Les pièges
105 pages
Français

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Description

Huit nouvelles, dans un style incisif pour dire avec tristesse, humour et dérision la société africaine prise aux pièges multiples de la vie postcoloniale.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2008
Nombre de lectures 45
EAN13 9782296661233
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES PIÈGES

Nouvelles
Littératures et Savoirs
Collection dirigée par Emmanuel Matateyou

Dans cette collection sont publiés des ouvrages de la littérature fiction mais également des essais produisant un discours sur des savoirs endogènes qui sont des interrogations sur les conditions permettant d’apporter aux sociétés du Sud et du Nord une amélioration significative dans leur mode de vie. Dans le domaine de la création des œuvres de l’esprit, les générations se bousculent et s’affrontent au Nord comme au Sud avec une violence telle que les ruptures s’accomplissent et se transposent dans les langages littéraires (aussi bien oral qu’écrit). Toute réflexion sur toutes ces ruptures, mais également sur les voies empruntées par les populations africaines et autres sera très éclairante des nouveaux défis à relever.
La collection Littératures et Savoirs est un espace de promotion des nouvelles écritures africaines qui ont une esthétique propre ; ce qui permet aux critiques de dire désormais que la littérature africaine est une science objective de la subjectivité. Romans, pièces de théâtre, poésie, monographies, récits autobiographiques, mémoires… sur l’Afrique sont prioritairement appréciés.

Déjà parus
Olivier Thierry MBIH, Le Crépuscule des pleurs , 2008.
Jean-Marcel MEKA OBAM, La Structure symbolique dans
L’Aventure ambiguë et Le Monde s’effondre. Essai de critique discursive , 2008.
Clément DILI PALAI, Contes moundang du Cameroun , 2008.
Clément DILI PALAI, Les Démons de la route et six autres nouvelles , 2008.
Ghislain Victor NJAYI, Paradisier. Poésie , 2008.
Robert Fotsing Mangoua



LES PIÈGES

Nouvelles



L’Harmattan
© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’EcoIe polytechnique ; 75005 Paris

http://www.l ibrairieharmattan . com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-06485-0
EAN : 9782296064850

