Quand résonne le chant des racines
320 pages
Français

Quand résonne le chant des racines , livre ebook

320 pages
Français

Description

Parce que sa vie a été détournée comme on détourne une rivière de son lit originel, Christophe, avocat à Nice au summum de la réussite professionnelle, part à Tlemcen en Algérie à la recherche de son identité. Retrouver un sentiment d'appartenance ! Mais comment faire repousser un arbre déraciné ? Quand bien même l'épreuve sera ardue, éprouvante et sans doute très longue, Christophe est décidé à la gagner. A quand la sortie du tunnel ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2021
Nombre de lectures 4
EAN13 9789947630990
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ISBN : 978-9947-63-099-0
Dépôt légal : Septembre 2021La vieille dame, allongée dans son lit, le corps caché
sous une épaisse couverture, tient un chapelet enroulé
autour de ses doigts maigres et noueux, déformés par
l’arthrose. Son teint est pâle, son visage émacié. Son
buste se soulève au rythme d’une respiration sifante.
Le missel est posé sur ses genoux décharnés.
Les yeux qu’elle ouvre et ferme par intermittence, -
sans doute fatigués par la lecture - sont enfoncés dans
leurs orbites marqués par de profonds cernes. Leur bleu
a été délavé par les années et la maladie qui lui ronge
la chair, plaquant sa peau diaphane fétrie sur les os.
Le regard éteint, envahi par une morne tristesse, se
perd dans le vague ou s’agrippe aux tableaux et autres
portraits accrochés aux murs de la chambre quand il
ne se fxe pas sur la porte, comme attendant quelque
chose, quelqu’un.
Mais durant de longues heures, rien ne vient. Personne
ne franchit le seuil. Elle reste seule, et sait qu’elle ne peut
que patienter, tout en surveillant les aiguilles dorées de
l’imposant réveil posé sur un guéridon près de la fenêtre
aux volets entrebâillés. Une chiche lumière fltrée par
les persiennes se faufle délicatement à l’intérieur qu’elle
maintient dans une douce pénombre.
Seul le médecin de famille, le docteur Rigaud se
permet de les ouvrir largement, le temps de son passage.
Depuis quelques semaines, ses fréquentes visites se sont
espacées, sa patiente ayant refusé d’être hospitalisée.
7– À quoi bon ? Justife-t-elle. Si c’est juste pour y
mourir, je préfère autant mourir dans mon lit.
Elle accepte toutefois que le praticien lui fasse
régulièrement une injection de morphine pour atténuer
la douleur de plus en plus intense.
Même Christophe son unique fls chéri n’arrive pas à
la convaincre de laisser plus de luminosité entrer dans
la pièce. Et plus de soleil.
– Maman, ne te confne pas dans l’obscurité. Laisse
entrer le soleil et la clarté du jour. Cela te ferait le plus
grand bien, lui répète-t-il à l’envi. Regarde les oiseaux
voler de branche en branche. Tu peux même, avec l’aide
de papa, aller t’asseoir sur la véranda ou près de la fenêtre
pour oxygéner tes poumons. C’est le plein printemps.
– Laisse-moi, mon chéri, je suis mieux dans mon lit.
Et je suis si lasse, si tu savais… soupire-t-elle.
Ce « si tu savais » dit sur un ton étrange, lui a paru
saugrenu voire énigmatique dans le contexte de la
phrase, porteur de non-dits dont il ne saisit pas le sens
– Fais un petit efort, maman. Tu pourrais mieux
supporter ta maladie, et pourquoi pas, guérir
peutêtr e … !
– Ne te moque pas de moi, chéri. Tu sais tout comme
moi que c’est bientôt la fn. N’oublie pas que je t’aime.
Ne l’oublie jamais.
– Ne parle pas ainsi, maman. L’espoir est toujours
permis. Et je t’aime aussi. C’est pourquoi je veux que tu
guérisses. Tu dois lutter de ton côté, t’accrocher.
– Je ne me leurre pas. Un deuxième miracle est
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impensable, dit-elle à mi-voix, comme pour
ellemême.
Cette boutade presque spontanée n’échappe pas à
son fls qui la saisit au vol, l’air faussement détaché.
– Et le premier miracle, quel a-t-il été ? Je n’en ai
pas eu connaissance.
Il remarque alors que le visage de sa mère s’est fermé,
ses mâchoires se sont serrées, son regard s’est voilé.
– Je t’en parlerai un jour si le temps me le permet.
À ce moment, Claude fait irruption dans la chambre,
