Si loin de ma vie
144 pages
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Si loin de ma vie , livre ebook

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Description

Mon oncle, le chef m'a un jour raconté une histoire incroyable. Lorsqu'on couche un poulet, qu'on lui pose un couteau sur le cou en lui disant par exemple : " Tu ne bouges pas, je vais au marché et au retour, je t'égorge ", le poulet ne bougera pas jusqu'au retour du marché et à sa mise à mort. Essayez, vous verrez. Moi, je ne suis pas un poulet. J'ai refusé de rester couché où le hasard m'a fait naître. Né à Ouabany, en Afrique, Jean-Philippe est décidé à braver le destin pour tracer sa propre route. Tôt, il quitte l'école et choisit d'émigrer en Europe. Volé une première fois dans son pays, puis livré aux passeurs, il échoue, s'obstine, échoue encore. C'est en rentrant chez lui, blessé, presque découragé, qu'il fera la rencontre de l'homme qui bouleversera sa vie, au-delà de toutes les règles. Si loin de ma vie est le magnifique roman par lequel Monique Ilboudo revient à la fiction après Le Mal de peau (Grand prix de l'Imprimerie nationale) et Murekatete.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 mars 2018
Nombre de lectures 368
EAN13 9791035610517
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Si loin de ma vie
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Du même auteur :
Le Mal de peau, roman, , Le Serpent à Plumes Murekatete, roman, , Le Figuier Nyamirambo, poésie, , Le Figuier Droit de cité : être une femme au Burkina Faso, 6, Éditions du Remue-ménage
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Monique Ilboudo
Si loin de ma vie
roman
Le Serpent à Plumes
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© , La Martinière et compagnies, Sous la marque Le Serpent à Plumes pour la présente édition.
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ISBN 99--356-5-
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Quand je m’éveillai, de timides rayons s’infiltraient dans la chambre. À peine avais-je ouvert les yeux que mon esprit s’évada. J’ai toujours eu l’esprit vagabond. Ce matin-là, il s’en alla loin, plus loin que d’habitude. Il remonta le temps sans mon consentement, bondissant comme un cabri libéré de sa longe. Plutôt que de lutter contre ce voyage imposé, je me laissai entraîner. Sans raison, mes pensées s’immobilisèrent sur cette période de ma vie où l’obsession de l’émigration avait pris possession de ma vie, de mes rêves, de mes désirs, de ma vision de l’avenir. Partir. Vers n’importe quel ailleurs. Partir loin de cette vie. Partir, pour réaliser mes rêves. C’était mon seul vœu, me don-ner une seconde chance. Tout le monde y a droit. Qu’avais-je donc fait de mal ? Chercher à vivre mieux, c’est notre quête commune. J’ai cherché à vivre mieux, où vivre mieux. Juste un petit coin dans ce vaste monde où m’épanouir, moi aussi. Pour m’en dissuader, mon oncle me parla de racines. Un argument que je trouvai aberrant. Même les plantes sont assez intelligentes pour contourner les pierres sous le sol et
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trouver les meilleurs terreaux pour leurs racines. Mes racines pousseront où je trouverai mon bien-être. J’avais ce rêve. Rien de plus. Ilsl’ont brisé. Je l’ai colmaté, avec les me moyens du bord. Rien n’est pire que la résignation. Au départ, tout semblait pourtant bien parti pour une vie tranquille où je suis né. Mes parents n’avaient même pas eu à passer de nuit blanche pour m’inscrire à l’école. Aller à l’écoledu Blancsemblait désormais une évidence pour tous, de choix, il n’y en avait plus. Tout comme des phalènes, attirés par les néons de la ville naissante, nombre de nos parents avaient déserté les champs. Hors des champs, la quête de nouvelles connaissances s’imposait. Nous avions donc défini-tivement mis le cap sur la science qui donne les clés des beaux bureaux de Tangzugu, la colline du pouvoir. Tous les parents rêvaient pour leurs fils, pas encore pour leurs filles, cela viendra plus tard, de maroquins de ministres et de postes d’ambassadeurs. Tous se bousculaient au portillon. Seule-ment, il y avait si peu d’écoles à la ronde qu’il fallait se lever de bonne heure pour obtenir une inscription. Plutôt que de passer une demi-nuit chez eux, les parents se mettaient en file dès la veille des inscriptions et passaient la nuit à la belle étoile dans la cour de l’école. Un lointain cousin chargé de la garde du petit prince avait donc dormi devant ma future salle de classe pour m’assurer une inscription en bonne et due forme. Notre maison était située à un kilomètre envi-ron de l’école. Le cousin Nongma s’était retrouvé parmi les premiers de l’interminable file. Vous voyez, je n’avais pas les pires cartes en main, au départ. Je l’avoue, j’ai trébuché. Pas au primaire où je réussis à me fondre dans la moyenne.
