Rabaskabarnak
99 pages
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Rabaskabarnak , livre ebook

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Description

Ève jaugea plus intensément l’individu devant elle, cherchant à percer son mystère. Quel âge pouvait-il avoir? Il ne semblait ni très vieux, ni très jeune. Il pouvait tout aussi bien avoir le même âge qu’elle. Ève chassa l’idée de son esprit aussi vite qu’elle y était entrée. Impossible : personne ne pouvait avoir son âge.

Trois siècles se sont écoulés depuis la fin de l’humanité, marquée par la lente agonie des derniers hommes, mystérieusement condamnés à la stérilité. Puis, Rose Latulippe a mis au monde une première, nouvelle, miraculeuse enfant : désormais au seuil de l’âge adulte, Ève Latulippe, brave et curieuse chasseresse, ignore à quel point ses idées atypiques vont bousculer ses compatriotes.

Un récit d’aventure turbotrash féministe qui dépoussière notre folklore et le revire cul par-dessus tête pour l’ancrer dans une réjouissante modernité littéraire.
Ève jaugea plus intensément l’individu devant elle, cherchant à percer son mystère. Quel âge pouvait-il avoir? Il ne semblait ni très vieux, ni très jeune. Il pouvait tout aussi bien avoir le même âge qu’elle. Ève chassa l’idée de son esprit aussi vite qu’elle y était entrée. Impossible : personne ne pouvait avoir son âge.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 août 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782764438152
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur chez Québec Amérique
Comment écrire Comment écrire un best-seller, coll. La Shop, 2017.
COLLECTIFS
Les Disparus d’Ély – Perdus , Hors collection, 2019.




Projet dirigé par Stéphane Dompierre, directeur littéraire

Conception graphique et mise en pages : Nathalie Caron
Révision linguistique : Isabelle Rolland
En couverture : Montage réalisé à partir des oeuvres de lynea / shutterstock.com, de George J / shutterstock.com et de Babich Alexander / shutterstock.com, typographie Messina Sans de Nouvelle Administration
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Ouvrage composé en Minion Pro, un caractère originalement créé par Robert Slimbach en 1990.

Rabaskabarnak a été achevé d’imprimer au Canada sur papier « Enviro 100 » en juillet 2019 sur les presses de l’imprimerie Gauvin à Gatineau, Québec, pour le compte des Éditions Québec Amérique.

Cette première impression a été tirée à 2000 exemplaires.

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre : Rabaskabarnak / Éric St-Pierre.
Noms : St-Pierre, Éric, auteur.
Collections : Shop (Québec Amérique)
Description : Mention de collection : La shop
Identifiants : Canadiana 20190021403 | ISBN 9782764438138
Classification : LCC PS8637.A45844 R33 2019 | CDD C843/.6—dc23

ISBN 978-2-7644-3814-5 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3815-2 (ePub)

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2019
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2019

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2019.
quebec-amerique.com




« Toute vie n’est qu’une ; “aucun homme n’est une île”, comme disait Shakespeare au temps jadis. »
Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? , Philip K. Dick


