Peau de misère
338 pages
Français

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Description

Galo, village à l'Extrême-Nord du Cameroun, est la cible d'une série d'attaques de la secte islamiste Boko Haram. Rhamane, atteint de vitiligo, perd son père dans la tourmente. Son village est détruit, son école incendiée et son rêve de devenir instituteur s'envole en fumée. Avec sa mère et son frère cadet, il trouve refuge à Maroua, une terre jugée plus sûre. Mais très vite, la famille, à l'instar des autres réfugiés, est confrontée à une forte stigmatisation de la part des habitants... Dans une langue harmonieuse et imagée, Adamou aborde un sujet sensible : la double peine que subissent les réfugiés, souvent assimilés à leurs bourreaux. Mais il est aussi question de résistance et d'espoir...

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2023
Nombre de lectures 56
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

 Septembre 2022 ISBN : 979-10-95999-67-6  © Les Lettres Mouchetées  Pointe-NoireCongo  Illustration de la couverture : Guillaume Makani
Adamou DoublaPeau de misère
roman Les Lettres Mouchetées
Aux enfants, aux femmes et aux hommes victimes du terrorisme du groupe Boko Haram Aux orphelins, aux mutilés, aux réfugiés, aux exilés de par le monde, qui ne sont pas toujours accueillis comme il se doit À la grande famille Doubla qui a toujours cru en moi À vous, mes ami-e-s, qui avez hâte de me lire
1- Rahmane réajusta la bandoulière de son cartable sur son épaule gauche. Il était essouffléd’avoir porté son frère Abou sur son dos. Les deux garçons venaient de traverser la petite rivière qui divisait le village en deux. Dans cette partie du Cameroun, la rivière, oumayo, désigneles cours d’eau saisonniers larges de quelques mètres seulement. Ce ruisseau prenait sa source au Nigeria voisin et traversait Galo en serpentant à travers la savane herbeuse. Vers sa partie la plus profonde, une grande latte de boisl’enjambait. Très souvent, Rahmane et son jeune frère perdaient une dizaine de minutes àattraper des alevins et des têtards qu’ils relâchaient aussitôt avant de courir en directionl’école. Ce rituel, ils le répétaient chaque matin. Mais depuis quelque temps, de drôles de petits objets métalliques miroitaient au fond del’eau trouble parmi les plantes rampantes aux abords de la berge.  Rahmane fourra les douilles et les cartouches au fond de son cartable et tira son frère par le bras : Dépêchons-nous, sinon nous allons arriver en retard !  Fils aînéd’un couplesans histoire, Rahmane menait une vie monotone qui le contentait comme tout gamin de son âgequi n’avait pas connu autre chose.À douze ans révolus, il fréquentaitl’écoledes Blancs etl’école coranique. Élève de CM2, il nourrissait la folle ambition de devenir instituteur, comme monsieur Clavert, son maîtred’école. Seul inconvénient, on nerêvepas à Galo, et lui encore moinsqu’un autre. Affaibli par une bronchite chronique, Rahmane était
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obligé de doser chacun de ses efforts, le moindre excès déclenchant des quintes de toux interminables. Mais plus étrange encore, depuis quelque temps, des taches blanchâtres étaient apparues en différents endroits de sa peau.  Sa mère, Aïssata, déboussolée par la santé fragile de son fils aîné, passait des nuits blanches às’enmordre les doigts. Depuis l’apparition des taches blanches, dans ses prières elle suppliait Allah de lui transmettre ce mal pour épargner son fils. Elle avait consulté tous les marabouts de la contrée. Après l’avoir dépouillée de ses maigres économies,tous avaient été unanimes : « Ce sont des djinns, des démons, votre fils est possédé. » De guerre lasse et sur les conseils de ses amies, elle avait emmené Rahmaneà l’hôpital. Là aussi, diagnostic sans appel : son fils était atteint de vitiligo, une maladie de peau rare, indolore et incurable. Jour après jour, les taches blanches gagnaient du terrain sur sa peau noire. Rahmane ne ressentait aucune douleur ; cependant il souffrait atrocementd’être la risée de ses camarades de classe. Cette maladie honteuse lui avait valu le sobriquet de Zanzirma,« la panthère » en kanouri, le dialecte local. Le reste de sa personne ne compensait en rien cette disgrâce. Chétif et frileux, lenez retroussé au milieu d’un visage oblongcoiffé d’une tignasseRahmane Modou crépue, n’avait d’une panthère que les taches...  