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A KAMDOUM MATCHEU, pour tout
PRÉ-TEXTES
Les Pièges ? Comment ça les pièges ? Quel rapport ? Voilà des questions de personnes prises aux pièges innombrables de la vie postcoloniale. Pourtant que de pièges ! Pièges des préjugés. Pièges de la modernité. Piège des traditions. Piège des identités éclatées. Piège du refus des leçons de l’Histoire. Piège de l’histoire personnelle qu’on veut ériger en Histoire. Pièges !
Pièges pour plumes désireuses de fiction mais que la réalité dépasse. Qu’écrire en ces temps piégés où le quotidien flirte avec l’ineffable ? Où trouver l’exil nécessaire pour convertir en fiction la réalité comme le réussissent ceux qui oscillent entre la terre d’exil, le pays rêvé et le pays réel ; entre la terre d’asile, la terre en exil et la terre natale ?
Sans doute dans l’exil intérieur, le pire, qui maintient dans la terre natale mais, et nous savons cette terrible vérité, ce n’est pas la distance qui mesure l’éloignement. Et la seule alternative qui s’offre, au-delà du silence coupable, demeure de puiser dans ces pièges mêmes les formes de leur expression et les germes de leur destruction pour que l’espoir de vivre dignement et d’écrire, si ce sont là deux choses différentes pour l’écrivant, soit possible.
BOOMERANG
Je sais que vous êtes ici pour recueillir des informations en vue de reconstituer l’histoire du village. Je sais aussi que vous êtes allés vous renseigner auprès de ce vaurien de chef. Ne vous-a-t-il pas tout raconté ? Pourquoi venir m’embêter ?
Nous avons vu le chef. Mais il était si occupé qu’il n’a indiqué que quelques grandes lignes. Il nous a recommandé de vous rencontrer pour en savoir plus.
Kouontche ne put s’empêcher de sourire. Le chef et lui étaient brouillés depuis très longtemps mais il lui reconnaissait au moins son statut de dépositaire de leur histoire collective.
Bien chers enfants, reprit le vieux, la vérité est un énorme fardeau dont le port n’est pas facile. Et bien que nous la recherchions toujours, elle a une énergie qui se révèle parfois insoutenable. Les raisons secrètes du déclin de Nsigueu ont été cachées par nous. Bien que les causes extérieures soient connues de tous, nous ne fûmes que quelques-uns à connaître alors la vérité, qui avions nos entrées au palais. Je suis là, seul survivant de ces folles années. Je suis heureux que des jeunes comme vous s’intéressent à cette affaire. En effet, il faut connaître le passé pour ne pas répéter les mêmes erreurs. Je parlerai ; je vous dirai tout. Sans doute nos ancêtres m’ont-ils maintenu jusqu’à cet âge gâteux pouf que je puisse témoigner. Ils ont bien fait de guider vos pas jusqu’à moi.
La première chose qui impressionna l’équipe des jeunes chercheurs venus de la capitale fut la cohérence et la véhémence des propos du vieil homme. Vu son âge, ils se seraient attendus à le voir lutter contre sa mémoire défaillante. Les habitants du village n’en eurent pas non plus cru leurs yeux et leurs oreilles, qui considéraient Kouontche comme un vieux fou et le traitaient avec l’indulgence amusée dont bénéficient certaines personnes âgées.
Il s’animait en parlant, on eut dit qu’une seconde jeunesse enflammait son vieux corps. A travers ses paupières, on pouvait voir ses yeux briller de cette lueur dont brillent ceux des enfants contents de constater que les grands écoutent avec attention la petite histoire qu’ils racontent. Depuis de nombreuses années en effet, personne ne l’avait pris au sérieux. Ravi, il s’extasiait :
Je vais vous confier ce secret et vous jugerez vous-même de sa gravité. Mais une condition, oui ! Une condition ! Je ne veux pas être interrompu. Je veux raconter les faits comme je les ai vécus : d’un trait.
A ces mots, il farfouilla d’une main tremblante dans une des poches de son boubou rapiécé d’où il sortit un petit flacon noir de tabac à priser. Il parla ensuite pendant des heures, ponctuant son récit d’éclats de rire, d’exclamations marquant tantôt la surprise, tantôt l’effroi.
En fait, disait-il, tout avait commencé plus d’un siècle plus tôt avec la naissance d’un enfant, premier garçon du chef. Un chef sans relief mais qui, par son art de l’écoute et son humilité, avait pu garantir paix, harmonie et sécurité à la communauté. Il remplissait sa tâche sans éclat. Sa joie fut très grande car ses dix-huit premières épouses n’avaient mis au monde que des filles. Toute la communauté s’inquiétait de sa succession. A cet égard, ce garçon était un don du ciel. On l’appela Siha. Le chef convoqua une réunion sur la place des cérémonies et parla en ces termes : Peuple de Nsigueu, nous avons prié en silence pour que les dieux de nos ancêtres nous envoient un fils. Ils ont exaucé nos vœux. Nous allons, comme de coutume, leur montrer notre reconnaissance. Un sacrifice sera fait et nous mangerons, boirons et danserons. Que demain nos travaux champêtres soient suspendus afin que nous préparions cet événement.
Des murmures, paroles et attitudes d’approbation parcoururent la foule. Ainsi fut dit, ainsi fut fait. Une vingtaine d’années plus tard, le chef mourut et son fils Siha lui succéda.
A la différence de son père, il était robuste et sa carrure en imposait. Sa grande intelligence lui permettait de résoudre les problèmes, non pas avec poigne, mais avec un bon sens inhabituel. Quelqu’un se plaignait-il que le fils du voisin avait engrossé sa fille, il lui demandait d’organiser une fête pour remercier les dieux de lui avoir donné une progéniture féconde. Sur le plan du travail, il aimait à prêcher par l’exemple. On pouvait le voir se rendre personnellement à ses champs et s’y occuper toute la journée. Toute la communauté en fut galvanisée. Les notables qui en général vivent sur le dos des villageois redécouvrirent le travail. En quelques années, les réserves du village furent si importantes qu’il eût pu tenir un siège de plusieurs mois.
Siha fascinait ses sujets par sa simplicité et sa discrète autorité. L’exercice du pouvoir n’avait pas altéré son humanité et un véritable mythe se tissait autour de sa personne. Le rêve de chaque famille fut bientôt de marie

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