Une note bleue sur le fleuve
73 pages
Français

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Une note bleue sur le fleuve , livre ebook

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Description

Susie tague les murs de Paris sur lesquels Paul a brisé son saxophone. Une nuit, la jeune femme fuit leur passion destructrice, laissant son amant affronter enfin ses fantômes.
Au cours de leur poursuite nocturne, ils croiseront amis, SDF, musiciens, ces fleurs de sang qui hantent les clubs, les gares, les berges de Seine à la recherche de leurs rêves. Sur leurs traces, d’autres figures de la rue, enfants, réfugiés, camelots, entrelacent leurs destins d’une rive à l’autre.
En quelques instantanés, la musique d’une ville se tisse comme un blues plein d’espoir pour les âmes fracassées.
Qui sont ces notes bleues posées sur le fleuve ?
Une trentaine de textes courts jouant sur la musicalité de la langue comme autant de morceaux de jazz, cette musique qui laisse la lumière et la joie jaillir des fêlures de la vie.
Chaque texte est associé à un titre de jazz, tous courants confondus, que vous aurez plaisir à découvrir sur la playlist « Les musiques d'Une Note bleue sur le Fleuve » sur la chaîne Youtube dédiée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 mars 2023
Nombre de lectures 1
EAN13 9782379799785
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0318€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une note bleue sur le fleuve


Patrice Goudin

Patrice Goudin 2022
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
Table des matières

Les notes bleues à écouter
A bout de souffle
Blue Train
Bourbon Streets
Next track
Foutu con
Piano gare
Debout
Summertime
Pas-de-nom
Boxe
Smoke
Oh !
Fleur de sang
Another track
From darkness
Passe-muraille
Night and day
A une passante
Springtime
Un os
Gloomy sunday
La pluie
Sweet Mary
So what
Riverside blues
In the mood for love
Bon temps rouler
The other woman
Des notes bleues sur le fleuve
Liste des titres de jazz
Crédits
Les notes bleues à écouter
 

 
Chaque texte est associé à un titre de jazz, tous courants confondus, que vous aurez plaisir à découvrir sur la playlist de la chaîne Youtube Les musiques d’Une Note bleue sur le Fleuve .
Tous les titres sont disponibles dans l’ordre des textes, sous réserve des modifications effectuées par les ayants-droits ou les propriétaires des chaînes.
Un lien en bas de chaque texte vous emmène directement au morceau associé.
 
À écouter, avant, pendant ou après la lecture d’un texte pour se mettre dans l’ambiance, se laisser porter ou entendre  les mots résonner une nouvelle fois.
 
 
 
 
 
 
PREMIERE PARTIE
 
 
FLEURS DE SANG
A bout de souffle
 

 
Susie court dans les couloirs du métro, les passants en sont tous défigurés, les notes du guitariste s’envolent au loin.
Susie, Susie tu cherches la sortie, tu cherches Paul est-ce qu’il est en vie, vous partirez loin du fleuve demain matin.
Le carrelage a disparu, des câbles noirs sortent du plafond, des restes d’affiches s’accrochent aux tôles vertes, des cannettes vides poussées par le courant d’air s’entrechoquent, tintent, remontent le flot des voyageurs qui les repoussent du pied en râlant.
Une femme lance un prénom contre les murs, un homme chante, un autre serre un enfant contre lui, un aveugle balance sa canne dans les jambes d’une vieille encore plus lente que lui. Trop de monde sous terre.
Les néons hurlent. Les talons martyrisent le béton. Travaux. Les panneaux ont changé. Elle ne sait plus où elle est. Elle prend un couloir, n’importe lequel.
                                                                                                        
Un journal fouette ses jambes. Elle manque de trébucher, se rattrape au bras d’un passant, lui sourit, sautille pour se débarrasser du papier, se faufile en dansant au milieu de la foule.
Un virage. L’escalier soudain, face à elle. Un groupe le barre sur toute la largeur, des valises plein les pattes. Les marches grouillent de roulettes et de pieds.
Les murs bruts, poussiéreux, une odeur de terre humide, des zébrures glauques venues du ciel clignotent sur les visages renfrognés. Les câbles se penchent, sèment des débris dans les cheveux des touristes, arrachent une mélodie de jurons à des Chinois.
Susie court, monte à l’assaut. Deux marches. Quatre marches. Six. Choc dans trois secondes. Deux. Un. Le flot se scinde dans un crissement de plastique. Elle passe, frôle les ventres rentrés, s’appuie sur des épaules furieuses, jubile.
 
