Les justes
93 pages
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Les justes , livre ebook

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Description

Les 75 ans de Martin arrivent à grands pas. Il rejoindra alors, comme prévu par la loi, un CAFiDi (Centre d’Accompagnement vers une Fin dans la Dignité), où il sera hébergé quelques jours, avant que l’on mette fin à ses souffrances, soulageant ainsi non seulement son corps, mais aussi, il faut bien le dire, sa famille. Enfin... c’est sans compter sur sa petite fille, Joséphine, qui ne voit pas les choses du même œil ! Un road trip drôle et politique, qui questionne nos positionnements individuels face aux grands enjeux de société.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 14 avril 2023
Nombre de lectures 1
EAN13 9782383514749
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
 
 
 
 
 
 
 
La SAS 2C4L — NOMBRE7, ainsi que tous les prestataires de production participant à la réalisation de cet ouvrage ne sauraient être tenus pour responsables de quelque manière que ce soit, du contenu en général, de la portée du contenu du texte, ni de la teneur de certains propos en particulier, contenus dans cet ouvrage ni dans quelque ouvrage qu’ils produisent à la demande et pour le compte d’un auteur ou d’un éditeur tiers, qui en endosse la pleine et entière responsabilité.
Du même auteur
Romans
Et le vert et le bleu se marient si bien , Typographe éditions, 2021
Ponos , IS Édition, 2017
Récits
Contrechamps , Typographe éditions, 2020
Utopies réelles , Typographe éditions, 2019
Que peut-on apprendre de Cuba ? , Typographe éditions, 2019
Impact(s) , Casa Express Editions, 2017
Planète insolite , Éditions insatiables, 2014
Essais
Le web-documentaire en 10 leçons , Éditions insatiables, 2011
Les journalistes n’ont pas lu Darwin , Éditions insatiables, 2010
Crise en thèmes , Descartes & Cie (Ouvrage collectif), 2009
Livres pour enfants
Le panda qui était amoureux d’un pingouin , Typographe éditions, 2022
Retrouvez l’auteur sur www.williambuzy.com
Exergue
« Nous sommes révolutionnaires parce que nous voulons la justice et que partout nous voyons l’injustice régner autour de nous. »
Élisée Reclus, Pourquoi sommes-nous anarchistes ?
« Si vous pouvez gérer le fait que les gens vont être en colère contre vous lorsque vous faites ce que vous pensez être juste, tout ira bien. »
Whoopi Goldberg
1.
Quand vient le matin, Georges ouvre les yeux. Dès lors, l’ennui succède aux douleurs et les douleurs à l’ennui, jusqu’au soir, lorsque Georges ferme les yeux et que le sommeil suspend cette irrémédiable machinerie. Il n’y a pas grand-chose d’autre à ajouter pour décrire la journée de Georges. Car Georges a 74 ans, et il n’y a pas grand-chose dans la journée d’un homme de 74 ans, hormis les douleurs et l’ennui. Quand Georges était comptable, il partait tôt le matin dans sa 206 blanche, abandonnée plus tard pour une 307 grise — pas franchement plus confortable mais enfin, c’était une 307 et pas une 206. Il écoutait France Info, car c’était un homme qui aimait bien se tenir au courant . Quand la boucle était passée, il tenait à zapper sur RTL, pour la chronique de cet humoriste dont il n’avait jamais pu retenir le nom, mais qu’il trouvait très drôle. Chaque soir, il en parlait à sa femme, mais si enfin, le brun tu sais, on le voit souvent sur la deux, et chaque soir non je ne vois pas, non je ne sais pas, chaque soir sa femme n’était pas d’un grand secours ; on ne peut jamais compter sur sa femme pour ce genre de choses, en tout cas lui ne pouvait pas. Il glissait ensuite sur RMC mais se lassait vite, et finissait généralement par une chanson ou deux, en fonction des embouteillages qui sauf exception restaient sommaires à cette heure-ci. Il arrivait toujours au bureau le premier, entre 8 h 30 et 8 h 45, traversait l’open-space pour rejoindre sa place, d’où il comptait jusqu’à 17 heures, parfois 16 h 30, rarement 17 h 15. Il remplissait des colonnes, des lignes, vérifiait les calculs, ne s’arrêtant que pour déjeuner et, lorsque c’était nécessaire, pour téléphoner. Georges avait aimé les nombres, et il faut dire que les nombres le lui avaient bien rendu. Le 12, notamment, avait joué un rôle important dans sa vie. Le 37 et le 75 également, et dans une moindre mesure le 22. Il y avait bien eu le 58 pour lui jouer quelques vilains tours, mais enfin on ne pouvait pas franchement lui en vouloir. Quant au 99, c’est un sujet qu’il vaut mieux ne pas aborder. En résumé, Georges avait eu une femme, quatre enfants, trois chiens, 712 pantalons, 1 430 brosses à dents, 4 514 stylos et quelques autres choses dont il ne se souvenait pas toujours. Si ce n’est pour son opération du genou à 54 ans, et celle des dents de sagesse trente-cinq ans plus tôt, Georges n’avait pas fréquenté trop souvent les hôpitaux. Il avait été plutôt épargné sur le plan de la santé. De ce côté-là, il ne pouvait pas se plaindre, et d’ailleurs il ne se plaignait pas. Il avait globalement vécu sans trop de soucis jusqu’à sa retraite, à 68 ans. C’est à partir de ce moment-là que ça s’était gâté. Il faut dire que, mine de rien, quand on ne travaille pas, on a le temps de penser. La fin de l’activité professionnelle a d’autres vertus, et c’est également à cette époque que douleurs et ennui ont envahi le quotidien de Georges. Les enfants habitant loin, les derniers clubs pour retraités ayant disparu à mesure que les retraités disparaissaient eux-mêmes, Georges avait pour principale compagnie sa femme. On a beau dire, ça fait de longues journées.