1.
Seule, on est bien mieux, songeait parfois Ève.
De larges traces de pas, dans la neige, s’étiraient à perte de vue derrière elle. Au loin, là où sa piste s’estompait, on distinguait tout juste le sommet d’une montagne. Agile malgré les nombreuses couches de vêtements qui l’emmitouflaient, elle progressait en de longues foulées égales, risquant, aurait-on pu croire, de trébucher dans les grandes raquettes qui supportaient son poids. Dans la clarté muette de l’après-midi, on pouvait entendre l’écho étouffé de la neige craquant sous ses bottes.
Elle s’accorda une courte pause et inspira longuement l’air vif à travers son foulard, les moufles appuyées sur les hanches. Elle leva la tête vers le ciel – désert –, puis scruta les alentours. Quelques serpents de poudreuse sinuaient autour d’elle pour aller se déposer dans les congères avoisinantes. Elle imagina, impassible, ses traces peu à peu avalées dans la grande blancheur. Depuis des années, elle avait pris la mesure de la région. Elle y était née, y avait grandi, tant et si bien qu’elle était persuadée de pouvoir s’y retrouver de jour comme de nuit, indépendamment des conditions météo ou des pistes qui disparaissaient après son passage.
Elle dévia brusquement de la ligne droite qu’elle s’était imposée jusqu’alors et s’empressa en direction d’un sous-bois à quelques mètres de là. Arrivée à hauteur d’un petit buisson, elle se pencha précautionneusement à un endroit où le branchage s’était scindé pour former une minuscule arche naturelle. Un œil exercé pouvait déduire que les éléments n’avaient rien à voir avec cette aspérité creusée dans l’arbuste : on y avait délibérément ouvert un passage qui se voulait invitant pour de petits animaux.
Comme de fait, Ève se redressa triomphalement la seconde d’après, brandissant par les oreilles sa première prise de la journée : un lièvre blanc – inerte –, une proie difficile à chasser dans ces conditions, mais facile à piéger. Satisfaite, elle fourra l’animal dans une besace qu’elle portait en bandoulière. Elle repositionna le collet et reprit son chemin, la démarche un peu plus guillerette.
Elle profitait de sa récolte de gibier pour s’éloigner un peu de la cacophonie du village. Elle ne se sentait jamais aussi sûre d’elle-même que lorsque se taisaient enfin, dans le lointain, les sévères injonctions des matriarches ; les appels criards des enfants qui jouaient ; le brouhaha du marché ; les contes absurdes et les rires autour des feux pérennes… pour tout cela, bien entendu, elle éprouvait une forme de gratitude et de révérence. N’empêche qu’elle avait grandi dans un univers encombré de règles, de rituels, de recettes et de codes, et jamais elle ne s’était sentie en droit d’interroger les motifs derrière le voile d’acier que dressaient ces dogmes entre sa communauté et le reste du monde.
Dès qu’elle avait été en âge de marcher et de parler, on l’avait formée malgré elle à l’art de la survie en forêt. De longues et douloureuses séances d’entraînement au combat au corps-à-corps lui avaient été infligées, avant qu’on ne lui inculque, pour couronner le tout, des techniques avancées de maniement d’armes de toutes sortes. Or, malgré ses compétences désormais éprouvées en ces matières, on lui défendait strictement de s’aventurer à une distance du village qu’elle aurait été incapable de parcourir en sens inverse la journée même. Pourquoi l’astreindre toujours à toutes ces obligations ? Certes, lors des cérémonies hebdomadaires auxquelles on la conviait, elle devinait obscurément le statut spécial dont elle jouissait : celui d’aînée de sa génération, avant toute autre chose. Les enfants posaient sur elle le même regard intrigué qu’elle devait réserver à ses propres légendes. Pourtant, elle ressentait moins vivement l’angoisse de ses aïeules quant aux dangers qui – prétendument – la guettaient en permanence. Sa vie était restée lisse, exempte d’incident, heureuse, même, au contraire des prophéties pessimistes qu’on lui avait sentencieusement déclamées. Quels arguments feraient un jour le poids contre des interdits dressés par des ancêtres depuis longtemps disparus ?
Et puis, pourquoi sa mère et Gaston n’avaient-ils jamais pu trouver le bonheur ensemble ?
Un sentiment doux-amer la prit à la gorge alors qu’elle se penchait sur un second collet. Ève interrompit son geste et porta la main à l’intérieur de son manteau, comme mue par une impulsion qui échappait à son contrôle. Elle en retira deux petits cordons aux embouts caoutchoutés, qu’elle planta au creux de ses oreilles. Sa main glissa le long des deux cordons et s’en alla jouer quelque part dans les replis de sa veste. Soudain, son visage s’illumina. Dans la solitude des vastes espaces, Ève sentait véritablement qu’elle était capable d’exercer des choix éclairés : personne ne lui disait plus quoi faire. Elle redevenait l’unique maîtresse de son destin. D’une manière peut-être un peu différente, cependant, une autre chose, bien plus que la solitude, éveillait chez elle l’intuition de la liberté.
Le rock and roll.
Un imperceptible élan, une infime secousse investit peu à peu chacun des mouvements de la jeune femme. Alors que les notes, bien étouffées sous son couvre-chef, envahissaient son esprit, lui battant les tympans des harmonies de mille cordes et percussions, l’impression la gagnait qu’elle aurait aimé appartenir au clan qui produisait cette musique. L’esprit du King descendait sur elle et, plutôt que de la posséder, plutôt que de lui dire qu’elle devait lui obéir, il lui susurrait délicatement à l’oreille, de sa voix gutturale et suave, de ne pas s’en faire. Que tout irait bien, que les gens savaient encore s’amuser et que, avec le temps, Ève saurait leur communiquer la joie de vivre qui bouillonnait en elle, quelque part, au creux d’une petite mare qui se dérobait pour l’instant à l’œil même le plus averti.
« You égne noffa-bonna hang, bong ! Cray, ah-noh-tah ! Wèèhèèeh, you ènneh codo-rabbah, ed you ég-no-fré-GO-MAH ! »
Elle sautillait désormais en déplaçant son poids d’un pied sur l’autre, insouciante, lançant les poings dans toutes les directions au rythme d’une musique que personne d’autre n’entendait.
+++
Ses sœurs lui en avaient longtemps voulu de s’être ainsi attaquée à l’une de leurs légendes. D’avoir, en substance, jeté en bas de son piédestal une idole qu’elles chérissaient – symbole mythique d’harmonie, non seulement antérieur au schisme mais qu’on supposait même avoir vécu à l’époque des Anciens. Gaston, pourtant, Gaston-les-yeux-tristes, l’avait passionnément encouragée dans ses démarches. Depuis qu’elle était capable de serrer les doigts, elle n’avait cessé de refermer ses menottes sur des objets où figuraient des images du King : des feuillets de papier glacé et jauni où l’on pouvait voir, par exemple, le King embrassant une femme blanche et menue, la langue sortie avec l’air de s’en moquer ; le King vous enveloppant de son regard sentimental ; ou encore une statuette à son effigie, le dépeignant sur la pointe des pieds, les genoux arqués… Elle avait immédiatement été happée par le bien-être irradiant de ces antiquités. N’attribuait-on pas, d’ailleurs, des vertus curatrices aux objets qu’on croyait lui avoir appartenu ? Son intérêt n’échappait jamais à l’attention de son parrain, grand collectionneur d’artefacts, chaque fois qu’elle le visitait : elle se vautrait, presque, dans les amas de vieille ferraille dont plus personne ne voyait l’utilité, dans l’unique espoir d’en ressortir avec une nouvelle rareté.
Après quelques années, il avait fini

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