Un couloir blanc, enfin. Sortie, sur fond bleu.
Elle se jette sur la porte en verre. Arrêt brutal. Blocage. Oui, oui, appuyer au centre, sur la marque verte. Elle pousse de toutes ses forces, jambes coupées. La salive aigre enflamme sa gorge.
L’air frais, la lumière du jour. Elle repart. Encore trente marches. Les genoux flottent, les yeux se brouillent, les larmes piquent. La foule, là-haut, est trouble et dense. Elle vibre.
La chaleur efface les visages.
 
Susie, Susie, qu’est-ce que tu fais ?
 
Une petite fille en pleurs s’accroche à sa maman. Elles bloquent le trottoir, l’obligent à descendre. Un taxi pile, klaxonne, l’insulte. Un bruit de verre brisé scintille derrière elle.
Elle envoie des baisers, disparaît dans la cohue.
 
Quai de la Mégisserie.
La jeune fille court au milieu des couleurs. Dans les vitrines, les oiseaux s’effarouchent, les plantes se courbent, les reflets chauds palpitent. Oui, oui !
Elle traverse entre les volutes brûlantes qui montent des capots. Le fleuve renvoie des parfums de marée. Courir, courir, oui ! Hé, le dernier bouquiniste rabat le couvercle de son coffre, cadenasse, s’essuie le front. Fin de journée !
Les touristes sont fatigués. Certains portent des victuailles. Pique-nique sur le Pont des Arts. Elle les dépasse en riant. Un Américain ouvre les bras. «  French girl !  » Yes, yes !
 
Pont Neuf.
Les derniers mètres lui arrachent les poumons. Ses chevilles sont grillées. Le soleil disparaît dans l’axe de la Seine. L’eau pourpre se gonfle à la pointe de l’île. Oui.
Il est là, dans un des balcons, collé au parapet, les bras raides, les yeux tournés vers le large. Le sang rougit le bas de sa manche.
Dans l’ombre, la lame, les doigts maculés, personne ne les remarque. Les stigmates sont dans son regard. Il est beau.
Susie court au milieu des tôles multicolores. Elle se jette contre lui, l’embrasse, le renverse, emprisonne son poignet à deux mains, le serre, l’écrase. La paume de l’homme blanchit. Elle la pose contre son cœur.
Leurs sangs se battent l’un contre l’autre et c’est bon.
 
Susie, Susie, qu’est-ce qu’il t’a fait ?
 
Les passants sont aveugles.
Deux amoureux s’étreignent dans le soleil couchant.
Une péniche glisse sous leurs pieds.
 
Vers quoi vont-ils plonger ?
 
Musique : Blue Rondo à la Turk , Dave Brubeck Quartet – Album Time Out – 1959 A bout de souffle , Claude Nougaro – Album Bidonville – 1966
Blue Train
 

 
Le gars titube à travers le wagon, bouscule les gens, se raccroche à un dossier. Regard en biais rencontre regard éteint. Voile de peur versus voile d’alcool. Le train s’arrête. L’épaule heurte un montant. Coup dur.
S’approche de la sortie. Porte fermée. H.S. Ruban rouge.
Repart en sens inverse, bouscule à nouveau, se prend les pieds dans une mallette.
Putain de banquier !
Se rattrape de justesse contre la cloison. L’autre épaule s’écrase sur le coin en inox. Un type grimace. Joie sadique.
Porte suivante. Chuintement. Clac. Fermée. Trop tard. Toujours trop tard. Toujours, toujours, toujours trop tard. Le train redémarre.
Secousse, vertige. Strapontin.
Putain de train ! Putain de voyageurs. La quête n’a rien donné.
Qu’est-ce que je fous là ? Furtive pensée aussitôt cramée. Question de survie.
Coincé ici jusqu’à la prochaine gare. C’est … Merde ! Fin de parcours, on sort de la ville. Quinze minutes d’étape, au moins. Putain de ligne de banlieue.
 
