Pochades
37 pages
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Description


«Quand Charles descendit de l’avion, il tombait des cordes. Au contrôle des passeports, il était trempé. Lui qui avait prévu de passer l’hiver au soleil, se dit que cela commençait mal. Il récupéra son bagage, passa la douane et se présenta à l’enregistrement pour sa destination finale, le sud. Il eut la désagréable surprise d’apprendre que l’avion aurait une heure de retard. Il en profita pour faire du change. On lui donna des billets neufs; il ignorait qu’il n’en reverrait plus de sitôt.»


Né en 1940 aux portes de Paris, Alain Jeanpierre a quitté la France à douze ans pour la Suisse où il a passé la plus grande partie de son adolescence. Après un baccalauréat de philosophie, dix-huit mois de service militaire et deux ans aux Beaux-Arts de Paris, il a entamé une carrière d’architecte d’intérieur qui l’a mené en Italie, en Afrique et aux Antilles. Depuis 1989, il vit la tête en bas... dans l’hémisphère Sud. On l’a croisé, lui ou son double, comme personnage dans "Roman Vrac", de Jean-Claude Mouyon.

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Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782373630541
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Alain Jeanpierre
Pochades
Bibliothèque malgache
Cyclone sec
Chronique tropicale
À mes enfants. Quand Charles descendit de l’avion, il tombait des cordes. Au contrôle des passeports, il était trempé. Lui qui avait prévu de passer l’hiver au soleil, se dit que cela commençait mal. Il récupéra son bagage, passa la douane et se présenta à l’enregistrement pour sa destination finale, le sud . Il eut la désagréable surprise d’apprendre que l’avion aurait une heure de retard. Il en profita pour faire du change. On lui donna des billets neufs ; il ignorait qu’il n’en reverrait plus de sitôt. — Au moins il n’est pas parti en avance, lui dit so n voisin, quand il boucla sa ceinture, cela arrive et on perd une journée. — Cela laisse au moins le temps de visiter, répondi t Charles, voulant rester positif. — Ou de se faire dépouiller ! Assis près du hublot, il admirait le camaïeu vert d es rizières, pourtant des volutes de fumée de loin en loin, l’intriguaient. — Des feux de brousse, le défrichage local, une cat astrophe écologique, expliqua le voisin. Charles repéra tout de suite Antoine dans la foule qui attendait les voyageurs, il dépassait les autres de la tête et des épaules. — Alors, tu t’es enfin décidé à venir, tu as fait b on voyage ? — Bon mais long, ce n’est pas la porte d’à côté… — Allez, une bonne nuit de sommeil sous le ventilo et tu n’y penseras plus. — On ne sort pas après le dîner ? — Pas ce soir, Charles, fatigué comme tu l’es, un v erre et tu t’endors, on verra demain. Un bref coup d’avertisseur et le gardien vint ouvri r le portail, Antoine gara son vieux 4 × 4 sous un auvent attenant à la maison où Julie, la maîtresse de maison, les attendait, son éternel sourire de fille du sud aux lèvres. — Bienvenue Charles, dit-elle en lui claquant deux bises sonores sur les joues, comme si elle l’avait vu la veille. — Merci, bonsoir, répondit l’invité ravi de cette familiarité bon enfant. Antoine montra la chambre qu’il réservait à son ami et lui fit faire un rapide tour du propriétaire. La maison était modeste mais conforta ble. Deux chambres, une grande douche avec W.C. séparé, pour la partie nuit. La pa rtie jour consistait en un grand séjour avec cuisine ouverte. De larges terrasses co uvertes portaient ombre sur les deux façades. Les pignons étaient recouverts par du bignonia qui, outre de la fraîcheur, apportait aux murs, deux fois par an, de la couleur par ses magnifiques grappes de fleurs orange. Ils s’installèrent sur la terrasse dans des fauteui ls de bambou et devant des pastis. Charles en avait apporté deux bouteilles, du vrai d e Marseille. Antoine lui avait déconseillé de prendre du whisky, les douaniers en étant friands. Julie les rejoignit. — Le dîner est prêt, c’est quand vous voulez… annon ça Julie.
— Bois un verre avec nous, proposa Antoine. — Oui, mais un rhum pour moi. Le soleil couché, une légère brise de mer s’était l evée, la soirée était douce. Plus loin, des guitares électriques déchiraient la nuit. — Des funérailles, précisa Antoine, on en a pour trois jours, sinon plus ! Pour un premier dîner, Julie avait fait du classiqu e, sans chichi : concombre crevettes mayonnaise pour commencer et pour suivre, viande de porc au riz avec une purée verte que Charles pensa être des épinards ; c ’étaient des feuilles de manioc pilées agrémentées de lait de coco. Après un camemb ert arrivé avec Charles et accompagné d’un rouge chilien, ils terminèrent avec les premiers litchis qui apparaissaient sur les marchés. Ils finirent la journée sur un petit rhum-gingembre et Antoine décréta : — Au lit ! Ici on se couche avec les poules… encore qu’il arrive que ce soit au chant du coq. Le matin suivant, Charles trouva son ami sur la ter rasse devant un verre de jus de papaye, un grand bol de café fumant, un gros pain, une terrine de pâté et un bocal de cornichons. — Tu en es déjà au déjeuner ? s’étonna Charles. — Petit déjeuner seulement, prends-toi un bol et un e assiette, on ne peut pas partir