pages
Français

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Les femmes occidentales n'ont pas d'honneur , livre ebook

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79 pages
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Description

Les femmes occidentales n'ont pas d'honneur raconte l'histoire d'amour d'une femme occidentale et d'un homme kabyle, menacée dès ses débuts parce que l'homme est promis à une autre femme, une vierge de son pays. Le roman parle aussi d'un monde pour lequel on sacrifie amour et bonheur et dont les fondements sont inébranlables. Solides. Il faut accepter leur logique pour pouvoir les comprendre. C'est ce que mon personnage féminin fait : elle accepte la cruauté, elle s'y expose afin de comprendre. Et surtout afin d'aimer.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 mai 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782336731735
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Couverture : Corina Ilea, Ana Sophia Tusa, 2015
Photographie de l’auteure : Corina Ilea, 2015
Révision du texte : Sophie Jama
Autres révisions : Suzanne Beth
Titre
Laura T. Ilea






Les femmes occidentales n’ont pas d’honneur


Roman
Copyright
Du même auteur



Littérature

Est. Nouvelles , L’Harmattan, Paris, 2008.

Études

Littérature et scénarios d’aveuglement – Orhan Pamuk, Ernesto Sábato, José Saramago , Éditions Honoré Champion, Paris, 2013.

La vie et son ombre. La fondation existentielle de la connaissance – Martin Heidegger , Éditions Idea, Cluj-Napoca, 2007.

Essais

Méditations inactuelle s, Paideia (épuisé), Bucarest, 2001.










© L’H ARMATTAN , 2015
5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-73173-5
Dédicace


Ce livre est dédié à mon amie R.
Son histoire m’a tellement bouleversée qu’il m’a fallu la raconter.