L’école privée catholique de Galo était tenue par un vieux prêtre italien aux cheveux grisonnants et à la barbe fournie. Beaucoup de ses collaborateurs avaientdéserté l’écoleet le village. Galo, petite bourgade del’Extrême-Nord du Cameroun, coincée entre Hardel et Kura, vivait sous la menace d’une attaque.Cette localité, conforme à l’idéeque l’onse fait des bourgades arides et pauvres des zones
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sahéliennes, était autrefois pleined’entrain. La population démunie mais travailleuse vivait en harmonie au milieu des cases disséminées sur de vastes étendues plates. Un cours d’eaualimenté par les saisons pluvieuses, des terrains vagues et des champs de sorgho à perte de vue traversés par des pistes boueuses ou poussiéreuses selon la fréquence des averses : tel en avait toujours été le décor. Or, depuis quelques semaines, Galo était étrangement calme : un calme de cimetière.Seul l’écho des bruits sourds des armes de guerre retentissait depuisl’autrecôté de la frontière. Après plusieurs localités du nord du Nigéria, Kura était tombé entre les mains de la secte terroriste Boko Haram.  Vaillant, le père Luigi était resté fidèle à son poste, non pas qu’ilfût indifférent aux grondements des armes qui se rapprochaient dangereusement, mais il ne pouvait tout simplementpas envisager d’abandonner ses ouailles. Lui qui, quinze ans auparavant, avait eu tant de peine às’acclimater àcette région aride du Cameroun, avait fini pars’y plaire. Mieux, il parlait déjà le kanouri,l’haoussaet le fulfulde, les langues les plus répandues du coin. De fait, il était aimé de tous ; musulmans, chrétiens, petits et grands.  La tension déjà palpable au sein de la communauté était accrue par la présence des militaires prêts à parer toute incursion des djihadistes en territoire camerounais. Après avoir fait le tour de l’école, le père Luigi entra dans la classe de CM2. Bonjour, mon père ! clamèrent les élèves en se levant. Bonjour, mes enfants. Asseyez-vous !Aujourd’hui, nous allons commencer par la lecture de la conduite à tenir durant tout ce mois. Comme vous le savez, Kura, la ville
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nigériane voisine, a été attaquée, des écoliers ont été enlevés. Les djihadistes les attirent avec des biscuits, une friandise, un jouetet, hop ! ni vu ni connu, ils les embarquent avec eux. Parfois, ils débarquent dans les écoles avec leurs armes. Alors soyez prudents.  Il appuyait exagérément sur chaque mot formulé pour marquer les esprits de ses petits élèves. Les yeux écarquillés, ilsl’écoutaientbroncher penda sans nt qu’ildressait l’inventaire des consignes àrespecter dans ce contexte particulier. Ne traînez pas à la sortie. Évitez de suivre une personne inconnue, homme ou femme, et ne vous éloignez pas de vos maisons. Les méchants sont tout près, faites très attention,s’il vous plaît. Évitez leslieux de rassemblement… La secte de Boko Haram recrutait des enfants, leur faisait subir un lavage de cerveau en règle et les conditionnait pourqu’ils se retournent contreleurs parents. L’Italien jugeait indispensable de sensibiliser ses élèves, quitte à les effrayer. Rahmane, assis au premier rang, priait pour que le père Luigi poursuive ses recommandationsjusqu’à l’arrivée du maître, monsieur Clavert. Non pas qu’il donnât trop d’importanceaux consignes, mais il redoutait les moqueries que ses camarades ne manqueraient pas de faire pleuvoir sur lui dès que le prêtre aurait le dos tourné. *  Aïssata était assise au milieu de sa chambre. Comme d’habitude,en l’absence de ses enfants partis à l’école, elle préparait leur repas. Le reste du temps, elle le consacrait à ses longs cheveux soyeux qui pendaient sur ses épaules,
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