On vous souhaite tout le bonheur du monde
130 pages
Français

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On vous souhaite tout le bonheur du monde , livre ebook

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130 pages
Français

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Description

Un désir lancinant, celui d'élever un enfant. Au fond du gouffre, l'espoir renaît par le biais d'une coutume polynésienne ancestrale ou tradition fa'a'amu, aux préceptes bien éloignés de nos moeurs occidentales. Un parcours qui révèle un pan de la culture ma'ohi traditionnelle, une ouverture vers une autre parentalité. Une coutume séculaire qui s'ajuste au fil du métissage avec les Européens.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 décembre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782336806259
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre

Prisca G UILLEMETTE -A RTUR




On vous souhaite tout le bonheur du monde
Roman
Copyright

























© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-80625-9
Dédicace

A la famille, Miraculeuse, biologique, de cœur ou d’adoption, A ceux qui rêvent d’une famille.
PROLOGUE
Mon regard a immédiatement plongé dans ses grands yeux noirs. J’étais avide de ce regard-là. Je l’attendais.
J’étais même un peu fébrile à l’idée qu’il m’échappe. J’avais lu quelque part qu’il se passe « quelque chose » à ce moment-là. Un échange, une reconnaissance mutuelle qui fige pour la vie le lien affectif singulier, unissant deux êtres au commencement.
Je m’étais préparée à accueillir une émotion foudroyante, comme à ne rien ressentir du tout, au cas où. Je crois savoir que quand les signaux émotionnels s’emballent, le cerveau sature. Il répond à l’assaut neuropsychique par un vide total de tout sentiment identifiable, conférant à la situation une certaine étrangeté.
Indifférents à mon bug intérieur, les évènements se sont pourtant déroulés comme prévu, s’enchaînant les uns à la suite des autres comme un scénario bien rôdé. J’avais l’impression d’avoir quitté mon corps et de regarder cette femme qui me ressemble, affublée d’une blouse et d’une charlotte à usage unique, vivre un instant crucial de sa vie, comme un baptême vers un nouveau monde. Néanmoins, j’ai pleuré quand il est enfin apparu. J’ai même sangloté, je me souviens. Des soubresauts inattendus ont soulevé ma poitrine comme une toux inopportune et incontrôlable. Puis, de concert des larmes ont sillonné mes joues achevant leur course impromptue en mourant au coin de mes lèvres.
A cet instant, tous les regards sont braqués sur moi. J’ai l’impression que c’est l’attitude que l’on attend de moi.
Ce doit être une joie sans précédent.
Au secours ! Qui pourrait deviner que ce larmoiement soudain et ces sursauts étouffés sont en fait pour mon propre compte… Je pleure sur moi !
Je sanglote, réflexe conditionné face à une apparition tant attendue qui me déchire et m’expose si impudiquement aux autres. Je m’ouvre en deux, me fend de bas en haut, comme la gousse de vanille déversant autour d’elle des milliers de petits grains sombres et parfumés.
Je me répands.
La douleur accumulée à mon insu ces dernières années resurgit inopinément avec brutalité, pour s’écouler aussitôt hors de moi comme une rivière jaillissant à travers un barrage rompu. Sans attendre, les sanglots cessent aussi abruptement qu’ils sont apparus. Ces pleurs fugaces me libèrent d’un poids considérable, en même temps qu’ils me légitiment : je suis devenue maman.
Il m’a rendu ce regard, il me semble, malgré ses paupières toutes gonflées et cette lumière crue qui l’éblouissait. J’ai soupesé son petit corps gluant, rendu violacé par l’immense épreuve qu’il venait de subir et blanchi par endroits par le vernix protecteur. Il était déjà tout en rondeurs et ses petits poings étaient résolument fermés.
Je l’ai serré prudemment contre mon cœur pour qu’il s’imprègne de mon odeur. J’ai respiré la sienne, étrangère. J’ai détaillé ce petit visage qui allait devenir si familier, presque étonnée de le trouver si charmant. J’ai un instant cherché la ressemblance, puis j’ai remis cela à plus tard. Je l’ai posé sur la poitrine maternelle avec reconnaissance et mes bras l’ont entourée. Nous ne faisions qu’un à cette seconde.
La sage-femme m’a tendu les ciseaux pour couper le cordon ombilical et je me suis exécutée avec cérémonie, bien consciente de l’allégorie du geste.
J’avais planifié d’être indulgente envers moi même. Patiente. Prudente même.
Haere maru, haere papu 1 , comme on dit ici.
Pour ne pas me reprocher de ne pas l’aimer tout de suite, je m’étais répété à l’envi que l’amour maternel viendrait en temps voulu. Un déclic dans une paire de jours ou quelques semaines, peut-être. Ainsi, je n’ai pas tout de suite reconnu et identifié le curieux sentiment de fierté, qui a aussitôt gonflé mon cœur, cette manie de me rengorger chaque fois qu’un tiers s’extasiait sur la beauté de mon fils. J’ai laissé la douce euphorie qui accompagne le changement m’envahir. Dès la salle de naissance, son regard a semblé me dire :
— Ne t’inquiète pas Maman, je suis là.
Il a bu sagement son premier biberon et il n’a presque pas pleuré dans mes bras. Chaque geste, chaque étape par la suite m’ont paru d’une facilité déconcertante, en comparaison au chemin parcouru pour parvenir jusqu’à lui. Je suis née une seconde fois avec lui. Il a fait de moi une maman confiante, à jamais guidée par ce regard brûlant, me rassurant définitivement sur la nature de ce désir lancinant depuis si longtemps, celui d’élever un enfant.
1 Lentement mais sûrement
PREMIÈRE PARTIE


