Les larmes de Dieu
216 pages
Français

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Les larmes de Dieu , livre ebook

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Description

Religieux, athées, animistes et païens, tous avaient du mal à résister au charme envoûtant de cette cérémonie mystique qu’est le « Dambry ». Mais Ndjesse, natif de la région, jette un autre regard sur cette manifestation dénaturée à ses yeux et dont « seuls ceux qui ont des yeux » peuvent percevoir la portée. A l’origine, le « Dambry » était une cérémonie culturelle de purification qui annonçait un changement de saison. Ainsi commence pour Ndjesse « le solitaire » une épopée vers la restauration d’une manifestation culturelle identitaire de son peuple. Il est aidé en cela par sa foi chrétienne et sa détermination…

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2015
Nombre de lectures 1 483
EAN13 9782372230155
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Macaire ETTY
Roman
Les Larmes de Dieu
CIV 3015
Email : info@classiquesivoiriens.com 10 BP 1034 Abidjan 10
A Frédérique, Cédric et Jérielle, ma trinité adorée, A Ama Sewa, la dame au grand cœur, A tous les croyants sincères et authentiques.
Les larmes de Dieu
N’oubliez pas, entre la survie de l’homme et ses idées, il n’y a ni équivoque, ni compromis ; entre la survie de l’homme et ses traditions, on ne peut sacriIer que ses traditions. SONY Labou Tansi, Conscience de tracteur, NEA/CLE1979
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Les larmes de Dieu
CHAPITRE I
« Bonne nouvelle pour les amateurs de sensations fortes. Après le conseil des Anciens, la date de la célèbre fête traditionnelle de Danbry des Kpandô du village de Dagbabou, vient d’être Ixée selon les règles coutumières au 12 juin ».
- Enn ! dit Ndjesse. Il se leva promptement pour arrêter son poste de radio. - J’ai eu enn l’information que je voulais entendre depuis quelques jours. Je connais désormais la date de la fête traditionnelle duDanbryde mon village. - Ah ! La merveilleuse fête duDanbryde Dagbabou!s’extasia Dedy. Cette année, je préfère ne pas y aller avec toi. Ce que j’ai vu l’an dernier, au cours de cette cérémonie mystique, me hante toujours. Un véritable festival de ce que l’Afrique ad’authentique en matière de puissance mystique ! Je t’assure Ndjesse, ce jour-là, j’ai failli mouiller ma petite culotte d’un liquide qui va le plus souvent de pair avec la frayeur. Les deux amis s’esclaffèrent en se frappant sur les cuisses. Ndjesse, toujours secoué par le rire, se leva de son fauteuil, rangea le bouquin qu’il tenait en main dans la bibliothèque. Il dévisagea Dedy un instant et lâcha : - Tu sembles impressionné par cette fête, mon cher ami ! - Oui, comment ne pas être impressionné devant une telle démonstration de pouvoirs surnaturels ? LeDanbryune est merveille culturelle à préserver. Tous ceux des amis de Ndjesse comme Dedy qui avaient eu l’opportunité d’assister auDanbryétaient de cet avis. Pour eux, il fallait, contre cyclones et séismes, protéger et préserver le Danbry. Cette cérémonie était tellement appréciée dans le pays
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et à l’extérieur que, c’était la Radio Mondiale elle-même qui annonçait dorénavant la date de son déroulement. Après quelques minutes de causette entre les deux amis au sujet de la célèbre cérémonie, Dedy demanda à se retirer. Ndjesse l’accompagna jusqu’à mi-chemin. Il revint à la maison et se mit au travail. Quand il eut ni de faire le point hebdomadaire des ventes de ses magasins, l’horloge accrochée au mur au-dessus de la télévision sonna 23 heures. Étendu sur son lit, ses pensées s’envolèrent irrésistiblement vers le Danbry.se remémora les propos dithyrambiques de Il Dedy à l’endroit de la célèbre fête de démonstration mystique. * * * Dedy est le voisin de quartier de Ndjesse. Inrmier d’Etat, jeune homme attachant et sincère, il se lia d’amitié avec Ndjesse dès leur première rencontre au centre de santé urbain de la ville. Contrairement à Ndjesse, Dedy vivait avec une femme avec qui il eut deux enfants. Il avait assisté, à plusieurs reprises, à la fête duDanbrydans le village de Ndjesse. Depuis lors, il ne parlait de cette cérémonie traditionnelle qu’en des termes atteurs. Ndjesse, qui ne partageait pas son enthousiasme car trouvant le Danbrysuspect, tentait chaque fois que l’occasion se présentait, d’atténuer ses ardeurs en émettant des réserves. Mais il fallait davantage pour convaincre Dedy. * * * La date de la manifestation duDanbryannoncée par la Radio Mondiale et la Radio Nationale de Nié-Buré intéressait en effet tout le monde. Le lendemain déjà, l’événement barrait la « une » de tous les quotidiens. La nouvelle comme une étoile lante traversa le pays dans son entièreté. Elle trouva des paysans dans leur champ, atterrit dans les cabinets ministériels, transperça les villas toujours barricadées des expatriés européens, arriva dans les foyers d’élèves, avant de franchir les frontières du pays à la recherche d’une oreille en quête de sensations rares.
