La lecture à portée de main
97
pages
Français
Ebooks
2012
Écrit par
Louis Jonval
Publié par
Les Éditions du Net
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2012
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Publié par
Date de parution
20 mars 2012
Nombre de lectures
8
EAN13
9782312006369
Langue
Français
Publié par
Date de parution
20 mars 2012
Nombre de lectures
8
EAN13
9782312006369
Langue
Français
Vengeance@.com
Louis Jonval
Vengeance@.com
Les éditions du net 70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux
© Les Éditions du Net, 2012 ISBN : 978-2-312-00636-9
Chapitre 1
1
De l’amas de ferraille de la voiture qui avait percuté un des platanes de la nationale cinquante sept à proximité de Besançon, le gendarme prit le sac à main de la victime. C’était un sac à main d’une grande marque, les deux C entrelacés étaient la signature de Chanel.
A l’intérieur un petit miroir cassé témoignait de la violence du choc. Le gendarme sortit un tube de rouge à lèvres, un poudrier, un trousseau de clefs et des mouchoirs en papier. Il ouvrit un porte-cartes. Une attestation d’assurance du véhicule, un permis de conduire et une carte nationale d’identité étaient au nom de Martine DUBOIS, mariée, née le 12 mai 1963 à Besançon dans l’est de la France. Les photos sur les documents représentaient le visage d’une femme élégante, blonde aux traits finement dessinés. Il contrastait avec le teint livide de la personne qui venait de quitter le monde des vivants mais il s’agissait bien de la même personne.
L’ambulance dépêchée par la gendarmerie de Besançon arriva en silence. Plus rien ne pressait. Il n’y avait plus rien à faire. La victime était décédée. Deux infirmiers sortirent un brancard et enfilèrent le cadavre dans un sac à viande d’une blancheur immaculée. On n’entendit que le glissement de la fermeture éclair qui scellait le corps de cette jeune femme dans le linceul. Ils glissèrent le brancard articulé sur les rails de l’ambulance et claquèrent la porte arrière du véhicule. Le véhicule repartit comme il était venu, en silence. Le ronronnement du moteur diminua d’intensité jusqu’à se confondre avec le vent qui soufflait par rafales dans les arbres avoisinants.
Sur le bord de la route il ne restait que le véhicule enroulé autour du platane. Les âpres rugosités jaunes et brunes de l’arbre accrochaient la lumière. Sans doute un sculpteur aurait pu trouver dans ce spectacle matière à inspiration : le métal du véhicule et le bois de l’arbre intimement mêlé dans des entrelacs sensuels.
Le choc de l’accident passé, quelques rouges-gorges revinrent se percher sur un bouleau voisin et voletaient dans les branches. Ces toutes petites boules de duvet faisaient entendre un gazouillis inattendu dans ce lieu où la mort venait d’ôter une vie. Dans l’azur profond de l’aube naissante, des nuages à reflets roses se poursuivaient. Le paysage respirait la sérénité.
Il fallait faire les constations d’usage. A qui la faute ? Le gendarme remplira un formulaire. Il y dessinera l’arbre et la voiture, peut-être y ajoutera-t-il un ou deux autres arbres comme repères. Il y annotera des distances et quelques commentaires sous des flèches. Un rapport administratif scellera le dossier et ira rejoindre les milliers de dossiers sur les étagères poussiéreuses de l’administration. La compagnie d’assurance fera elle aussi son dessin. Elle y apportera sensiblement les mêmes commentaires. Mais le résultat de leurs conclusions ne feront pas revivre la victime dont le véhicule s’était encastré dans l’arbre, elles auront du moins le pouvoir d’attribuer la cause de l’accident non pas au platane qui avait été planté par l’homme il y a plus d’un siècle mais à la femme qui conduisait le véhicule.
2
Paul DUBOIS a la cinquantaine. Il est asiatique et commissaire principal de police aux Quai des orfèvres dans le premier arrondissement. Le quidam qui le croiserait dans la rue aurait du mal à reconnaître en lui un des chefs de la police. Il est aux antipodes d’un Maigret, Frost ou Derrick et bien loin des clichés que les films donnent d’un commissaire de police. Comme tous les commissaires de la criminelle il est le premier informé quand il y a une mort violente dans la capitale et c’est encore lui qui fait les premières constatations d’usage.
