Un beau soleil, un jour d enterrement…
102 pages
Français

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Un beau soleil, un jour d'enterrement… , livre ebook

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Description

Le désamour constitue la pointe acérée de ce roman : nécessité pour certains des protagonistes de se défaire de ce terrible fardeau familial. Cette lutte est bien sûr, pour la plupart, inconsciente et devient, à l’âge adulte, un véritable handicap social.
Mais il existe un antidote au poison « désamour », c’est tout simplement l’Amour.
Un long et difficile combat.
Qui va gagner ?

Informations

Publié par
Date de parution 05 juillet 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312059471
Langue Français

Extrait

Un beau soleil, un jour d’enterrement…
Alex Pascoët
Un beau soleil, un jour d’enterrement…
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2018
ISBN : 978-2-312-05947-1
L’enterrement de Clara
Un beau soleil, un jour d’enterrement, c’est insolent. Ils étaient peu nombreux, ce mois d’aout, à contempler le cercueil acajou qui descendait en terre. Les personnes qui avaient fait l’effort de se déplacer étaient silencieuses, non par respect pour la défunte, mais par crainte de se faire remarquer. Odilon observait à la dérobée la petite assistance encore figée mais pressée d’être libérée de cette corvée.
Sa fille élégante et stoïque mâchait un chewing-gum, ce qui lui donnait un air étrangement absent et décalé. Elle n’avait jamais lié de liens affectifs avec Clara , sa mère, qui venait de les quitter, après deux ans de souffrances, de rémissions en rechutes. Ressentait -elle du chagrin à ce moment-là ou était-ce un curieux sentiment qui dominait, le soulagement, celui de ne plus avoir à exprimer une compassion factice ? Il lui prit la main et elle lui jeta un regard attendri.
Le « flip flip » d’une grive musicienne se fit entendre, insistant, tout près d’eux. Julienne esquissa un léger sourire, se rappelant en même temps que son père la passion curieuse de Clara pour le chant des oiseaux. Elle les avait assommés quelquefois avec son application warbir sur son Smartphone. Les derniers temps, dans ses rares moments d’apaisement, elle leur faisait répéter les gazouillis comme pour une leçon, afin d’emporter sans doute avec eux la mémoire de son ultime penchant. Et là, juste à l’instant où les premiers coups de pelle allaient tomber – signe malicieux de Clara ? – une énorme fiente atterrit sur le cercueil. Sourires réprimés de l’assistance.
En fait, Odilon se rendait compte que, hormis sa présence physique, il n’était pas là. Dans une autre dimension. Encore lié par l’esprit à celle qui l’avait accompagné, soutenu, éclairé, pendant près de vingt ans.
Tourmenté par une sombre impuissance, celle de l’avoir laissée partir. Y a-t-il dans ces circonstances une attitude appropriée, la plus juste qui soit en société ? Au détour d’un regard ou d’une mimique, il lui sembla saisir des choses, décrypter des perceptions. Le chagrin ne se partage avec personne. Mettre les mots habituels dessus, ceux que le monde attend, n’avait pas de sens.
Il se remémora soudain que, dans sa détresse, il avait cru voir quelque chose s’envoler, sortir du corps de sa femme, au moment de son dernier soupir dans ses bras. Et il lui avait demandé de l’attendre. On se raccroche au mystère.
Et cette épouse qu’il avait tellement aimée, qui l’avait porté à bout de bras dans ses moments de doute, en même temps attentive, mesurée, cette complice l’avait abandonné. Plus que de l’amour, plus que du respect, il y avait autre chose, comme de l’admiration. Il en prenait conscience et il lui arrivait de se dire que dans cette admiration, pointait une sorte de soumission et peut-être un peu de jalousie. Mais elle faisait semblant de ne rien voir et elle le rassurait par ses mots, toujours appropriés. Il ne fut pas combattif avec elle et il n’eut pas à l’être. La plupart du temps, il se laissait porter par un lâche détachement.
À ce moment, les yeux rivés sur ce cercueil qui commençait à être couvert par la terre, il fut saisi, malgré la température caniculaire, par un frisson provoquant un léger tremblement. Il imaginait déjà la chambre vide, devenue soudain glaciale.
Il était temps de partir. Julienne lui prit le bras et l’entraîna vers la voiture. Clara avait tenu à être enterrée. Elle avait beaucoup insisté ces derniers jours, sentant ses dernières forces la lâcher. Elle disait qu’elle respectait une tradition familiale. Odilon lui faisant remarquer que les générations précédentes n’avaient pas eu d’autre choix, elle avait fini par concéder avoir peur du feu.
