Les Trois Grâces
111 pages
Français

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Description

Sur la place principale de Montpellier, la place de la Comédie se trouve une statue servant de lieu de rendez-vous. Ce sont les Trois Grâces.
Les Trois Grâces est aussi le surnom donné à Bérénice, Judith, Tess, les sœurs Chevalier. Trois femmes, trois vies, trois destins.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 mai 2022
Nombre de lectures 0
EAN13 9791029012037
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0250€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les Trois Grâces
Philippe Damoiseau
Les Trois Grâces
Les Éditions Chapitre.com
31, rue du Val de Marne 75013 Paris
© Les Éditions Chapitre.com, 2022
ISBN : 979-10-290-1203-7
J’étais le sol sous vos pas
Et je ne le savais pas.
Mais un jour la terre s’ouvre
Et le volcan n’en peut plus
Le sol se rompt, on découvre des richesses inconnues
La mer à son tour divague de violence inemployée
Me voilà comme une vague, vous ne serez pas noyé
« Une sorcière comme les autres » 1986
Anne Sylvestre
Chapitre I
Le téléphone portable de Judith vibre, elle a reçu un texto de Tess :
– R DV à six heures ?
– O K .
Elle n’a pas besoin de préciser le lieu, montpelliéraines toutes les deux, elle se donnent toujours rendez-vous aux Trois Grâces. Ses cours finis, elle s’y rend directement. Elle est très en avance mais cela ne la gêne pas. Judith aime Montpellier, c’est ma ville, je ne pourrais pas vivre ailleurs.
J’aime la place de la comédie, contemple les Trois Grâces , je sais que ce sont des copies. Les originales ont été déplacées dans le hall de l’Opéra à une centaine de mètres de là. Les trois pulpeuses statues, qui représentent la séduction, la beauté, la nature, la création humaine et la fécondité, se nomment Aglaé , Euphrosine et Thalie .
Quand on était petites, on nous surnommait les Trois Grâces, les parents, les voisins, les commerçants du quartier. Maintenant il n’y a plus que les parents pour nous appeler ainsi lorsque nous sommes réunies toutes les trois, et encore de moins en moins souvent. Il est vrai qu’à l’adolescence nous avons changé. Bérénice et Tess sont plutôt minces et moi plus en chair, finalement c’est moi qui leur ressemble le plus.
– Salut !
– Salut !
Les deux sœurs se font la bise.
– Je vais acheter une robe pour mon anniversaire.
– Il est temps ! On est mercredi.
Elles vont au Polygone, le centre commercial près de la Comédie. Judith enlace Tess.
Quand elles étaient enfants Judith, toujours au milieu, tenait ses sœurs par les épaules ou par les mains. Son père disait d’elle, « c’est une tactile ».
– Alors. Comment tu la trouves ?
– Elle est courte.
– Quand on a des belles jambes, on peut les montrer.
– On n’est pas obligé de voir tes fesses.
– On ne les voit pas.
– Il s’en faut de peu. En plus elle est chère.
– Si pour mes dix-huit ans je ne peux pas m’habiller un peu sexy, je ne pourrai jamais le faire.
Judith sait qu’il est inutile de discuter.
– Tu le fais où ton anniversaire ?
– Chez Pauline.
– La châtelain e ?
– Oui.
– On va être combien ?
– Une vingtaine.
– Julien sera là ?
– Non c’est fini.
– Ce n’est pas une grosse perte.
– Tu ne l’as jamais apprécié.
– Non, c’est un macho prétentieux.
– C’est génial que Bérénice puisse venir.
– Elle vient avec son mec ?
– Non, il a un dossier urgent à finir.
Nous prenons le bus pour rentrer à la maison. Le quartier va être chamboulé, la ligne 2 du tram doit le traverser. Nous avons toujours habité là. Petites nous allions chez André , c’était notre voisin, il possédait des vaches et tous les soirs Bérénice est moi allions chercher le lait. Maman nous donnait l’argent pour la semaine, mais ma grande sœur gardait l’argent car André ne nous faisait pas payer. Un jour, par hasard, j’ai vu ma mère tendre une enveloppe à ma sœur aînée et dire « c’est pour le lait ». J’ai exigé d’avoir aussi ma part, ce fut notre première dispute. Bérénice proposa un partage équitable, c’est à dire deux tiers pour elle, un tiers pour moi. J’ignore si à cette époque, elle devait avoir dix ans, elle savait ce que voulait dire équitable. Elle a toujours été en avance, limite surdouée.
Le projet du tracé de la ligne 2 a donné lieu à d’âpres débats dans le quartier. Papa a consulté le PLU {1} , toute la zone va être urbanisée, des immeubles vont pousser comme des champignons. Maman ne veut pas que nous vendions à un promoteur comme l’a fait notre voisin André. Sa maison a été rasée et deux immeubles l’ont remplacée. Il n’y a plus de vaches. Nous habitons impasse Jules Massenet et sommes en retrait par rapport au tracé du tram. La zone est peu dense, de larges espaces verts séparent les habitations, le développement de Montpellier s’étant fait plutôt à l’opposé, à l’ouest et le long de l’autoroute.
– Salut maman !
– Bonsoir les filles !
– Judith, comment s’est passée ta journée ?
– Bien, comme d’habitude.
– Et Toi Tess ?
– Rien d’intéressant. Je vais prendre un bain.
– Judith, ta sœur à un problème ?
– Elle vient de quitter Julien, c’est peut-être à cause de ça.
– J’ignorais qu’elle fréquentait ce garçon. Tess ne m’a jamais parlé de lui. Elle ne t’a pas parlé de problème au lycée ou en dehors ?
