Mantis religiosa
100 pages
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Mantis religiosa , livre ebook

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Description

Comme sur les traces d’un insecte déroutant on s’immisce dans l’esprit de différents personnages, tantôt majeurs, tantôt mineurs. On se trouve alors contraint de vivre leur moi tarabiscoté et on se surprend à aimer les peurs, les enfers et les monstres qui les habitent, au travers d’une atmosphère dont l’inquiétante étrangeté se répand tout au long de ces récits gigognes, ouverts et disparates, qui pourtant finissent par se répondre en miroirs.
Tout en lorgnant du côté du thème théâtral, de la poésie, voire du clip, cet ouvrage convoque Hitchcock, Kafka, Poe, Lynch ou les absurdes, avec une plume sûre et amoureuse des mots, de jolies trouvailles, des sons, des rythmes protéiformes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 03 novembre 2016
Nombre de lectures 2
EAN13 9782334233088
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
194, avenue Président Wilson – 93210 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-23306-4

© Edilivre, 2019
Dédicace


A Fanny
I Le Fossoyeur
La mort aux pattes de velours
A séduit certains de mes compères
Vers le gouffre apocalyptique
Emportant dans la tombe tour à tour
Tout ce qui peut tomber à terre
Dans un faux mouvement frénétique
Qui fractionne le point de non retour
Pour que le nez dans la poussière
Je me redresse et m’applique
A regarder le compte à rebours
Je me réveille.
J’ai la tête lourde, les yeux embrumés. Je regarde autour de moi. En face, je vois un mur comportant une grille verrouillée. A droite, un mur. A gauche, un mur. Derrière moi, un mur. Un plafond, un sol. Bref, je ne suis pas dans ma chambre. Et je ne suis pas dans mon lit. Là, je suis assis sur un matelas rayé plutôt mince reposant sur une banquette amovible reliée au mur par une chaîne de chaque côté. Un oreiller, une couverture. Je suis en cellule. Une chiotte. Une brosse à chiottes et du PQ. Un lavabo. Un savon et une serviette. C’est tout.
Je me demande ce qui me prend de rêver d’être en prison. Car il n’y a pas de doute, je suis bien enfermé. Et cette grille ne laisse même pas passer la tête. Je vois bien le mur de l’autre côté de la grille. Mais je ne peux pas voir ce qu’il y a à gauche ou à droite dans le couloir. D’autres cellules ?
« Y a quelqu’un ? »
J’appelle. Je hurle même. Pas de réponse. Normalement, je m’inquiète. Mais là je me dis, soyons patient. On verra bien où cela nous mène.
J’attends.
Rien. Pas un bruit, si ce n’est ma respiration. J’observe le lavabo. Plus je l’observe, plus je me dis que j’ai soif. Alors je me décide. L’eau est froide, ça fait du bien. Pendant que je me désaltère à grandes gorgées, je me dis que, quand je vais relever ma tête, je serais face à un miroir, qui m’indiquerait que je suis de retour dans ma salle de bain, à côté de ma chambre… Mais non. Pas de miroir. Juste un mur. Je m’aperçois que ça me dérange vraiment de ne pas me voir. Machinalement, je me lave les mains. Ce sont bien mes mains. C’est bien moi.
Franchement, ce n’est pas la panique qui m’envahit. C’est l’ennui. Je n’ai rien à faire ici. Mais d’ailleurs, qu’est-ce que je fous là ? J’aimerais bien savoir combien de temps ça va durer ? Et puis non, m’en fous ! Je n’ai pas envie d’être là. Il faut que je me réveille.
J’attends.
