Un bouquet de bruyère
106 pages
Français

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Un bouquet de bruyère , livre ebook

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106 pages
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Description

Un soir d'été dans les Cévennes ardéchoises, sauvages et tranquilles, deux randonneurs ne finiront pas leur nuit sur la plage d'une rivière sous le vieux Pont de la Brousse. Le meurtre et le viol l'abrègeront trop vite. Mais il y a un témoin. Qui ne parlera pas, mais avouera à un confident les raisons intimes de son silence. Ce sera son tour de porter le secret, d'en subir les tourments, pris dans les nasses de son indécision. Un roman sur le silence, la justice où se croisent les vérités humaines de personnages simples à la part d'humanité complexe.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 mai 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782336726342
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre

Alain Parodi






Un bouquet de bruyère
Copyright










© L’H ARMATTAN , 2015
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

EAN Epub : 978-2-336-72634-2
Dédicace


À ma famille
Exergue

« Le monde n’est pas mauvais parce que des hommes font le mal, mais parce que d’autres regardent et laissent faire. »
Albert EINSTEIN
CHAPITRE I
Jérémie et Pascaline voulaient un bel été. Les deux jeunes étudiants s’étaient rencontrés dans un hiver venteux de Montpellier. Autour d’un café pour lui, d’un thé pour elle ; le thé c’est souvent pour les filles. L’étudiante en lettres aimait la science de l’étudiant en biologie, mais préférait le futur biologiste lui-même.
Il lui avait communiqué en quelques mois son amour des fleurs et des coléoptères et dévoilé des secrets de la vie qu’elle soupçonnait à peine.
Leur printemps avait parcouru les hautes plaines du Larzac et les châtaigneraies de l’Aveyron. Leur été avait commencé, pour elle, dans les vapeurs écœurantes d’une friterie et, pour lui, dans l’odeur âcre des encres d’imprimerie. Il fallait bien, comme les fourmis, sacrifier une part de liberté estivale pour que l’hiver étudiant soit moins de disette. Ils avaient gardé quand même une semaine de fin août pour profiter un peu. Elle avait envoyé bouler le chefaillon de son snack « saucisses frites ». Il avait quitté presque avec regret la camaraderie virile des ouvriers du Livre.
Ils iraient traîner leurs godasses dans l’Ardèche cévenole, âpre et mystérieuse.
Ils avaient laissé leur vieille 4L à l’ombre d’un chêne, en contrebas du cimetière. Saint-André-Lachamp est un village du bout du monde, inondé de forêts. Une île dans un océan de bois.
Ils étaient remontés par Alès jusqu’à Joyeuse. Ils s’étaient souri, tout au long de l’étroite route qui les avait menés dans ce village, réduit à une bâtisse servant de mairie, un vieux cimetière, une église autour de laquelle s’agglutinaient quelques maisons de pierre. Il n’y avait pas urbanisme plus simple.
La descente à pied vers la vallée de la Drobie avait été éprouvante. Ces forêts de bois de coupe n’avaient pas satisfait en biodiversité le biologiste. Ils avaient hâte de se retrouver sur les berges de la rivière où ils trouveraient fraîcheur et réconfort et, certainement, une plage où le sable serait plus accueillant pour leur sommeil que toutes ces pentes raides et rocailleuses. Ils avaient repéré au bas du vieux Pont de la Brousse l’endroit idéal, à l’abri d’improbables regards.
L’eau qui coule les bercerait. La nuit était claire. Ils eurent tôt fait d’avaler un repas frugal de fruits secs, de pain, de fromage et une salade de riz.
Jérémie avait plongé nu dans la rivière pour se débarrasser de la sueur et de la poussière qui lui collaient à la peau. Pascaline avait eu encore comme une pudeur. Il lui avait fallu un gant pour servir d’intermédiaire entre l’eau trop fraîche et sa peau de velours, chaude d’une journée de marche et de soleil.
La fatigue avait eu rapidement raison d’eux. À peine eurent-ils le temps de voir peu à peu le ciel s’éclairer d’étoiles et deviner la nage des castors au fil de l’eau. Un simple et long baiser avait suffi à calmer leurs sens élimés par l’effort.
