Mon ex a appelé
154 pages
Français
154 pages
Français

Description

Pourquoi une ex peut-elle appeler après plusieurs décennies d'absence ? Ont-ils encore des choses à se dire ? À s'avouer ? À espérer ? Le narrateur va-t-il se rendre au rendez-vous à Marrakech avec son ex ? En voilà beaucoup de questions. Nombreuses parce que l'auteur de ce roman nous nargue un peu entre passé et présent, entre pensées insolentes et zigzags philosophiques, entre Rabat, Marrakech et la Californie. Alors qu'on a quelquefois l'impression que Moha Souag nous mène en bateau, c'est dans un road movie (imaginaire ?) qu'il nous embarque.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2021
Nombre de lectures 2
EAN13 9789920910705
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0697€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mon ex a appelé
Editions Onze
Romandie A, angle Bir Anzarane et Ibnou Sina 11ème étage — bureau n°163 Casablanca — Maroc
Dépôt légal 2021MO0812 ISBN 9789920910705
CONCEPTION GRAPHIQUE HASSAN CHARACH
Moha Souag
Mon ex a appelé
Roman
1.
Mon ex a appelé
Mon ex a découvert mon compte Facebook et m’a contacté. Cela fait, maintenant, plus de vingt-neuf ou trente ans qu’elle m’avait quitté. Je n’avais rien vu venir que du brouillard. Elle aspirait, à mon insu, à une vie diérente de cette longue perspective ennuyeuse d’épouse, de mère de famille et de femme au foyer ou, au pire, de ménagère de plus de trente ans, comme disent les publicitaires, que je lui orais, et qui l’erayait. C’était, tout au moins, ce que j’en avais conclu après son départ. Je ne l’avais pas sentie se détacher de moi; telle une barque dont les coups pendulaires des vagues à l’âme usaient la corde de l’amour qui nous unissait et qui l’attachait au havre de paix que je pensais être pour elle, jusqu’au moment où elle prit le large.
Elle partit, sans moi, un jour d’été, rendre visite à ses parents à Paris et prendre le frais loin de cette chaleur gélatineuse qui nous enrobait à Rabat. Commeun mirage, après m’avoir leurré de ses eaux fraîches et limpides, Sophie disparut de mes yeux aux premiers coups de sirocco et des prémices d’une sécheresse imminente. Je ne la revis plus. La seule réponse que
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j’obtins d’elle, des USA, au mois de septembre, aux nombreuses et pressantes missives que je lui adressais pour qu’elle revienne, m’annonça, non une rupture dénitive, mais son désir de vivre là-bas, seule, pour un temps indéterminé. C’était une façon douce de rompre une relation de quelques années de vie en couple, sans trop de brutalité mais non sans grands dommages pour moi.
Je ne souris d’abord pas de son absence en été car j’étais en pleine action. Je circulais à travers tout le Maroc d’un festival à l’autre, d’une ville à l’autre et de la musique au théâtre, des arts plastiques au cinéma sans jamais prendre de repos. J’étais pris dans le tourbillon des rencontres à préparer, des chambres d’hôtels à réserver ou des billets d’avion à coordonner pour des personnalités qui venaient du monde entier pour animer une soirée ou passer une journée à Essaouira, Fès, Agadir ou Ouarzazate. Je pensais beaucoup plus au confort des autres qu’au mien.
Quand la èvre de l’été tomba, je revins à notre immense appartement vide où seuls les murs me renvoyaient l’écho fatigué de la voix d’un hibou solitaire. J’attendis son retour, je ne perdis pas espoir de la revoir, un soir ou un matin, déposer ses valises là où elle les avait prises. Au début, je continuai à lui écrire pour lui dire que j’étais prêt à tout laisser tomber, ici, au Maroc et à la rejoindre là où elle voulait et quand elle voulait. Mais je ne reçus aucune réponse. Je doute encore que ses parents lui eussent fait suivre mon courrier. Dès lors, je dus me rendre à l’évidence,
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notre relation intense avait pris ses distances. J’étais prêt à tout abandonner, ma boîte de com’ et mon travail envoûtant et fort bien rémunéré, mon petit et mon grand confort, mon bel appartement duplex dans une résidence privée, plantée dans un écrin de verdure à Agdal, mes voitures, mon pays pour retrouver cette femme que j’avais follement aimée. Mais elle rêvait d’Amérique et je rêvais d’elle.
Sophie était d’une grande beauté aussi bien physique que spirituelle. Son intelligence et sa culture lui donnaient un charisme qui faisait taire les hommes les plus imbus de leurs moustaches. Je tenais beaucoup à Sophie car elle était mon seul repère, le phare qui guidait mes sentiments dans cette tempête déchaînée qu’était la vie. J’avais trouvé en elle mon équilibre. Notre couple n’avait eu ni dicultés, ni frictions pour s’harmoniser depuis notre première rencontre sur les bancs du lycée. On avait eu, spontanément, le geste, le mot, le comportement qu’attendait l’un de l’autre.