– Maman, tu es prof au lycée, ce n’est pas à toi que je vais apprendre que si elle manque un cours, toi et papa recevrez un texto. La semaine dernière il y a eu son conseil de classe, ses notes et appréciations sont bonnes.
– Il n’y a pas que le scolaire…
– Comment ça ?
– La drogue, des garçons ou des filles qui l’embêtent.
– Arrête, maman. Tess sait se défendre. Elle ne fume que des cigarettes. C’est une drogue certes, mais légale, en plus elle ne fume pas beaucoup.
– Elle ne se confie pas, Bérénice et toi n’étiez pas comme ça.
– On est différentes, c’est normal. Elle va avoir dix-huit ans, elle voudrait être indépendante.
– Elle n’est pas bien à la maison ?
– Ce n’est pas la question, ce qu’elle désire, c’est avoir son appartement, son indépendance financière. Tess est plus impulsive, plus radicale, plus secrète que Bérénice et moi.
– Bonsoir, vous deux !
– Bonsoir Papa !
– Tess n’est pas là ?
– Elle est dans son bain. Qu’est-ce-que tu tiens ?
– Un chaton.
– Qu’il est mignon !
– Tu ne vois pas assez de chats et d’animaux au travail ?
– Ce n’est pas pareil, au boulot je les soigne. Lui c’est un compagnon il ne fait pas que passer.
– Comment s’appelle-t-il ?
– Il n’a pas de nom pour l’instant.
Après le repas nous avons passé une heure à chercher comment appeler le matou. Ni Minou, ni Félix, ni Garfield, ni Noiraud (il est tout noir) ou Belzébuth ne firent l’unanimité. Finalement on décide de le nommer le Chat.
Vendredi en fin d’après-midi, j’attends Bérénice à la gare.
– Comment va la famille ?
– Ça va, maman se fait du souci pour Tess. Comme d’hab.
– À raison ?
– Non, je ne crois pas. Leur relation a toujours été difficile. Et toi que dis-tu ?
– Je te raconterai.
– Un secret ?
– Oui.
Samedi midi, le 6 décembre 2002, on fête l’anniversaire de Tess en famille, au restaurant à Sète. Les parents de papa et de maman sont présents. À la fin du repas je lui offre notre cadeau, une caméra numérique professionnelle. Ma petite sœur s’est découvert une véritable passion pour les films depuis que notre père Bernard et notre mère Juliette lui ont montré l’enregistrement de son dixième anniversaire. Ce n’est pas de se voir qui lui plaît mais de faire, de montrer. Depuis ses douze ans elle filme ses amies en diverses occasions. Au lycée elle a fait un petit reportage sur les moyens d’information. Elle nous a mis, les parents, Bérénice et moi plusieurs fois à contribution pour jouer dans les petites saynètes qu’elle a inventées.
Le soir nous allons chez Pauline. Une partie du parc est décorée et illuminée.
Pauline est dans la même classe que Tess. Après sa première invitation, Tess m’a raconté comment la famille de Pauline a pu acquérir ce château, dix-sept pièces, neuf cent mètres carrés dans un parc de trois hectares. Un petit noble l’a fait construire de 1694 à 1700. Il est resté dans la même famille jusqu’à la révolution de 1789. Puis, ses occupants ayant fui à l’étranger, la commune le récupéra. Il fut vendu en 1841, son entretien étant trop onéreux. En 1848 le nouveau propriétaire fit des travaux ne laissant que la façade centrale de la construction d’origine. En 1945 la même famille est toujours propriétaire, et l’homme étant mort à la guerre, sa femme s’adressa à la seule personne en qui elle avait confiance, son notaire. Elle lui demande comment conserver le château, les dettes s’accumulant. Le notaire lui répond « en m’épousant ».
Judith doute quelque peu de la véracité de l’histoire.
Trois immenses pièces sont à notre disposition. Dans l’une d’elles on a dressé le buffet. Une salle sert pour danser, un écran de cinéma occupe un mur.
. – Quand je filmerai, ça sera projeté sur l’écran, génial non ? Je n’ai pas apporté ma super caméra car il faut que je m’y habitue avant.
Dans la dernière salle, on a disposé des fauteuils et des canapés.
Bérénice et moi, après avoir dansé, rentrons vers quatre heures du matin. Il est prévu que Tess dorme sur place.
Sur le chemin du retour je demande :
– Alors ce secret ?
– Je suis enceinte.
– Vrai. De combien ?
– Cinq semaines.
– T’es contente ?
– Plus que ça, heureuse ! Je me sens plus mère que femme.
– Tu vas l’annoncer aux parents ?
– Pas maintenant. Je vais déjà leur dire que je reste à Strasbourg à la fin de mes études.
– Ils doivent s’en douter puisque tu vis avec un Alsacien qui travaille au parlement européen.
– Ça va mieux en le disant.
– Et tes études ?
– J’aurai fini avant d’accoucher donc pas de problème. Après je chercherai un boulot à mi-temps.
– Tu es une précoce, le bac à seize ans, un diplôme de traductrice et mère à vingt-deux.
– Tu veux bien être la marraine ?
– Oui, super !
Je passe la main sur le ventre de Bérénice et lui demande si elle sent l’enfant. Elle me répond que non en riant, qu’il est trop tôt. Quand elle a annoncé à Didier son compagnon qu’elle attendait un enfant, il lui a proposé de se marier. Elle a refusé, ce qui ne plaît pas à sa belle-famille qui est plutôt traditionaliste. Dans le train, en venant, elle pensait aux prénoms de filles et de garçons mais aucun ne s’imposait à elle. Cela m’a fait repenser que les profs de français me demandaient toujours si mon prénom Bérénice c’était à cause de Racine. Je leur répondais que oui alors que je savais que ce n’était pas vrai. Maman pensait accoucher d’un garçon et av

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