Mais Georges n’était pas inquiet. Il n’en avait plus pour longtemps. Son anniversaire arrivait à grands pas : dans trois semaines, il aurait 75 ans. Il rejoindrait alors, comme prévu par la loi, un CAFiDi (Centre d’Accompagnement vers une Fin dans la Dignité), où il serait hébergé quelques jours, avant que l’on mette fin à ses souffrances, soulageant ainsi non seulement son corps, mais aussi, il faut bien le dire, sa famille. C’est que, mine de rien, un père, un grand-père, un oncle de 74 ans, ce n’est pas toujours de tout repos. Et encore, Georges est plutôt autonome. Il s’habille seul, cuisine plus ou moins (plutôt moins, mais enfin, même sans sa femme, il se nourrit), gère ses médicaments, contrôle globalement sa vessie, peut se déplacer dans un rayon certes restreint, mais suffisant pour les courses du quotidien. Il ne conduit plus, c’est vrai. Alors ses enfants l’accompagnent aux rendez-vous médicaux, quand il faut rallier l’hôpital de la grande ville voisine. Pour le reste il y a les papiers à remplir — Georges les comprend de moins en moins — et c’est à peu près tout. Mais tout de même, ça reste un souci. Une préoccupation permanente. Et si sa femme tombe, il ne peut pas la relever. Et si lui tombe, c’est encore pire. Il y a cette grande maison, qu’il ne peut plus entretenir, mais qu’il ne veut pas quitter non plus. Les enfants ne disent rien, mais enfin s’il la vendait, achetait plus petit, et leur donnait la différence, ça rendrait service à tout le monde. Ce serait, disons, un petit coup de pouce bienvenu. Enfin, la question ne se poserait plus dans trois semaines. Le sujet n’avait pas été abordé en famille. Ce n’était pas vraiment nécessaire. À 75 ans, le CAFiDi était obligatoire, l’autorisation des proches n’était plus requise. On viendrait le chercher, il y aurait un ou deux papiers à signer, guère plus. Et une ou deux semaines plus tard, les obsèques pourraient être organisées.
Georges et sa femme n’en parlèrent pas non plus les jours qui suivirent, pas plus que la veille de l’anniversaire. Au matin de ses 75 ans, Georges avait comme toujours été chercher le pain en fin de matinée. Il avait souri à la boulangère, récupéré sa monnaie sans y prêter attention. Après le déjeuner (carottes râpées, crumble de légumes, fruits, millefeuille avec une bougie), il avait fait une courte sieste sur le grand fauteuil beige. Puis il avait passé un peu de temps dans le jardin, à marcher entre les plantes, à arracher les mauvaises herbes. En fin de journée, il avait rassemblé quelques affaires dans un sac de voyage. Son bureau était en ordre depuis bien longtemps, il n’y passa que quelques instants pour récupérer une photo de famille qui traînait sur les étagères, au milieu des dizaines de livres, que pour la plupart il n’avait jamais lus. Il s’approcha de la fenêtre, et ne vit rien de bien intéressant au-dehors. Des enfants jouaient dans le jardin des voisins ; un chat se promenait sur le muret d’en face. Le soleil plongeait déjà derrière les collines lorsque le véhicule du CAFiDi s’engagea dans l’impasse. La sonnette se fit entendre, et Georges laissa à sa femme le soin de répondre. Quelques instants plus tard, il descendit péniblement les escaliers, son sac à la main. Les messieurs en uniformes prononcèrent un discours tout fait qu’il n’entendit pas. Il embrassa sa femme, lui demanda de ne pas lui rendre visite au Centre, et franchit le seuil de la porte pour la dernière fois. Il s’installa dans le véhicule, boucla sa ceinture et ouvrit la fenêtre automatique pour faire un signe à sa femme. La porte était déjà refermée. Il devait être vingt heures.
2.
Il existe 120 CAFiDi en France, environ un par département, parfois deux ou trois dans les grandes agglomérations. Tous sont peu ou prou identiques, et implantés discrètement en bordure de zone industrielle, selon des plans très précis. Depuis l’instauration de la loi Tarchot, — également appelée loi pour une vieillesse digne — l’État avait toujours était très vigilant sur le fonctionnement des Centres. Le personnel était rigoureusement sélectionné, le protocole très encadré, les résultats extrêmement surveillés. Aucun abus, aucune largesse, aucun dysfonctionnement n’était toléré. La moindre erreur était durement sanctionnée. En interne comme d’un point de vue légal. Le Centre du Havre, dont Georges franchissait désormais les grilles, ne s’était jamais fait remarquer. Pas d’erreur, pas d’événement particulier : tout s’y déroulait toujours comme prévu. De l’extérieur, il ressemblait à une maison de retraite, voire à un centre de vacances. Un grand parc rempli d’arbres entourait ce qui ressemblait à un petit château. L’intérieur avait plutôt des airs de clinique, en plus surveillée. Les couloirs étaient larges et tristes. Le lino monotone était éclairé par de longs néons blafards. Tous les étages se ressemblaient, à l’exception des sous-sols, auxquels peu de personnes accédaient de toute façon, et du niveau le plus élevé, réservé au personnel et à la direction. Tous les accès étaient verrouillés par des portes à codes, lesquelles nécessitaient en outre un badge pour chaque ouverture. Georges se laissa conduire jusqu’à sa chambre. On l’y laissa sans autre consigne que celle de patienter. Son sac de voyage avait été posé sur

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