Je sais que, elle aussi, elle aurait voulu la raconter comme je le fais ici. Mais peut-être aurait-elle aussi voulu éluder certains détails. Cette histoire est ma version à moi. Je suis convaincue qu’elle me comprendra.
Montréal
Je regarde la photo qu’il a préparée pour mon anniversaire. Trente-cinq ans. Plus immortelle que jamais.
Je n’avais pas le moindre soupçon de ce qui allait se passer. « Nous, amants au bonheur ne croyant… » « Je ne me laisserai jamais emporter par la tristesse, mon amour. On survivra à tout, quoi qu’il arrive. » « Il n’arrivera rien, ne t’inquiète pas. »
Ce mélange d’obéissance et de révolte. Cette croyance en Dieu, tellement sincère, que je n’ai jamais pu la retrouver ensuite. Et qui rendait obsolète toute recherche d’authenticité que j’avais pu pratiquer. La cruauté d’un homme qui quitte femme après femme pour pouvoir retrouver sa bien-aimée au bled, là où il a vu la lumière du jour. « L’homme est fait pour mourir là où il a grandi », m’avait-il dit avant de fermer l’ordinateur, avant de monter dans l’avion qui allait le conduire en Kabylie, son pays, lui qui parlait plutôt de Kabylie que d’Algérie, quand il se souvenait de son enfance.
L’image est là, devant moi, et elle me rappelle mon visage, après les jeudis d’amour. Mon visage que je n’ai pu reconstituer par la suite, qui a perdu trait après trait comme si, après son départ, il s’était décomposé manifestement, laissant place à un faciès bizarre qui ne rappelle que vaguement l’intensité qui le traversait lors de son passage dans ma vie.
Ce jour de pluie, fin avril, où j’avais enfilé à l’improviste une paire de pantalons usés, les bottes dernier cri et un manteau noir qui couvrait ma tenue improvisée. Mon sac en bandoulière ; dans le sac un livre qui parlait de la cartographie absconse de l’au-delà. Un livre que j’étais venue faire imprimer dans le centre d’impression où il travaillait. À la dernière minute, j’avais intitulé le fichier Goncourt . Il le vit et se mit à sourire. « Dis donc, j’ai l’honneur de connaître le futur prix Goncourt ». « Il faut viser haut, sinon ça ne vaut pas la peine. Est-ce que vous avez effacé le fichier de l’ordinateur après avoir imprimé le texte ? » Il sourit de nouveau. « Non, je vais retirer la première page et l’envoyer à titre personnel. À propos, le titre est très bien choisi. » « Qu’est-ce qu’il vous évoque ? » « La vie, la mort et le passage, un continent inconnu, l’exploration d’un espace qui ne se trouve sur aucune carte. »
Visiblement, il était arrivé depuis peu de temps, sa langue était recherchée et son aplomb était celui d’un nouvel immigrant. Il s’accrochait à son passé ; il avait travaillé aux Presses universitaires de Lyon et cela aurait dû lui conférer une certaine reconnaissance dans l’autre monde. Mais cette reconnaissance n’arrivait pas. Avoir travaillé pour les Presses universitaires de Lyon, c’était comme une excuse. Un peu comme mon Prix Goncourt à moi. Que vraisemblablement je ne remporterais jamais. Je continuais à envoyer mes manuscrits de manière spontanée, aux quatre coins du monde, ne misant sur rien d’autre que sur la force de la vision des mots, et étant parfaitement incapable de maîtriser l’infrastructure, les réseaux, les attentes du marché du livre et les mécanismes subventionnaires. Après cinq ans de vie au Canada, j’étais toujours une nouvelle arrivante. Je n’avais rien à lui apprendre. Je n’avais rien appris, non plus.
J’ai remarqué qu’il ne détournait pas son regard de mes lèvres. « J’étais suspendu au mouvement de tes lèvres », m’avait-il dit plus tard. « Et je bandais sans cesse. Je devais me cacher derrière le comptoir pour que les autres ne s’en rendent pas compte. » Ce devait être mon accent slave qui le troublait. Comme lorsque je donnais des cours de danse et que les étudiants s’efforçaient de suivre. Au début. Pendant quelques séances. À mesure qu’ils s’habituaient à moi, mon accent devenait plus strident, comme une déclaration de guerre. Tout accent slave est une déclaration de guerre.
J’ai remarqué qu’il s’intéressait à moi. Je m’étais dit qu’il aimait les femmes, c’était visiblement le cas. De toute façon, j’étais ailleurs, j’avais un fils de cinq ans à élever, fruit d’une relation courte, mais décisive à Paris, et dont le père était parti dans le vaste monde pour bâtir la société de l’avenir. Je ne lui ai plus donné de nouvelles depuis. Mon livre parlait un peu de ça. Et d’autre chose, aussi. Après avoir sillonné les routes de l’Amérique à la recherche d’une chimère, je me suis mise à écrire ce livre que j’étais venue imprimer ce jour pluvieux d’avril. Personne ne l’avait lu. Ça me faisait plaisir d’entendre quelqu’un s’y intéresser, d’autant que je n’ignorais pas que des cohues de femmes et d’hommes imprimaient quotidiennement dans cet endroit, sous les yeux de préposés devenus indifférents, leurs affiches, leurs pubs, leurs chefs-d’œuvre, leurs découvertes capitales ou tout simplement leurs thèses. Le sourire de Mona Lisa , un bouquin de cinq-cents pages, exhibait sa substance vaporeuse, rosacée, sur le comptoir. La propriétaire le tenait dans ses mains, avide et protectrice. Moi, je faisais la même chose. Avide et protectrice, j’imprimais exemplaire après exemplaire un livre sans racine, sans poids. Pendant qu’il préparait mon manuscrit, une femme volumineuse le tracassait. Elle voulait l’affiche parfaite pour son défilé de mode africain. Une autre fille, mince et timide, imprimait un mémoire de maîtrise qui traitait de faux documentaires sur la vie et l’œuvre de Victor Pellerin. D’après ce que j’avais vu dans un film récent, Victor Pellerin était un peintre devenu célèbre du jour au lendemain, qui avait exposé à New York, et qui, sans trop de bruit, avait disparu dans la jungle amazonienne. Le documentaire se terminait sur l’équipe d’explorateurs, de chercheurs et de photographes arrivant dans un endroit perdu au fond de la forêt, où l’homme avait semble-t-il été vu pour la toute dernière fois. On ne pouvait même pas dire avec certitude s’il était mort, s’il avait disparu ou s’il s’était simplement retiré de la scène artistique. Son existence finissait avec un grand point d’interrogation. En jetant un coup d’œil à une page qui s’était détachée du corps du mémoire, je découvrais que Victor Pellerin n’avait même pas existé, que son histoire faisait partie d’une catégorie assez répandue, celle des faux documentaires. Qu’on pouvait inventer tout un parcours et le présenter comme appartenant à une personne en chair et en os ! Cette idée m’a déconcertée, en l’apercevant. Je l’avoue.
Je connaissais bien l’endroit. J’étais venue à plusieurs reprises pour imprimer mes trucs universitaires, car j’avais commencé des études en psychologie, faute de mieux.
J’ai écrit un mémoire. Sur l’impossibilité de voir. Sur tout ce que les hommes font pour ne pas connaître le bonheur. Sur tous les pactes, les malentendus et les fuites qu’ils s’inventent pour se prouver que la vision même n’existe pas, que le moindre détail risquerait d’obscurcir la réalité.
Je n’ai pas eu de succès. Ce n’était pas ma première démarche ratée.
J’ai renoncé. Une fois pour toutes, je m’étais dit que je n’étais faite ni pour la danse, ni pour la psychologie, ni pour l’art. Quelque chose manquait à chacune de mes rencontres avec le destin. Destin – ma meilleure amie, Ava, dit que, dernièrement, ce mot revient de manière inqui

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