Il a, dans la nuit, ouvert les yeux. Deux immenses chaussures dominent sa tête. Il aurait pu avoir un sursaut si une grosse pierre n’était pas venue érafler sa tempe et lui arracher l’oreille. Il n’y avait rien à comprendre. Ni à expliquer. Seul l’instinct parle à certains instants. L’instinct de Jérémie le porte à mordre le mollet le plus proche, comme un chien qu’on a rendu fou à force de le battre. Une seconde pierre, à la trajectoire mieux ajustée, fait craquer son crâne comme ces noix de coco qu’on tape au sol pour les fendre. Il s’accroche à une jambe comme à la vie. Enfin, ce qu’il en restait ! Pascaline est étouffée. Elle subit les tortures que seuls les vilains hommes infligent aux jolies filles qu’ils ne peuvent posséder autrement. Larmes inutiles. Sanglots empêchés. Vains. Désespérés. Terreur. Douleur. Malheur.
La barbarie prit fin au même moment que la vie. L’exécution s’était faite sans cri, sans bruit, dérangeant à peine le silence d’une nuit de pleine lune.
Le petit matin, comme à son habitude, arrive dans sa naïveté. Il est souvent indifférent aux vicissitudes humaines. Il peut éclairer de ses premières lueurs des scènes de massacres. Et coucher ses ombres douces sur des montagnes de cadavres.
Il en fût ainsi par ce beau matin de fin d’été sur une rivière cévenole. Il en fût ainsi à travers les pins cembros et les châtaigniers. Les bergeronnettes chassaient déjà les premiers insectes sur la ligne invisible qui sépare l’eau de l’air. Le soleil était encore loin et on était dans ces moments courts où la nuit n’est plus et le jour encore absent : les certitudes du jour ne sont pas encore affirmées et les doutes de la nuit pas encore dissipés. Ce sont des moments fugaces où le monde se réveille lentement, sans fracas, en l’absence des hommes qui ne viennent pas encore perturber sa quiétude par leur frénésie qu’ils prennent pour la vie.
Le sang de Jérémie faisait comme une écharpe écarlate dans l’eau brune de la Drobie, s’effilochant jusqu’aux piles du vieux pont. Un nuage d’alevins s’était formé autour de son crâne, heureux de pouvoir gober cette pitance inattendue. Sur les lèvres à jamais muettes de Pascaline les premières mouches insolentes ne pouvaient plus agacer sa peau déjà froide.
Il faisait à peine jour et dans un fourré, derrière une grande touffe d’herbe, une silhouette s’ébroue en silence. Elle se lève et s’approche de l’abattoir. Elle se fige. Une bête peut-être, étonnée qu’il y ait plus sauvage qu’elle… La tête du garçon baignait dans l’eau sur quelques centimètres. Elle tire ce corps comme elle peut, pour préserver d’une dernière offense ce qui reste du visage. Du sang coule sur le sable gris, qui s’en imbibe doucement. Devant le corps crucifié de Pascaline la silhouette se signe. Elle remonte la petite culotte de coton sur le bas-ventre et reboutonne ce qui reste des deux pans de la blouse courte qui cache à peine la peau d’albâtre. Les avant-bras et les mollets brunis de la petite contrastaient avec la pâleur de son buste.
Avant que le jour soit trop cruel, cet homme ou cette femme, s’accorde quelques secondes d’immobilité. Pour prier peut-être. Ou bien se repentir… Et disparaît avant que le soleil n’éclaire d’une lumière trop crue ce qui n’aurait jamais dû être, ou rester pour toujours dans la nuit.
CHAPITRE II
– Bon, alors, vous en êtes où ? Les relevés, ça y est ?
L’inspecteur principal Lambert venait d’arriver sur les lieux. Il était déjà fatigué de cette longue route depuis Nîmes.
Au milieu de la matinée, son commissaire l’avait fait appeler « de toute urgence, toutes affaires cessantes ». À peine avait-il pris de temps de lui lancer un « bonjour Lambert », qu’il lui envoyait toute la sauce. La découverte, ce matin, par un promeneur, de deux corps sur la berge d’une rivière d’Ardèche. Deux jeunes randonneurs qui bivouaquaient là et qui avaient été agressés… Enfin tués, disons-le. Par au moins deux hommes.
– Alors, Lambert, ouste ! Faut y aller dare-dare. J’essaierai de vous rejoindre dans la journée. Je pars pour une réunion importante avec le directeur départemental. Paraît que la CGT de Perrier ferait encore des siennes, suite à l’annonce d’un plan social à la source de Vergèze. Une cinquantaine d’emplois supprimés, à ce qu’on dit. Les mecs commencent à en avoir marre de ces plans sociaux. Selon les R.G, ils seraient décidés à un mouvement dur cette fois-ci. Coupure des routes, de l’autoroute et tout le bordel ! En plein été, voyez un peu ! Paraît que le ministère a demandé au préfet de rentrer plus tôt de vacances ; il sera d’une hu

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