Rien. Tiens, j’ai envie de pisser. Pendant que je contemple mon jet de pisse dans cette chiotte rudimentaire, je me dis que, si ça se trouve, en vrai, je suis en train de me pisser dessus. Si ça pouvait me réveiller ! Mais non. Trois dernières gouttes. Toujours rien.
J’ai une idée. Je n’ai qu’à m’endormir ici. Et si ça se trouve, j’aurais une surprise au réveil. Je ne serais plus ici et tout ça ne serait qu’un pauvre rêve débile !
J’attends.
Rien. Faut pas attendre pour s’endormir, sinon on ne s’endort pas. J’insiste. J’ai l’impression que ça vient. Mais j’entends un bruit. Persistant. Comme un bruit d’essieu mal huilé. On dirait que ça le fait exprès. Ça vient du couloir. Par la droite. J’ouvre les yeux.
Surprenant ! Un type vient de passer tranquillement, avec une carriole, juste devant la grille, et a disparu sans même jeter un œil dans ma direction. A ma place, n’importe qui l’aurait interpellé. Mais je n’ai pas bougé. J’étais cloué. Je me suis juste contenté d’écouter le bruit d’essieu. Quand je me décide, il est trop tard. Quel con !
Ça y est, là, c’est foutu pour m’endormir. Je suis en train de me demander, c’est qui ce type ? Il y avait des trucs sur la carriole. Qu’est-ce qu’il trimballait ? Il va peut-être repasser. Faut pas que je le loupe !
J’attends.
Au bout d’une éternité, le bruit d’essieu mal huilé se fait entendre par la gauche. Je me précipite vers la grille :
« Salut !
– Salut.
– Attends !… T’as une minute ?
– Ça dépend. Du PQ ?
– Quoi ?
– Un savon ?
– Ah… non, ça va. Je veux juste savoir…
– Non, moi je ne sais rien. Tu veux un livre ?
– Non…
– Si tu veux rien, faut que je trace. Salut.
– Mais attends !… Hey !… »
Je l’interpelle. Je m’égosille. Je n’ai pour réponse que le bruit d’essieu qui s’estompe. Ah, le con !
J’attends.
Ça y est. Il revient. Je le stoppe :
« Excuse-moi. On est où, là ?
– Ben ça se voit.
– Oui mais qu’est-ce que je fous là ?
– Moi je ne sais pas ce que t’as fait pour être là. Mais moi je suis là pour quelque chose que je n’ai pas fait.
– Et ça fait longtemps que t’es là ?
– Un peu oui ! Mais j’ai eu “bonne conduite”. Alors je livre.
– Mais on sort comment d’ici ?
– Je ne sais pas. Tu veux un livre ?
– Non…
– Si tu veux rien…
– Oui ! Je veux un livre.
– Tiens. Faut que je trace.
– Déjà ?
– Salut. »
Assis sur le trône, en position quasi Penseur de Rodin, je lis les premières lignes de ce bouquin sans titre faute de couverture :
« Mon cœur est mon porte-plume.
Ma plume est mon porte-voix. Ma voix sur ce papier est encrée. Ce papier est mon porte-parole. Ma parole est une chanson. C’est la chanson de ma main. Ma main qui même engourdie t’écrit je t’aime. »
C’est beau. Mais ça m’emmerde.
Bon, pas le cœur à lire. Moi aussi, “faut que je trace” comme dit l’autre. Mais comment ?
Et je n’ai pas l’impression que l’autre soit d’une grande utilité dans ce merdier. Tiens, le voilà qui repasse avec sa foutue carriole ! Seulement, elle est vide cette fois-ci. Mais j’y pense ! Je suis à fond dedans, là. Et si ce n’était pas un rêve ? Autant dire que je vis un cauchemar ! Non. C’est trop absurde pour être réel. Qu’est-ce qui me prend de douter ? D’autant que l’autre vient de passer une nouvelle fois, la carriole chargée d’une grande caisse. Pauvre rêve débile ! Mais bon, débile ou pas, j’y suis. Et revoilà la carriole vide. Je tends le bras.
« Excuse-moi. Au fait, comment tu t’appelles ?
– Ben… Alfred.
– OK Alfred, enchanté… Dis-moi… faut trop que je trace, là. Doit bien y avoir un moyen de sortir ?