Il est marié et a deux enfants. Il a connu sa femme Martine à Besançon. Elle était étudiante aux beaux-arts. Il finissait ses études de droit. Le commissaire a toujours eu la logique cartésienne du policier et elle, a gardé l’insouciance de l’étudiante des beaux-arts. Ils se sont mariés à Besançon et sa première affectation fut Paris. Ils n’ont jamais beaucoup voyagé. Elle, quelques expositions en province et lui, quelques déplacements professionnels.
Depuis deux ans, à la suite d’une banale dispute à laquelle leurs enfants avaient assisté, elle avait voulu faire chambre à part. Cette banale dispute fut le prétexte pour se dérober à ce que les femmes appellent « le devoir conjugal ». Le couloir qui séparait leurs chambres était devenu la frontière de leur vie sexuelle et avec elle, bien sûr, l’arrêt de toutes relations intimes.
Peut être aurait il dû prendre une maîtresse comme l’avaient fait certains de ses collègues dans une situation similaire mais il avait gardé de ses parents une éducation qui n’était pas permissive. Il considérait l’adultère comme un échec dans une union. Il préféra l’abstinence. Avec les semaines ses envies étaient passées. Le sexe est sans doute plus une habitude qu’un besoin.
Malgré cela, ils étaient assez proches l’un de l’autre car le point commun qui les unissait était leurs enfants. Ils leur donnaient satisfaction dans leurs études. Depuis cette dispute les enfants revendiquaient leur indépendance. Ils allaient entrer à l’université. Il était difficile pour un père de refuser à ses enfants une autonomie quand il avait les moyens d’y pourvoir et que l’ambiance familiale nuisait à leur épanouissement.
Leur fille Virginie avait vingt trois ans et vivait en Angleterre où elle effectuait un stage de langue. Elle faisait son maximum pour ne pas venir chez ses parents passer un week-end alors que son père lui avait pris un abonnement sur Air France. Elle prétextait des stages et des réunions. Leur fils Patrick avait vingt-cinq ans. Il était en cinquième année de droit. C’était un garçon qui affectionnait sa liberté. Son père avait conclu un pacte avec lui : il lui louait un studio dans le Quartier Latin, alors qu’ils habitaient une maison à Paris mais en contrepartie il devait se classer parmi les cinq premiers de sa promotion. Cet accord satisfaisait les deux parties. L’indépendance si chère à son fils était préservée. Il menait une vie que son père préférait ignorer mais il avait la satisfaction de constater sa réussite universitaire.
Quand l’épouse du commissaire était en manque d’affection maternelle, elle se plaignait de l’égoïsme de ses enfants. Elle avait de bonnes raisons pour cela car l’amour filial que Patrick leur portait se limitait à la fin du mois quand son père payait le loyer de son studio et qu’il lui donnait son chèque pour ses dépenses personnelles. Sa mère lui rappelait qu’il devrait au moins en retour leur manifester un peu de reconnaissance. Patrick répondait alors à l’instinct maternel de sa mère en venant le dimanche suivant à la maison. Quant à Virginie il suffisait que sa mère haussât le ton et elle retrouvait, le temps d’un week-end, le chemin de l’aéroport pour rejoindre la maison familiale. Quelques fois la famille était au complet un dimanche. Ils déjeunaient alors tous les quatre.
A la décharge de leurs enfants l’ambiance familiale n’était pas des meilleures. Le père était rarement disponible. Il travaillait aussi bien le jour que la nuit. Les criminels ne tuaient pas toujours aux heures ouvrables. Il était donc naturel que le vide de cette maison ait pu nourrir les envies d’indépendance de leurs enfants.
Quai des Orfèvres. Section criminelle. Bureau du commissaire principal Dubois. Le téléphone portable du commissaire sonnait.
– Ici le commandant de la gendarmerie de Besançon, lança une voix grave.
– Commissaire principal Dubois, je vous écoute.
Un silence hésitant lui répondait.
– Je suis porteur d’une mauvaise nouvelle, lui dit la voix grave.
Son correspondant prenait un temps de pause comme pour maintenir le suspense d’une action.
– Ah ? attendant la nature de la mauvaise nouvelle.
– Votre femme, votre femme… répétait il comme si le commissaire était bigame.
– Ma femme ?
– Votre femme a eu un accident de voiture.
Le gendarme dispensait chacun de ses mots comme une faveur.
– Grave ? lui demanda spontanément le commissaire Dubois.
– …