« Nous devons nous y habituer : aux plus importantes croisées des chemins de notre vie, il n’y a pas de signalisation. »
Ernest Hemingway
« Tahiti est le seul endroit de la Terre que la Nature et le Bonheur ont adopté, de préférence pour leur dernier asile. »
Louis-Antoine de Bougainville
CHAPITRE 1 L’appel de la Polynésie
2006
Je flotte dans le bleu immense, à la fois profond et lumineux. En apesanteur, j’ai l’impression de voler. Seul parvient à mes oreilles le bruit de ma respiration régulière, mêlant le petit chuintement caractéristique du détenteur au glougloutement des bulles d’air s’échappant vers la surface. L’espace dans lequel j’évolue est infini, j’ai perdu tout repère visuel. Mes oreilles ne se tendent pas douloureusement, m’indiquant que je suis bien stabilisée. L’ordinateur à mon poignet annonce trente-deux mètres de profondeur. Lorsque je regarde sous mes pieds, les abysses me renvoient d’étranges rais lumineux, disposés en étoile, tandis qu’en tordant le cou vers le ciel, je distingue le clapotis mousseux des vagues et les rayons solaires qui diffusent vers nous.
Rien que l’intensité de ce bleu, c’est saisissant.
Au loin, une ombre immense et mal limitée se dessine peu à peu. Mes yeux se plissent pour identifier l’apparition de plus en plus nette. Sur près de dix mètres de haut, un gigantesque banc de Barracudas tournoyant se détache sous mes yeux écarquillés. De grands poissons oblongs et argentés par milliers, striés de rayures noires caractéristiques, suivent à l’unisson une direction commune et instinctive dans une spirale infernale et compacte. Leur rotation infinie demeure tandis que mes palmes m’entraînent irrémédiablement au cœur de cette tornade lente et majestueuse. Je distingue alors sans peine leurs impressionnantes mâchoires armées de crocs puissants et leurs gros yeux globuleux, leur conférant malgré eux un air antipathique. Les bulles d’air que j’expire ne perturbent qu’un instant leur trajectoire en rangs bien serrés. Ils s’écartent alors légèrement du cercle et leur procession solennelle se poursuit. Comme si de rien n’était.
Hypnotisée, je m’allonge dans le mouvement, crispant mon corps d’une prière silencieuse, étirant ma silhouette par mimétisme, espérant naïvement me faire passer pour l’un des leurs. Nos regards se croisent, je deviens poisson. Je les presse mentalement de m’accepter parmi eux et de m’inclure dans leur ronde. Je voudrais tournoyer encore et goûter leur aisance mais un sifflement bref retentit brusquement, tranchant le fond sonore, maintenant constitué du cliquetis incessant des poissons-perroquets picorant le massif corallien, à l’image des gallinacés de basse-cour (le récif n’est jamais loin). Ma rêverie s’interrompt à ce moment précis. Je déploie méthodiquement mon regard autour de moi pour localiser l’origine du bruit. J’aperçois Marco, notre chef de palanquée qui brandit son bras, remuant frénétiquement l’index vers le haut. Un coup d’œil dans la dire

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