44
pages
Français
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2016
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Ebook
2016
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Publié par
Date de parution
13 juillet 2016
Nombre de lectures
5
EAN13
9782342053593
Langue
Français
« Il était, à force d'abnégation et de tristesse silencieuse, devenu malgré lui cette âme meurtrie, mais debout, vivante et déterminée, fière de sa solitude, qui n'attend rien, ni personne, libre, sauvage et à jamais inconsolée. » Dix nouvelles comme autant de sémaphores, de lumières dans la nuit, de refuges dans la tourmente... Elles invitent à lutter contre la terreur, l'obscurantisme et l'ignorance. Alors plus que jamais... « Faisons envie Jusqu'au dégoût Pas de pitié Pas de quartier Faisons envie Afin que rien ne meure. » (Alain Bashung)
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Date de parution
13 juillet 2016
Nombre de lectures
5
EAN13
9782342053593
Langue
Français
Rester envie
Alain Plaisant
Mon Petit Editeur
Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Mon Petit Editeur
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Rester envie
À mes enfants… à mon amour… à mes amis…
La nuit où Hank est parti
Pour Olivier, Philippe et Catherine.
« Quelle plus grande immortalité que de se faire son paradis en enfer ».
C’est un vieil homme qui écrit à rideaux fermés, en T-shirt et boxer-short, tous stores baissés.
Il tape sur le clavier de sa machine avec force et rage, comme un poids moyen qui livre un combat pipé mais refuse de se coucher, et les mots s’inscrivent dans la chair et la pulpe du papier, avec un claquement sec, semblable à celui d’une main gourmande et avide cinglant une fesse nue.
Il parle de choses simples et pathétiques, d’un pneu à plat qui chuinte comme un asthmatique, du voisin ivre qui cogne sur sa femme en beuglant des horreurs, derrière la tapisserie, des arrêts de bus déglingués et des carrés de pelouse pisseux, de la taulière avec ses bas à varice et ses gros bras blancs, qui réclame son loyer comme une vengeance sur sa vie, des voitures désossées qui pourrissent sous les palmiers vérolés, tels les survivants d’une race éteinte, exténuée. De choses simples et vraies.
Dans une heure ou deux, peut-être avant, selon ce que son corps réclame, il descendra jusqu’au coin de la rue, chez le coréen, chiner un autre pack de Bud et deux bouteilles de Moscatel.
« Hé, mets ça sur ma note Daddy San ! »
La nuit est encore jeune, pas encore ivre. La radio diffuse en sourdine du jazz ou du classique : Ellington, Coltrane ou Borodine, pas de ces merdes à la mode pour jeunes étudiants pleins aux as.
Lorsqu’il sent son bras s’engourdir, il se lève et esquisse un vague pas de danse, puis s’assoit sur son lit défait et raconte des conneries romantiques à la poupée qu’il a trouvée en bas, dans une poubelle. Elle avait les yeux de Liz Taylor et ne posait pas de questions, n’exigeait pas de réponses. Elle serait toujours là… Elle lui a tout de suite plu. Il murmure dans un sourire : « Hé, mignonne, pourquoi se fendre d’un roman, quand tu peux cracher la même chose en dix lignes… ». Puis il retourne s’installer, son gros corps est tout couturé d’écriture, sa gueule mal rasée lui donne un air d’ours mal léché, mais quand il pose ses pattes sur le clavier de la machine, c’est un papillon léger, drôle et poignant qui guide son geste. « Faut que je joue encore les Lazare, et je ne suis pas fichu de seulement lacer mes souliers ». « Ah que les autres s’y collent, laissez-les gagner, laissez-moi dormir ».
Dans un cadre sur la table de chevet branlante, une photo de lui et de Linda, sa dernière femme, elle s’abandonne sans retenue contre sa poitrine de géant, pieds nus sur le trottoir, au milieu des hibiscus. Ses yeux à lui, sont plissés de bonheur, vieux lion qui accepte le temps d’une pose de rentrer ses griffes et de faire comme si…
C’était à l’époque où il était postier, Dostoïevski pendant les pauses sous le regard méprisant des joueurs de cartes et de canassons, cassé en deux au casier de tri, au milieu de petits chefs incultes pour qui votre existence est déjà une injure, avec la surveillante naine qui surveillait la sortie en fumant sa clope, puis retour à la turne surchauffée, enfer domestique, avec le vieux ventilo qui brassait ce qu’il pouvait d’air vicié, et Frances qui tournait dans la pièce avec son gros ventre et son air satisfait.
Impossible de torcher la moindre ligne.
Fausse couche, divorce éclair, et lui qui bat de l’aile dans l’écriture comme un moineau qui cherche son envol et se fracasse sur le pavé du réel.
Puis Linda qui déboule et qui accepte TOUT, la bouteille et les slips merdeux ; Linda et son souffle sans sa bouche, ...