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A la veille du jour de cette fête traditionnelle, Ndjesse en compagnie de l’un de ses employés, alla faire des emplettes au grand marché de la ville. Kancy est une petite sous-préfecture au sud de la république de Nié-Buré. La position de cette petite ville-carrefour sur l’autoroute lui valait son animation quotidienne et son orissant commerce. Ndjesse acheta tout ce dont il avait besoin pour satisfaire ses amis et parents qui l’attendaient, sûrement, à l’occasion de cette fête. Dedy qui n’était pas de service insista pour l’accompagner à la gare municipale. Installés sur le grand banc des voyageurs, ils parlèrent abondamment de la fameuse fête qui alimentait déjà la conversation de tous les voyageurs autour d’eux. On y remarqua des hommes et des femmes de toutes origines. Autour d’un car, conversait un groupe d’une cinquantaine de personnes de race blanche. Elles avaient, pendus à leur cou, des appareils photo de toutes les tailles. Trois hommes exhibaient èrement des caméras numériques. Les deux amis devinèrent qu’ils allaient tous à Dagbabou. Il était 16 heures quand le minicar que Ndjesse emprunta, quitta la gare municipale pour son village natal. Des villes proches ou lointaines, des villages environnants, des campements les plus reculés, ressortissants et étrangers se déversaient sur le village de Dagbabou avec une frénésie jamais égalée. Comme le miel attire les abeilles, leDanbry attirait les populations de partout où elles étaient. Religieux, athées, animistes et païens, tous avaient du mal à résister au charme envoûtant de cette cérémonie mystique. * * * LeDanbryexerce un magnétisme sur l’âme qui n’a d’égal que sa réputation à travers le monde. Les Européens avides d’images fortes y accouraient tels des enfants à la vue de leur mère longtemps absente. Personne n’avait envie de manquer ce rendez-vous de la magie noire, offert par lesKpandô. Le Danbry,c’est la fête de la démonstration de puissance mystique
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et des miracles. En effet, un initié en transe pouvait se fendre le ventre avec un couteau et faire disparaître la blessure les minutes suivantes. D’autres plus téméraires se sectionnaient le pénis et le restituaient aussitôt. L’on pouvait encore, en soufant sous une marmite posée sur un foyer éteint, la faire bouillir et cuire son contenu.
LeDanbry est, à n’en point douter, la fête des scènes insolites et du sang. Le spectacle du sang contrairement à ce que l’on pourrait croire, exerce un attrait tyrannique sur l’être humain plus que tout autre spectacle. * * * La curiosité avait attiré une foule de touristes et de journalistes de tout bord. Grâce à cette fête, Dagbabou était devenu un village touristique incontournable et avait acquis la solide réputation du «dernier rempart du mysticisme authentiquement africain » selon une formule de la Radio Nationale.
Une animation inhabituelle avait saisi tout le village, les rues fourmillaient de monde, les concessions étaient repues de parents lointains et proches, et les familles se dilataient. Tous les fonctionnaires, qui depuis un an ne mirent pas pied au village, ce jour fabuleux, y déposèrent leurs bagages, leurs enfants et leurs économies. Les parents étaient heureux de retrouver leurs enfants et leurs petits-enfants.