Mutine et tendre. Peur du feu, il n’eut pas le cœur de se moquer dans ces circonstances. Elle, forte et raisonnable, n’hésitait pas à avancer cet argument enfantin pour le convaincre. En pensant à cela, il ne put réprimer un sourire dans la voiture. Julienne d’un coup de tête l’interrogea. Il ne jugea pas utile de lui répondre.
Julienne mâchait toujours son chewing-gum. Le trajet lui parut long. Heureusement il avait résisté à la belle famille qui souhaitait réunir quelques personnes après l’enterrement. Imbécile nouvelle pratique ou alors très ancienne revenue à la mode – il ne savait pas-. Rien que d’imaginer tous ces individus, en train de se taper la cloche, un verre à la main, il en eut un rictus.
Quand ils arrivèrent à la villa, pas encore totalement payée, ils s’affalèrent tous deux sur le canapé du salon, elle avec désinvolture, lui vidé de son dernier gramme d’énergie. Il était midi et Julienne se releva d’un bond :
– J’ai faim, je te prépare un sandwich ?
Chapitre 1 : Odilon
Je m’appelle Odilon Rambert. Je sais, curieux prénom. Une lubie de ma mère, pile dans ses excentricités habituelles de l’époque. Il faut dire qu’il n’y a pas eu beaucoup d’amélioration avec l’âge. Elle avait trente-quatre ans, la dernière chance, clamait-elle. Pour qui, me suis-je interrogé plus tard ?
Odilon ? En fait, ma mère voulait absolument une fille. Mon père Claude m’apprit, des années plus tard, qu’au moment de la découverte de mon pénis à l’échographie, elle s’exclama avec une grimace, devant l’œil réprobateur de la gynéco : « Merde, c’est un mec ! ». On ne pouvait commencer mieux dans la vie. Donc, Odilon… Odile, on comprend et de plus, superbe pied de nez du destin, né un 4 janvier, le jour de la Saint Odilon. Le calendrier des bizarreries tombait à pic.
Un bébé Capricorne, triste, taciturne et distant, comme s’il avait tout capté dans son placenta. On dit maintenant que les bébés entendent dans la vie intra-utérine. Et si j’ai perdu cette mémoire, ma délicieuse mère fit tout pour rester fidèle à son rejet d’origine. Bien sûr, on voit cela tout le temps mais on ne peut s’empêcher de se demander, toute son existence, qu’est-ce qu’on a pu leur faire à ces sortes de personnes ? Toute l’affection, ou tout au moins ce qu’il en restait, était pour mon frère aîné.
Claude le paternel, ingénieur dans une grosse boite, permettait à sa femme, l’encourageait même, à rester au foyer. Et les problèmes domestiques, d’éducation ou de relation mère-fils ne l’intéressaient guère.
Lui, était souvent parti dans le monde entier et il me manquait. J’aurais bien aimé expulser en un seul coup ce bouchon qui m’oppressait, raconter mes peines, sentir enfin le souffle de ce qui pouvait ressembler à de l’amour. Amour, mot dont j’ignorais le sens à l’époque. Il me fallut longtemps pour le faire résonner en moi. Et puis, comment verbaliser cette souffrance à un homme pressé ? Comment faire passer ce message en douceur pour ne pas créer de problème dans le couple, ce que je refusais.
Donc , je me réfugiais dans la lecture, ce que ma mère m’accordait sans peine car je m’enfermais dans ma chambre et je rêvais. Semble -t-il, moins elle me voyait, mieux elle se portait. Je m’étais très tôt construit une sorte de programme que je faisais l’effort de respecter, malgré l’école. Comme j’avais plutôt des facilités scolaires, je bricolais avec les autres matières et mes lectures. J’adorais, entre deux cours ou pendant les congés dans l’attirante bibliothèque municipale, me glisser, fantomatique entre les allées. L’odeur du papier reste un de mes meilleurs souvenirs. Dès qu’il m’arrive de penser à cet endroit mes papilles frémissent. Instants fugitifs de douce béatitude, ce qui m’a appris plus tard à apprécier les petites choses de la vie. Comme l’a bien contracté un de mes amis : « une insignifiance voluptueuse ». Ces vieux livres, à la couverture souvent poussiéreuse, me racontaient une histoire, la leur.
Dans ma vie intérieure, ma mère je l’appelais Folcoche ou la Thénardier. Bien des années après, je me suis demandé si je n’avais pas romancé cette période, perdu dans mes lectures et mon imagination d’enfant. Mon père, plus disponible un jour, me confirma que ce n’était pas

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