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Vous savez, ces élèves ni brillants, ni franchement cancres. Ceux qu’on oublie au milieu de la classe et qui passent à travers les mailles du filet. Je décrochai sans trop de gloire le certificat d’études primaires mais pas le sésame qui m’eût ouvert les portes d’un collège public où j’eusse poursuivi mon parcours sans frais. J’ai raté « l’entrée en sixième », le concours le plus inique au monde, expliquai-je à mes parents déçus. Ces derniers décidèrent néanmoins de m’inscrire dans un des premiers collèges privés qui venait d’ouvrir ses portes. L’État avait, depuis peu, autorisé les entrepreneurs à investir dans l’enseignement. Les établissements poussaient comme des champignons. Pour éduquer ou pour faire du bénéfice ? Là était la question. Tranchée, comme bien souvent, selon les individus et leur foi en l’humain ou dans le capital. Mes parents n’étaient pas, tant s’en faut, bien riches. Ils m’inscrivirent dans un lycée bon marché, le Lycée Privé de la Liberté. Le promoteur du LPL, inculte, ne voyait là qu’une filière de plus pour diversifier ses investissements. Le premier copain que je me fis au LPL fut Manuel, paix à son âme. Le pauvre Manuel nous a quittés il y a plus de vingt ans main-tenant. Comme beaucoup de jeunes, il pensait que la mort était une affaire de vieux. Lui n’avait que dix-sept ans alors. Pourquoi lui ravirait-elle son sourire éclatant, sa belle carrure et la promesse de longues années pour jouir de tous ces atouts ? La date fatidique fut le quinze septembre. Nous profitions des derniers jours de vacances avant la rentrée scolaire. Manuel avait emprunté la mobylette toute neuve de son cousin et était passé me voir. Il voulait que je l’accompagne à Bonheur-ville, un nouveau quartier en périphérie de la ville. À son ton
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égrillard quand il m’annonça avoir une histoire urgente à y régler, j’avais compris qu’il s’agissait d’une affaire de fille. Manuel était déjà un redoutable prédateur de la gent féminine et moi j’écorniflais à ses côtés. La perspective d’une nouvelle rencontre surtout juchés sur la bécane dernier cri du cousin m’enchantait et j’acceptai la proposition. Au dernier moment pourtant, j’eus comme un mauvais pressentiment et refusai de monter derrière Manuel pour l’expédition prévue. Je tentai même de le dissuader de l’entreprendre. Il ne m’écouta pas et partit dans un vrombissement assourdissant. Je ne revis que son corps aplati par le camion, étendu sur un brancard à la morgue où j’étais accouru dès l’annonce de la terrible nouvelle. C’est ce jour-là que ma vie me tourna le dos. Ou fut-ce une séparation à l’amiable ? Devant le corps mécon-naissable de mon ami, je compris à quel point la vie était volatile. Je décidai d’en cueillir ce qui pouvait l’être tout de suite. L’école, le bureau climatisé et tout le reste, c’était trop long et trop compliqué. Je me mis à traîner avec de mauvais garçons et dérivai peu à peu. À mes premières fugues, mon père remua ciel et terre et me ramena manu militari à la maison. Mais il s’épuisa bien vite. Je demeurai dans la rue trois ans. Seuls l’amour et la patience de ma mère empêchèrent ma perte totale. Un jour qu’elle repassait pour la centième fois au moins dans cette cour à l’abandon que nous squattions, elle me surprit encore endormi, assommé par mes excès de la veille. Ni larmes, ni remontrances. D’un simple regard, elle vainquit trois années d’inutile rébellion. Elle me prit par la main et me ramena au nid familial. L’associationBassawarga, littéralement
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