La lecture à portée de main
36
pages
Français
Ebooks
2016
Écrit par
Jm de Leygalat
Publié par
Mon Petit Editeur
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Ebook
2016
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Publié par
Date de parution
15 juin 2016
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342052398
Langue
Français
Ces brèves nouvelles appartiennent à l'époque révolue des années 1950-1960, où la pudeur bourgeoise inhibait encore l'esprit des jeunes bourgeois pris entre une moralisatrice ambiance familiale moralisatrice et une religion castratrice. Le souvenir en reste empreint d'une impression d'amer gâchis... à moins qu'il ne s'agisse que de la nostalgie d'un bonheur enfui sous le silence et les années.
Publié par
Date de parution
15 juin 2016
Nombre de lectures
0
EAN13
9782342052398
Langue
Français
Nostalgies d'amours
JM de Leygalat
Mon Petit Editeur
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Mon Petit Editeur
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Nostalgies d'amours
Un grand éclat de rire
— Monte dit-elle.
Je m’installais aussitôt sur le porte-bagages et d’un vigoureux coup de pédale, Florence démarra. Le reste de la bande, trop absorbé dans la réparation du vélo de Pierre, ne s’aperçut pas de notre départ. Le soleil de juin dorait au loin la chaîne de Belledonne, tandis qu’un épais silence écrasait la campagne. Florence riait aux éclats.
— Enfin débarrassés, dit-elle, ils commençaient tous à m’ennuyer. Et puis on ne peut plus être seuls un moment.
Elle quitta la grande route et laissa la bicyclette dévaler le chemin qui menait à la plaine. À cette époque il n’était pas encore goudronné et chaque caillou me meurtrissait les fesses, mais je ne m’en souciais pas. J’avais enlacé Florence et ses cheveux me caressaient le visage. Je me fondais en elle et nous ne formions plus qu’un.
Tout l’après-midi nous restâmes errants ainsi dans cette plaine déserte, longeant parfois les bords fangeux de l’Isère sur des sentiers mal gravillonnés. De temps à autre nous grimpions sur un cerisier dont les fruits commençaient à rougir. Lorsque Florence se sentait fatiguée je prenais le relais.
Nous n’avions aucun but sinon rester tous les deux seuls dans le silence que déchirait parfois un cri d’oiseau. Rien n’importait plus que de nous abandonner à la douceur de ce chaud après-midi où nous étions tout entiers l’un à l’autre.
Nous nous assîmes dans un pré regardant la montagne où les derniers névés achevaient de fondre. Elle me prit la main. Nous ne disions rien, submergés par le bonheur de nous sentir unis par un amour aussi fort. Jusqu’à la fin de notre vie plus rien ne pourrait nous séparer, pensions-nous avec la certitude que l’on peut avoir à cet âge où le doute ne trouve aucune fissure où s’insinuer. Lorsque le soleil dans son déclin commença à poudroyer sur les sommets, nous rentrâmes main dans la main en poussant la bicyclette. Nous marchions lentement pour faire durer cet instant magique. Les cailloux du chemin roulaient sous nos pieds, les oiseaux s’étaient tus. Un grand silence nous enveloppait. Les arbres jetaient une dernière ombre et les longs murs de pierre calcaire nous renvoyaient la chaleur emmagasinée dans la journée. Nous étions seuls au monde.
Florence avait treize ans, j’en avais quinze. Nous étions inséparables depuis notre plus tendre enfance. Alors pourquoi de ces longues années d’enfance ai-je gardé un souvenir aussi vif de cette après-midi qui se fond avec cet autre souvenir où assise au bord de sa piscine elle lançait vers le ciel un immense éclat de rire. Dans cette radieuse matinée d’été, nous étions là cinq ou six, racontant des riens et tout entier livrés au seul plaisir de sentir la fraîcheur de l’eau couler sur la peau. Florence ce matin-là rayonnait et riait sans autre raison que la joie d’être au monde.
Tout avait commencé cinq ans auparavant, par une autre belle journée de juillet. Toute la bande des copains jouait comme à l’habitude dans le parc de la propriété des parents de Pierre lorsqu’une dispute éclata entre nous dont je serai bien incapable de donner le motif aujourd’hui. Toujours est-il que je partis. J’avais à peine franchi le portail que Florence me rattrapait en courant.
— Ils sont tous idiots, je ne veux plus les voir dit-elle. Allons chez toi, j’aime bien quand on joue dans le grenier, on se déguisera. Je serai le pirate et tu seras le capitaine Blaguenville, déformant comme à son habituel les noms et voulant évidemment dire Bougainville !
Des générations y avaient accumulé un énorme bric-à-brac de vieux vêtements, d’antiques uniformes, quelques sabres, des piles de vieux livres de prix à couvertures rouges et à tranches dorées et un tas d’ustensiles dont on avait oublié l’usage depuis bien longtemps. Tout cela dormait sous une belle couche de poussière. Hormis les gosses, qui s’y réfugiaient les jours de pluie, plus personne ne venait dans ce grenier. Florence avait enfilé une robe à crinoline qu’elle retenait par un ceinturon dans lequel elle avait passé un vieux sabre. Je m’étais accoutré avec une redingote à queue-de-pie et un vieux bicorne et nous courrions à travers les malles, les vieilles tables et les armoires déglinguées, sautant sur les fauteuils éventrés et riant comme des fous. Le reste de la bande considérant ce genre d’amusement comme trop infantile, préférait maintenant les virées à vélo ou la construction de cabanes. Étions-nous des attardés mentaux, comme certains l’insinuèrent ? Toujours est-il que Florence et moi nous réfugiâmes de plus en plus souvent dans le grenier nous déguisant et inventant les histoires les plus folles.
Puis un jour nous ouvrîmes l’un des grands livres rouges, décoré sur la couverture d’un ballon nacelle. Florence commença à lire à haute voix, une page, puis deux et je pris le relais. Nous étions pris au jeu, impatients de connaître la fin. Nous passâmes ainsi une bonne semaine à dévorer Cinq Semaines en Ballon. Dès qu’elle avait terminé son déjeuner, Florence rappliquait et nous montions au grenier plonger dans Jules Verne. Puis ce furent des dizaines d’autres livres, des histoires coloniales des conquêtes de l’Afrique ...