sorti comme un diable de sa boîte, interrompant le
têteà-tête d’une voix tonitruante :
– Alors, fston ! Comment ça va ? Tu oublies de
venir saluer ton père ? Je vais fnir par croire que je ne
compte pas beaucoup pour toi.
– Après maman, je serai allé te voir, tu le sais papa,
maman est malade, elle.
– Me reproches-tu d’être en bonne santé ? réplique
Claude plein de mauvaise foi.
– Ça y est papa, tu recommences avec tes idées
tordues ! Tu déformes mes propos.
– Les idées biscornues, c’est ta chère mère qui en
remplit sa tête. Et la tienne !
– Tu écoutais derrière la porte ! Tu nous espionnes !
L’accuse son épouse, l’air sévère et velléitaire.
– Pour quelle raison j’espionnerais ma femme et
mon fls ? Que vas-tu encore imaginer, ma pauvre ? Y
aurait-il des secrets d’état entre vous ?
– Déformation professionnelle chez toi, réplique
9Jacqueline grinçante en le regardant droit dans les
yeux. Son regard s’est animé, enfammé, puis détourné,
dédaigneux et froid.
– Bon, je dois rentrer maintenant, lance Christophe.
Je suis épuisé. J’ai eu beaucoup de travail.
Depuis que sa mère est au plus mal, le jeune homme se
rend chaque jour à son chevet avant de regagner son domicile.
Il prend les mains décharnées dans les siennes, les
serres puis dépose un baiser tendre et appuyé sur le
front maternel.
– Tes mains sont glacées, dit-il en les portants contre
sa poitrine, comme pour les réchaufer.
– C’est le froid de la mort qui s’infltre en moi, mon
chéri. Va, maintenant, soufe-t-elle les yeux pleins d’amour
et avec une faible caresse sur la joue du jeune homme.
– Bonsoir maman, et à demain.
Puis arrivé à la porte et sans se retourner ni attendre
une réponse :
– Bonsoir, papa.
Sitôt que ce dernier entend la voiture de son fls
démarrer et s’éloigner en faisant crisser les pneus sur
le gravier, il s’approche de Jacqueline, l’air méchant et
suspicieux, et la tance comme on le ferait avec un enfant
gafeur ou désobéissant :
– Qu’est-ce que tu veux encore lui dire à notre fls ?
Il n’a pas besoin de savoir ! lui reproche-t-il sèchement,
la moustache frémissante.
– Nous lui devons la vérité, Claude, il doit savoir,
réplique-t-elle avec fermeté.
10– Et alors ! Qu’est-ce que ça lui apportera, à
Christophe ?
Regarde comme il a réussi sa vie, avec une situation
enviable qui lui assure de bons revenus. Son avenir est
tout tracé. Il est heureux ainsi.
– Ça n’est pas tout dans la vie. Il y a des choses
essentielles dont on ne peut faire abstraction… pour
son propre équilibre.
– Tu deviens folle et une vieille radoteuse, Jacqueline !
Les mots sonnent comme des coups de fouet.
– Laisse-moi maintenant, je suis si lasse, prie-t-elle
en détournant la tête pour signifer la fn de ce
tête-àtête.
Et elle ajoute dans un murmure, pour elle-même :
– Il est temps que je parle enfn, avant qu’il ne soit
trop tard. Pour le repos de mon âme.
– Que dis-tu ? l’interroge Claude qui n’a capté que la
fn de la phrase. « ...le repos de mon âme », pourquoi ?
– Je dois me libérer du poids de ce lourd secret et
soulager ma conscience, quoi que tu en penses,
répondelle d’une voix redevenue tonique et tout en le défant
du regard.
– Tu n’es qu’une vieille mule aigrie. Tu vas tout
gâcher et provoquer le malheur de notre famille,
criet-il avec colère.
La barre de ses sourcils broussailleux s’est ramassée.
– Ne rugis pas sur moi, je suis fatiguée, te dis-je.
– La maladie te fait délirer. La nuit porte conseil.
Alors, je t’invite à réféchir aux conséquences,
11marmonne-t-il en tournant les talons, les poings
rageusement serrés.
Il regagne le salon, allume le téléviseur, en baisse le
son, et s’afale dans un large fauteuil en cuir fauve. Il
prend, dans un délicat cofret en bois sculpté et incrusté
de nacre, un cigare dont il tranche le bout d’un coup
sec, le plante entre ses lèvres, l’allume à l’aide de son
briquet Dupont en or massif, aspire plusieurs fois pour
le faire prendre.
Il bascule sa tête contre le dossier et, dans le silence
de la demeure, pensif, préoccupé, il savoure le goût du
tabac les yeux rivés sur les volutes de fumée qui montent
à l’assaut du plafond et emplissent le vide.
Une question lancinante le

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