Maintenant que j’y pense devant mon volant, je trouve mes sentiments puérils et les mots pour les décrire d’une platitude triviale, voire aigeante. J’ai l’impression que ce n’était ni l’amour ni l’intelligence et encore moins l’harmonie qui nous avaient unis pendant tout le temps qu’on avait vécu ensemble mais, tout simplement, de l’indiérence. L’indiérence de Sophie, son détachement de tout ce qui n’était pas elle. Ne s’étant jamais engagée à défendre un point de vue sauf celui de ses propres intérêts, ni à avoir une position sociale ou familiale à préserver ou à améliorer car,
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prête à partir à tout moment, elle n’avait rien à perdre en se laissant bercer par les vagues monotones du lit conjugal. Elle accomplissait un devoir et satisfaisait un besoin. Que notre bateau avance, chavire ou coule cela ne l’émouvait guère. Elle donnait l’impression d’être toujours ailleurs. Ses valises étaient posées dans le vestibule, là où elle les avait déposées le premier jour où nous avions emménagé; juste derrière la porte du grand appartement où nous habitâmes longtemps. C’était cette apathie qui avait permis de cimenter notre couple pendant quelques années dès lors que Sophie n’opposait aucune résistance à mes décisions, en les exécutant, parfois; mais en les ignorant, souvent.
Je ne m’étais douté de rien puisque toutbaignait pour le benêt que j’étais. Aujourd’hui je réalise que Sophie n’était pas la femme que j’aimais mais l’idée que je me faisais de la femme abstraite que je voulais aimer, mon idéale de beauté, celui que je m’étais fabriqué et où s’étaient accumulés, à mon insu, toutes les pièces d’un puzzle constitué à partir des petits abacules des romances hollywoodiennes, des romans d’amour français, des lms indiens et égyptiens qu’on ingurgitait en ces temps-là et qui étaient les seules nourritures romantiques et sentimentales de notre adolescence. Ces lms égyptiens et indiens qui oraient le rêve et le spectacle féerique des chants et des danses qui accompagnaient la rencontre de deux cœurs qui s’aimaient sans, toutefois, laisser poindre la moindre parcelle de chair des actrices contrairement aux lms français où l’on voyait des histoires d’amour
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où la platitude de l’intrigue était compensée par la nudité érotique de vedettes au corps parfait.  J’ai, encore, à l’heure qu’il est, idée que j’avais pénétré par eraction dans l’intimité de Sophie car elle ne m’avait, peut-être, jamais ouvert son cœur froid, marmoréen, ni senti ma présence quelque part en elle. Elle était, en réalité, une femme absente tellement lointaine malgré sa présence en chair et os. Je l’avais construite de mes fantasmes, de mes préjugés et de toutes les envies frustrées que je voulais réaliser en elle. Un amour pygmalionesque. Elle était mon œuvre, œuvre illusoire qui diérait largement de la réalité de son corps, de son esprit et de son comportement palpable dans la vie de chaque jour. J’avais aimé en elle Isabelle Adjani, Catherine Deneuve ou Sophie Marceau, ce qu’elle n’était pas. Je me demande encore, à présent, de quels fragments d’hommes, d’acteurs, de chanteurs ou autres avait-elle construit son idéal de compagnon et qui avait accompagné notre couple pendant toutes ces années vécues ensemble et qui l’avait aidée à me supporter. Quand elle m’eut quitté, je me sentis nu. Je n’avais plus une image de femme pour en vêtir mon amour. J’avais construit toutes les fondations de ma vie sur un mensonge auquel j’avais cru dur comme du vent. Et dès que ce mensonge eut disparu, la vie parut nue sous ses oripeaux, loin des parures ondoyantes de mes illusions. La douleur de la chute, en n de compte, est toujours à la dimension de l’élévation de nos rêves et de nos mensonges. Choir. Le verbe surgit dans mon esprit
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comme une aiguille. Il me piqua au vif. Choir. Tomber. Chuter, me répétais-je sans cesse comme réciterait un amoureux éconduit une litanie tutélaire. Cela voulait dire qu’il existe une cime et un abîme de l’amour. Un haut et un bas. Et que les gens sont tenus d’y monter à l’aide d’échelles, d’escabeaux, ou d’y grimper mains nues à se casser les ongles sur les chemins escarpés des chevriers et des âniers pour y accéder et surtout s’y maintenir. Mais où se trouve ce haut si improbable, si instable et si glissant dont on ne doit jamais choir et à aucun prix ? Personne ne me l’avait appris. Combien de nuits ai-je veillées à attendre le retour de Sophie ?
Elle était partie à l’acmé de sa maturité. Et j’ai gardé d’elle cette image immarcescible de la beauté des eurs en plastique qui conservent à l’inni une jeunesse couverte d’une ne couche de poussière qu’il susait d’épousseter pour révéler leurs chatoyantes couleurs articielles. Je dois m’avouer que j’ai échoué à conquérir la femme qui se cachait en Sophie, je n’ai eu que l’épouse.
Et si la statue de sel se réanimait et revenait réellement à la vie comme une ressuscitée qui eût oublié son passeport pour entrer aux enfers. Que lui dirais-je ? Commence alors, pour moi, une descente vertigineuse aux enfers des amours dégénérées.
Le monde se rétrécit en un goulot minuscule; étroit même. Il m’explosait sur le visage chaque fois que je consultais mon téléphone ou mon ordinateur : adieu grands espaces, adieu désert, forêts et montagnes,
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