Mémoires d une commode
119 pages
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Mémoires d'une commode , livre ebook

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Description

Une commode née au début du dix-neuvième siècle nous livre sa vie, à travers plusieurs histoires ponctuant les différents endroits et situations dont elle est témoin, elle a choisi de narrer sa fiction en employant le présent continu, pour bien montrer que sa vie évolue au jour le jour. Accompagné d’humour et de sentiments, ce livre romanesque nous fait voyager à travers plusieurs décennies, à partir des années 1830, jusqu’à nos jours. Cette commode côtoie bourgeois, employés de maison, écrivains, artistes peintres, artisans, antiquaires, cultivateurs, brocanteurs, commerçants. Elle nous relate ses déménagements, en diligence, train, bateau, camion etc. Des anecdotes inattendues ponctuant son cheminement sauront tenir le lecteur en haleine… Il est dix-huit heures trente environ ce samedi soir du vingt-quatre avril mille huit cent trente, quand j’entends le : « Eh ! Voilà », qu’exprime, René Fiter, l’artisan qui me donne le dernier coup de brosse lustrant la cire nourricière de mes bois. C’est sans doute la façon de montrer sa satisfaction devant une nouvelle œuvre achevée.

Informations

Publié par
Date de parution 11 juin 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312011196
Langue Français

Extrait

Mémoires d’une commode
Bernard Rétif
Mémoires d’une commode








LES ÉDITIONS DU NET 22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
À Christine.























© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-01119-6
Naissance de la commode
Il est dix-huit heures trente environ ce samedi soir du vingt-quatre avril 1830, quand j’entends le : « Eh ! Voilà », qu’exprime, René Fiter, l’artisan qui me donne le dernier coup de brosse lustrant la cire nourricière de mes bois. C’est sans doute la façon de montrer sa satisfaction devant une nouvelle œuvre achevée.
Je suis née et même j’ai un nom, « commode », je suis une commode. Oui, désormais, je vis en tant que meuble. Bien sûr toutes les particules formant mon tout, vivaient ailleurs depuis la nuit des temps..., le noyer qui a servi pour faire mon moi, était quelque part dans une forêt, sur une haie ou dans un jardin depuis plusieurs dizaines d’années, les molécules ayant elles-mêmes nourries cet arbre existaient depuis bien plus longtemps encore, etc. Mais maintenant j’ai en quelque sorte une âme.
Dorénavant, je vois et j’ois ce qui se passe autour de moi.
Dans l’atelier où je me trouve, il règne une certaine sérénité, une bonne odeur de bois se dégage de cet endroit magique. Dans un angle sombre de l’atelier, près d’un conduit de cheminée en briques rouges toutes ruisselantes de suie, on distingue à peine un poêle à bois sur lequel est posée une casserole bosselée. Entre deux poteaux, une poutrelle en chêne reçoit des serre-joints en bois de plusieurs dimensions, dans un coin deux tonneaux à cidre partiellement décerclés attendent les mains expertes de Joseph ou de René. Le dessus de l’établi en chêne est encore plein d’outils, les planes et les rabots semblent se reposer un moment sur un lit de copeaux enroulés, cinq scies à cadre sont suspendues à des clous forgés enfoncés dans une poutre légèrement vermoulue sur les rives : deux scies à refendre, une à tenons, une à araser, et une autre à chantourner. L’atelier est bardé en bois de châtaignier. Des planches de différentes longueurs attendent leur tour dans un coin de la boutique, la plus grande partie du sol est en terre battue, sauf l’endroit où René a son bureau, et où il met ses meubles finis. Cette partie est recouverte de planches plus ou moins jointes, ce qui permet la visite de souris vagabondes. Des fenêtres apportent de la lumière dans cet espace où il doit être agréable de travailler. Un plafond en planches de sapin posées sur des poutres, sert aussi de plancher, on y accède par un escalier dépourvu de contremarches…
Joseph, l’employé, de René finit de balayer la boutique. Une chaise accrochée à un clou rouillé, dont le paillage n’a de paillage que le nom tant il est défoncé, attend les doigts agiles de Marguerite, une voisine rempailleuse. Un tabouret en chêne avec quatre pieds tournés, et une grande planche en bois blanc brut, posée sur deux tréteaux servent de mobilier du bureau d’études de René Fiter. On m’a mise à côté de ce coin bureau. Joseph relève un petit cahier tombé malencontreusement de la table bureau.
– Tenez, dit-il à son patron, ce n’est pas ce petit cahier que vous cherchiez ce matin ? Je l’ai trouvé, coincé entre le mur et un tréteau.
– Ah, merci Joseph, ce n’est pas qu’il ait une grande valeur commerciale, mais j’y écris mon journal en quelque sorte et j’y tiens beaucoup, en fait je savais que je l’aurai retrouvé, comme je ne lui donne pas d’argent de poche, il ne peut pas aller bien loin, plaisanta René… Tiens, si tu veux, je vais te faire la lecture de ce que j’y ai mis récemment.
René s’assoit sur son tabouret devant son bureau et convie Joseph à décrocher la chaise suspendue et à en faire autant pour écouter le récit des dernières semaines de son journal…
Le jeudi premier avril 1830, Monsieur et Madame De Mondeville sont venus commander une commode. Monsieur De Mondeville est le patron d’une grosse imprimerie à Paris et tous les deux possèdent une maison de famille à Brie, c’est à environ trois kilomètres d’ici. Ils passent leur temps entre Paris et Brie, ne pouvant supporter de vivre trop longtemps, loin de leur Bretagne natale …
Le samedi trois avril de cette même année, René arrive chez Monsieur et Madame De Mondeville avec sa charrette tirée par Gitane, sa jument âgée de sept ans de couleur « isabelle », avec une crinière d’un noir brillant ; cette dernière a été achetée chez un fermier habitant près du « Gué au moine » en Brie. René Fiter aime les chevaux et fait pouliner Gitane tous les deux ans.
Dès son arrivée chez les « De Mondeville », il se met à trier le bois de noyer qu’il lui faut pour faire la commode.
« Voyez-vous cher ami, mon épouse et moi nous n’avons que des meubles de style dans notre demeure parisienne n’est-ce pas, et nous tenons à meubler les pièces de nos domestiques avec du beau meuble également, c’est pour cela que nous avons fait appel à votre habileté pour nous faire cette pièce que nous emmènerons là-bas », avoue monsieur De Mondeville.
(À l’époque, certains meubles dits « de chambre de bonne » étaient parfois en effet fabriqués par des menuisiers locaux. Pour leur appartement privé, les maîtres essayaient de s’en procurer dans des ateliers parisiens, ça faisait plus chique…)
– Bien sûr, répond René Fiter distraitement, ne faisant pas trop attention à ces « ronds de jambes ». Trop attentionné à trier le bois qu’il lui faut prendre et, surtout à ne point en oublier. « Je préfère en rapporter en livrant la commode pensa-t-il ».
De retour à l’atelier, René décharge le bois de la charrette et l’entrepose dans son atelier, suspend à un clou, une chaise prise chez les De Mondeville afin de lui refaire l’assise et revoir les assemblages.
Le lundi matin suivant dès son arrivée au travail, Joseph qui vient, que de temps en temps, donner un coup de main à René, surtout pour le travail de charronnage et de tonnelier, se met à avoyer et affûter les lames de scie, aiguiser les fers des riflards, varlopes et rabots ainsi que planes, les ciseaux, gouges, bédanes et autres outils tranchant servant à la fabrication de meubles. Pendant ce temps René trie le bois par épaisseur et largeur tout en repérant les éventuels défauts afin de mettre les plus beaux morceaux en façade.
– Tu n’étais pas obligé de venir aujourd’hui, intervient René en s’adressant à Joseph, ta mère a sûrement besoin de toi surtout en ce moment.
– Je sais patron, d’ailleurs, je vais m’en aller avant dix heures, mais j’ai tellement besoin de m’occuper l’esprit ces temps-ci…
Après avoir dîné, vers treize heures trente, René prit son vélo et s’en fut à Essé, assister aux funérailles du père de Joseph, décédé le vendredi de la semaine précédente. Les parents de Joseph habitaient dans un petit hameau sur la route de la Roche aux Fées dans la commune d’Essé. Cela lui prit une bonne partie de l’après-midi, presque tout le village se déplaça et l’on se retrouva chez l’aubergiste pour discuter des potins du coin après la cérémonie. On ne pouvait laisser quelqu’un dans la peine sans lui apporter une présence ou un signe de communion fraternelle, afin que sa souffrance fût moins difficile à supporter. Joseph ainsi que sa mère, furent très touchés par l’amitié qu’on leur prodigua ce jour. Joseph remarqua tout particulièrement la présence d’Augustine…
Le mardi matin, dès sept heures, René assis sur son tabouret, se penche sur ce qui lui sert de bureau, la fameuse planche de peuplier posée sur deux tréteaux, il mouille la mine de son crayon en la posant sur sa langue et s’applique à faire la fiche de débit avec une précision millimétrée de toutes les pièces de bois rentrant dans la fabrication de ce meuble.
4 montants (pieds).
4 traverses de côté.
2 panneaux de côté.
2 traverses de derrière.
1 montant de derrière.
2 panneaux de derrière.
1 dessus.
4 traverses de devant.
1 petit montant de devant entre les 2 tiroirs du haut.
2 grandes façades pour les grands tiroirs.
2 petites fa

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