le ventre vide. — Quel est le programme, Tony ? — Je vais te montrer un peu la ville, puis nous pas serons à la quincaillerie où je dois prendre des clous et pour finir apéro avec des copa ins. Ça te va ? — Impec ! Et ce soir ? — Ce soir je t’emmène dans un endroit où tu pourras chasser la gallinette cendrée… — Et toi, Antoine, n’oublie pas que j’ai déchiré to n permis de chasse ! dit Julie en posant des croissants tout chauds. — Il faut d’abord prendre du gas-oil, précisa Antoi ne, feignant de n’avoir rien entendu, et puis ce n’est pas le tout des choux, il faut y aller… — C’est cela, sauve-toi… délinquant ! conclut Julie en riant. Bien qu’il fût encore tôt, les rues grouillaient de monde, Charles écarquillait les yeux devant un tel spectacle. — Comment fais-tu pour rouler ? — Tu vois bien, Charles, au pas pour être sûr de ne toucher personne. — Et c’est comme cela tous les jours… — Tous les jours, mais regarde… Antoine expliqua que les trottoirs encombrés par de s étals de toutes sortes rejetaient les piétons sur la rue, loin du caniveau où sont ga rés des véhicules de tout genre : voitures, cyclo-pousses, et autres charrettes. — Tiens ! Tu vois, grogna le chauffeur qui venait d e piler net pour éviter de renverser une femme qui traversait sans regarder. Immanquablement, le cyclo-pousse qui suivait termin a sa course contre le pare-chocs du 4 × 4 dans le grincement de son unique fre in. Il n’y eut pas d’éclats de voix, que les éclats de rire des passants se moquant du c ycliste. — Tu as vu Charles, tout le monde force le passage, aucune attention, aucune courtoisie, chacun est seul au monde. Antoine se gara devant la quincaillerie, le quartie r était plus calme simplement parce
que les produits que l’on y trouvait étaient hors d e portée pécuniaire de la majorité de la population. Pendant que le vendeur préparait sa commande, il échangea quelques mots avec une vieille connaissance tandis que Charl es faisait le tour du magasin. — Y a que du chinois là-dedans, remarqua ce dernier en s’asseyant dans la voiture. — Pas seulement mais ce n’est pas cher, remarque, ç a ne vaut pas cher non plus. — J’ai vu aussi qu’il y a beaucoup de groupes électrogènes. — Comme tu dois rester un peu longtemps, tu verras pourquoi. — Comment ça Tony ? — Tu vois la station spatiale ? — Oui, les astronautes là-haut… — Voilà, j’ai un copain ici dont le fils a passé trois mois dans la station… — Je ne vois pas le rapport. — J’y arrive, le garçon a dit à son père que la nui t il savait toujours quand il passait au-dessus d’ici ; c’est le seul endroit qui clignote comme un arbre de Noël. — Je ne vois toujours pas… — À cause des coupures de courant, des délestages ! — À ce point-là ? Tu me charries ! — Pour l’astronaute oui, pour les coupures non ! Al lez, cap sur l’apéro, annonça-t-il en démarrant. — Ce n’est pas un peu tôt ? — Charles, l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt… le coude ! Quand ils arrivèrent devant l’estaminet, Charles re marqua l’enseigne, on y lisait :Le Fooket’S. Antoine, devenu président d’une association d’ent raide, avait pensé que l’endroit se devait de porter un nom digne d’un pré sident, il fit les présentations. C’est l’ONU, ou presque, se dit Charles. En effet, si la majorité était composée de retraités gaulois, l’Algérie, l’Angleterre, la Belgique et mê me le Cap-Vert entre autres avaient envoyé des délégués. La conversation abordait tous les sujets les plus futiles, le but de la conférence n’étant pas de refaire le monde, mais de boire des coups ! La séance plénière pouvait durer jusqu’au milieu de l’après-m idi, pourtant à une heure Antoine décida qu’il fallait aussi manger et faire une bonn e sieste car, ce soir, Charles devait prendre son premier cours d’ethnologie ; ils priren t congé. Sur le chemin de la maison, ils croisèrent un bulld ozer sur un porte-char. — Tu n’as quand même pas ramené du boulot ? demanda Antoine. — Sûrement pas ! Mais tu as vu, c’est exactement le même que le mien. — Il est où le tien ? — En vacances comme moi, Antoine, tu sais bien qu’e n cette saison on est plus souvent aux intempéries qu’au boulot. — En vacances où ? — Au fond du jardin, à sa place. — Et tu n’as pas peur qu’on te le pique ? — Henri, tu ne crois quand même pas que j’aurais pu le laisser en état de marche, et puis mon voisin jette un œil ; c’est mon outil de travail ce bull, mon bureau en somme. — Je suis rassuré ! Le déjeuner tira en longueur, la sieste aussi, si b ien que l’heure du dîner sonna alors qu’ils venaient à peine de s’installer sur la terra sse pour parler du bon vieux temps où ils s’étaient rencontrés sur un chantier. Antoine, conducteur des travaux, avait été intrigué par ce conducteur d’engins qui lisait le d ernier prix Goncourt pendant la pause,
tandis que ses collègues jouaient au baby-foot. — On va attendre un peu, décréta-t-il, c’est inutile d’aller en boîte avant dix heures. — Où allez-vous ? demanda Julie. — À la Cabane Bambou… — La pizzeria encore ? — On aurait pu y dîner si ça fait pizzeria, remarqu a Charles. — Non, ça fait pas, rectifia Antoine, c’est Julie q ui l’appelle comme cela. — ?? — Charles, c’est parce que, comme pour les pizzas, les...
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