Les personnes dotées de deux vues révélèrent que les esprits des ancêtres étaient aussi de la fête sous des formes humaines. Ils étaient tous là pour y apporter leur contribution, leur expérience. Ce jour mythique réconciliait le passé et le présent, les morts et les vivants, l’invisible et le visible, les esprits et les hommes. Le village et ses habitants baignaient dans une atmosphère extraordinaire de mystère où le soufe des ancêtres était perçu même par les profanes. * * *
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LeDanbry,d’après« les sourcils et les cils blanchis » ne s’était pas toujours présenté sous cette forme magique et surnaturelle. Il y avait un demi-siècle, leDanbry était une simple fête de réjouissance. Il fermait la porte d’une année et ouvrait celle d’une nouvelle année. C’était l’occasion des retrouvailles pour se réconcilier et se pardonner de tous les torts commis l’année évanouie. LeDanbryétait simplement la fête de la purication et de la renaissance. Les sacrices de moutons et de poulets étaient censés purier le village de toutes sortes de souillures. Ils conjuraient le mauvais sort et neutralisaient tous les pièges invisibles tendus par les mauvais esprits aux habitants du village. La fête rimait avec chants à la gloire des ancêtres les plus prestigieux, avec des processions au cours desquelles les participants se déguisaient dans des tenues les plus extravagantes. Les plus imaginatifs se badigeonnaient le visage avec du charbon ou du kaolin pour paraître sous des traits les plus monstrueux. Les femmes se transformaient en hommes en enlant les tenues de leurs époux ou de leurs frères. Les hommes ripostaient en échangeant leurs tenues habituelles avec des pagnes, des robes et même des boucles d’oreille. Et les enfants, heureux, se gavaient de tous ces extravertis d’un jour. Dans toutes les concessions, les femmes, aidées des 1 hommes, cuisinaient des montagnes defoufou ,seule nourriture autorisée ce jour, pour satisfaire le monde venu à la cérémonie. A ce moment, le sang ne giclait point encore. On ne parlait ni de miracles ni de prodiges. Mais un jour, un homme nommé Ayo fut visité, d’après son témoignage à l’époque, par le génie de la rivière la plus proche du village : leLôkonzué. Il tomba dans un état de transe qui surprit plus d’un. Il courait dans tous les sens en chantant. Tout le monde crut qu’il avait perdu la raison. Il disparut dans la brousse et en ressortit quarante jours après, totalement changé. Dépouillé de ses vêtements, il ne 2 portait plus qu’unablakonqui frappa tous les regards par sa blancheur immaculée. Sous l’emprise du génie, à l’aide d’un
1. Purée de banane assaisonnée d’huile rouge. 2. Cache-sexe à base de tissu destiné aux sexes masculins.
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canif, il s’étripa à la grande frayeur des curieux qui le suivaient, inondant ainsi son cache-sexe de sang. Grâce à des feuilles mystérieuses qu’il tenait entre ses dents, il t disparaître la blessure en moins de cent et une secondes. Ce fut le premier miracle et il eut lieu le jour duDanbry.
Les habitants de Dagbabou en furent impressionnés profondément. Cette prouesse, pendant des mois, occupait toutes les causeries et rumeurs de la région. Chaque année, à la même période, pendant ces moments de réjouissances, Ayo multipliait les miracles. Il devint la vedette de la fête et forçait l’admiration de tous.
Progressivement, il initia tous ceux qui voulurent posséder cette puissance mystérieuse. Des villages voisins, on venait à Dagbabou pour avoir sa part du « gâteau mystique ». Depuis lors, leDanbrydevint une fête où l’on célébrait la sorcellerie, la puissance mystique. Plus un villageKpandô faisait des miracles, plus sa côte de popularité montait dans le pays et auprès des touristes.
Le nombre des initiés monta comme une rivière en crue au l des ans et se décupla encore davantage après la mort d’Ayo. Tous ses successeurs furent à la hauteur de sa réputation. Baka,considéré comme l’héritier de cette lignée de braves initiés, n’en t pas moins. Chaque fois que sa silhouette titanesque apparaissait à la fête c’était le délire. Et lesKpandôs’imposèrent aux autres peuples comme des sorciers redoutables. Ils étaient craints et respectés dans toutes les villes où ils exerçaient comme fonctionnaires. De peur de s’attirer des problèmes, on évitait de les provoquer. * * * Cette année, la fête avait attiré plus d’hommes qu’auparavant. Les grands miracles réalisés l’an passé, ampliés par une presse à sensations, avaient aiguisé toutes les curiosités nationales et internationales. En effet, Baka avait, ce jour-là, égorgé son neveu à l’aide d’une machette effroyablement aiguisée. Le jeune homme mort quelques instants, retrouva la vie avec un large
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