– Ben, je crois qu’y a pas moyen, non.
– Écoute… Alfred. A un moment donné, y’ a bien des gens qui sortent d’ici, quand même ?
– Oui.
– Ah !
– Oui mais…
– Oui mais quoi ?
– … Morts.
– Comment ça “morts” ?
– Ben morts quoi ! La plupart du temps, les gens qui sortent d’ici sortent les pieds devant.
– Mais c’est quoi cette histoire ?
– D’ailleurs, à tout bien réfléchir, y’ a que les morts qui sortent.
– Non mais ce n’est pas possible…
– Ben ici comme ailleurs, les gens ne sont pas éternels. Et faut bien les mettre quelque part ?
– Où ça ?
– Ben au cimetière, pardi !
– Mais… Il est où ce cimetière ?
– Ben à l’extérieur.
– Et alors, les morts, ils ne se déplacent, ni ne s’enterrent tout seuls, je présume.
– Ben non.
– Il y a donc un fossoyeur, alors ?
– Ben oui.
– C’est qui ?
– Ben vu que ça fait longtemps, et que j’ai eu “bonne conduite”, je débarrasse.
– C’est toi le fossoyeur…
– Ben oui. Et faut que je trace, là. Y’ a encore une caisse. Salut. »
J’attends.
« Excuse-moi. C’est dans ce genre de caisse que tu les transportes ?
– Ben oui, dans une caisse en sapin.
– Et comment ça se passe ?
– Ben dès qu’il y a un mort, on le met au frigo en attendant qu’y en ait un deuxième.
– Pourquoi ?
– Ben c’est plus pratique, vu qu’il manque de place dans le cimetière. Les caisses sont plus grandes pour y mettre deux morts.
– Et après ?
– Ben après, j’enterre. Faut que…
– … tu traces, oui. Salut. »
J’ai une idée. Elle me répugne mais je ne vois que cette solution. Il faut que j’accompagne un mort dans une de ces caisses en sapin. Quand même, ça me dégoûte. Faudra prévoir un sac en toile juste pour me préserver de tout contact avec le mort. Et puis je n’aurais qu’à attendre quelques minutes. Et Alfred me libère. C’est un bon plan. De toutes façons, je ne vois que ça.
« Ben oui mais c’est pas pratique.
– Pourquoi ?
– Ben parce que durant leur vivant, y’ a quasiment jamais personne qui leur rend visite, aux gens. Mais bizarrement quand ils sont morts, ben y’ a du monde.
– Ah…
– Ben oui ! je ne sais pas si tu vois le tableau : mais un mec vivant qui sort d’un cercueil, c’est pas banal et ça fait désordre. Non franchement, c’est pas pratique. »
Je ne sais pas combien de temps ça fait que je tourne en rond dans la cellule, les mains dans les poches… Tiens, qu’est-ce que j’ai dans la poche droite ? Une boite d’allumettes. Je la secoue. Quasi pleine. Et dans la gauche, un bleu de billard bien entamé. De mieux en mieux…
Je ne sais pas combien de temps ça fait que je suis assis là, sur cette couchette, à observer cette boite d’allumettes ? Plus je l’ouvre et la referme inlassablement, plus je me dis qu’il faut qu’il m’enterre. Il y aura plus d’attente. Ce sera pénible. Mais bon, je ne vois que ça.
« Ben merde ! Ça c’est plus que pratique. Je n’y avais pas pensé. Faut dire qu’à ma place, pas évident de penser à ce genre de chose !
– Tu crois que c’est possible ?
– Ben oui. Mais faut pas se faire gauler ! D’un autre côté, en général, les morts sont rarement surveillés. Pas de danger qu’ils prennent la poudre d’escampette ! C’est même bien pour ça qu’ils sortent, eux. Mais…
– Mais quoi ?
– Ben y a un truc moins pratique. C’est que maintenant, faut attendre qu’il y ait un mort. Et ici comme ailleurs, les gens ne sont pas pressés de mourir. Quoique, m’est avis que ça dépend des moments.
– Bon. Dès qu’il y en a un, on le...

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