La tête contre la cloison vitrée. Ça balance, il fait chaud. Ça sent la sueur, la sienne surtout. Respire, mec, respire. Tu es en vie. C’est juste un quart d’heure, un sale quart d’heure dans une sale vie à porter de sales fringues.
Chaleur, roulis, douceur. Dehors il n’y a plus de lumières.
 
Regarde ses doigts. Épais, fissurés, cornés, sales. Ongles noirs. Font mal. Puissants, puissants encore. Des années à serrer le manche avant de glisser sans fin. Putain que le sol est dur, tout au fond ! Qu’est-ce que c’est sombre une tombe. Les deux pieds dans le béton, ce ne serait pas pire.
Bouge les doigts pour les délier. Les fait rouler sur la cuisse, les genoux, les uns contre les autres. Sur la tête. La tête, la tête. Quand vont-ils s’arrêter de taper ? Les mecs d’en haut, quand vont-ils s’arrêter de taper ?
 
Ça balance de gauche à droite, doucement, comme un berceau. Rocking train. Roule, roule le train. Berce et roule.
Tchac Tchac Pa Dack. Tchac Tchac Pa Dack.
Ça remonte du plancher dans les jambes, le long du dos, secoue les bras, arrive aux doigts. Tchac Tchac Pa Dack contre le crâne. Tchac Tchac Pa Dack qui s’enfonce dans la tête. Les ongles claquent sur l’os. Les ongles sales, les cheveux sales, la sale caboche.      La sale caboche, qu’on lui disait tout le temps.
Tchac Tchac Pa Dack. Tchac Tchac Pa Dack. Tchac Tchac Pa Dack.
 
Se lève, se colle à la vitre de séparation. Pas tomber, pas tomber. Le front en sueur glisse. Les mains se plaquent sur le verre teinté. Les ongles crissent, repartent à l’assaut. Note acide, déchire les tympans.
S’accroche du bout des doigts. Tambourinent, tambourinent. Ça tient, ça tient !
Tchac Tchac Pa Dack. Ouais ! Ouais ! C’est ça. Fais-leur ton show. Tambourine, tamboo-boo-boo-rine.
Boum ! Grand coup de poing dans le carreau.
Leurs têtes se redressent. Enfin leurs yeux ! Enfin ils regardent vraiment. Ils le voient.
Tchac Tchac Pa Dack – Boum ! Tchac Tchac Pa Dack – Boum !
Boom again ! Le front cogne à son tour. Le front cogne. En rythme, en rythme. Ça fait mal. Ça fait du bien.
Ils regardent. Ils écoutent.
Se marre. Les dents noires. Pousse un cri. Ouais, ouais ! Vas-y ! Vas-y, mec ! Vas-y !
Ça balance, ça roule, ça cogne. Ça cogne. C’est bon ça. Chacun son tour. Encore, encore. Tchac Tchac Pa Dack – Boom Boom ! T T P D – B B ! C’est bon ça. T T P D – B B !
 
Les yeux se baissent. Plus fort. Plus fort encore. Pour qu’ils regardent encore. Toujours plus fort, les coups, les cris, les coups. Diviser le rythme, le casser, insérer des roulements, garder la ligne de base, celle du train.
Putain de train, qu’est-ce qu’il est bon !
T T P D – B B ! T T P D – B B ! T T P D – B B !
Yes !
 
Les yeux écarquillés. Qu’est-ce qu’ils font ? Qu’est-ce qu’ils ont ? Qui c’est ces gars-là ?
Grand coup de frein. Part en arrière. Vole. Vole ! Bouche ouverte, bras en l’air.           « C’est quoi ce bordel ? », il gueule furtif avant le souffle coupé. « Ça s’arrête jamais de taper, la vie ? », il gueule en silence parce que plus de souffle.
Craquement. Explosé sur la cloison d’en face. Les côtes. Les épaules encore. Le crâne qui cogne sur le verre.
Par terre. Le dos râpe contre le strapontin qui ne s’est pas ouvert.        Stop. Chuintement. La porte s’ouvre automatiquement. L’air frais. L’odeur des jardins. C’est bon mec, tu peux sortir. Tu as fait ton show, c’

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