Vers la liberté !
388 pages
Français

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Vers la liberté ! , livre ebook

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Description

Emmanuel Istivie (1867- ?)


" En face le bagne de Nou et fermant l'admirable baie de Nouméa, une langue de terre, aride et desséchée, – sur laquelle s'élèvent quelques hideuses constructions, à l'aspect vétuste et repoussant, – étend dans les eaux vertes du Pacifique ses grèves, sur le bord desquelles les déportés de la Commune venaient autrefois chercher un peu de fraîcheur, ou rêver à la patrie absente, l'esprit bercé par le murmure rythmé de l'océan, venant battre de son flot les roches madréporiques du rivage..."


Emmanuel Istivie, hâvrais d'origine, fut comptable et agent d'affaires en Nouvelle Calédonie. A l'occasion, il écrivait des articles pour la presse locale.


"Vers la liberté !" relate le périple romancé de trois évadés du bagne de Nouvelle Calédonie, Torrès, Coco et le Parigot, à travers l'Australie. Arriveront-ils à bon port, c'est-à-dire la Suisse, vus les dangers encourus : climat, désert, faune, police australienne, indigènes, maladies ?


A la suite de "Vers la liberté !", Emmanuel Istivie nous offre une nouvelle sur la rébellion canaque de 1878.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 mars 2016
Nombre de lectures 3
EAN13 9782374631431
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Vers la liberté !

Récit d'aventures et de voyages

Emmanuel Istivie

mars 2016
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-143-1
Couverture : pastel de STEPH’
N° 144
VERS LA LIBERTE !
PREMIERE PARTIE
LE BAGNE
I
LA PRESQU'ILE DUCOS
En face le bagne de Nou et fermant l'admirable baie de Nouméa, une langue de terre, aride et desséchée, – sur laquelle s'élèvent quelques hideuses constructions, à l'aspect vétuste et repoussant, – étend dans les eaux vertes du Pacifique ses grèves, sur le bord desquelles les déportés de la Commune venaient autrefois chercher un peu de fraîcheur, ou rêver à la patrie absente, l'esprit bercé par le murmure rythmé de l'océan, venant battre de son flot les roches madréporiques du rivage.
C'est la presqu'île Ducos.
Aujourd'hui l'administration pénitentiaire en a fait un refuge pour les impotents et les invalides de l'armée du crime vers la liberté !

-oOo-

Il est bientôt une heure, c'est la fin de la sieste...
Les condamnés étendus sur la plage, véritable tapis de fine poussière de corail, sont gardés par des Canaques de la police indigène, armés de leur inséparable casse-tête, pendant que les surveillants militaires se reposent sous un léger abri fait de quelques baliveaux recouverts de peaux de niaouli (1) .
La chaleur est accablante, car les rayons incandescents du soleil tombent d'aplomb sur la terre calcinée, où pas un brin d'herbe ne verdit.
Aucun arbre ne rompt la monotonie de ce paysage où l'on semble respirer de l'air embrasé, et rien ne repose la vue de l'immensité de la mer, sur laquelle miroitent d'aveuglants reflets.
C'est à peine si la surface de l'océan est ridée par la brise chaude qui passe sur la presqu'île et brûle tout vestige de végétation.
Les forçats s'abritent le mieux possible à l'ombre projetée par d'énormes blocs de pierre, qui serviront à la construction de la jetée, où accostera bientôt la baleinière de l'administration pénitentiaire.
Trois condamnés sont étendus au bord de la mer, à l'écart, afin que le murmure des vagues venant mourir sur les roches couvre le bruit de leurs paroles. L'un de ces hommes est condamné aux travaux forcés à perpétuité, les deux autres aux travaux à temps.
Celui qui porte sur son bourgeron de grossière toile grise le matricule 5350 est un homme de structure athlétique ; son visage, abrité par un chapeau de paille de latanier, respire la franchise et la loyauté ; son regard d'un bleu d'acier s'anime lorsqu'il parle.
Cet homme doit maudire la destinée et exécrer ceux qui lui ont ceint les reins de la double chaîne d'infamie, car c'est un innocent.
Ce malheureux, nommé Jean Torrès, est dans la force de l'âge, il a trente ans ; la Cour d'assises de Rouen, par suite d'une épouvantable méprise, l'a condamné à sept ans de bagne, ou d'enfer plutôt.
Le compagnon de bagne de Torrès, celui qui paraît l'écouter attentivement, est presque un vieillard. Sa chevelure grise, coupée à fleur de peau, dénote qu'il a atteint et peut-être dépassé la cinquantaine, bien que nulle trace de décrépitude ne soit visible sur son corps fortement charpenté ; sa physionomie ouverte et franche appelle la sympathie.
Il y a exactement dix-sept ans que Mathieu, plus connu sous le sobriquet de « Coco », a vu se refermer sur lui les portes du bagne. Aussi porte-t-il un des plus anciens matricules : le n° 41.
Cet homme, de taille moyenne, bâti comme un lutteur de profession, est enclin à d'épouvantables accès de colère : dans un de ces moments, n'étant plus maître de lui-même, il a tué d'un coup de poing un camarade d'atelier.
Condamné pour cet homicide à cinq ans de bagne, il a tenté de s'évader et, circonstance aggravante, il s'est rebellé ; le tribunal maritime spécial, siégeant à Nouméa, l'a condamné à vie et la direction pénitentiaire l'a puni d'une année de cellule.
C'est la punition la plus atroce qui puisse être infligée à une créature humaine. Celui qui est enterré vivant dans ce tombeau – la cellule de correction, où la lumière et les bruits extérieurs ne parviennent pas – n'a, pour toute nourriture, que du pain sec et de l'eau qui lui sont passés par un guichet percé à travers une énorme muraille. Séparé absolument du reste des vivants, il lui est encore interdit d'élever la voix et même de s'adresser au geôlier, qui, une fois par jour et pendant une minute à peine, entr'ouvre le guichet. Ce sépulcre est aménagé de telle façon que jamais le condamné n'ait de prétexte pour sortir. Les forçats le dénomment la GUILLOTINE SÈCHE !
Celui des trois transportés qui, étalé de tout son long sur le sable, semble contempler les volutes de la fumée de sa cigarette, représente un type bien connu à Paris. Il a l'esprit du gavroche bellevillois et il est de petite taille, quoique nerveux et musclé.
Né rue du Faubourg-Saint-Antoine, Courtois, dit « le Parigot », s'est engagé à dix-huit ans dans l'infanterie de marine ; à vingt et un ans, il rengage, et, le jour où ayant touché sa prime, il fête sa première brisque, il s'enivre. L'ivresse, jointe à l'ardeur du soleil tropical, le rend momentanément fou.
Il insulte un sergent. Enferme dans une paillotte qui servait de locaux disciplinaires, il l'incendie et s'évade : le conseil de guerre de Dakar le condamne à dix ans de travaux forcés.
Ces deux hommes, coupables il est vrai, mais dont la faute, due à un moment de folie passagère, peut, dans une certaine mesure, être excusée, ont voué une amitié profonde et respectueuse à leur camarade Jean Torrès.
Celui-ci, à Thio, où ils étaient employés sur un chantier de mine à l'extraction du minerai de nickel, leur a sauvé la vie.
Pris par l'asphyxie, au fond d'un puits de descente où s'étaient accumulés des gaz délétères, ils étaient irrémédiablement perdus si Torrès, au péril de sa vie, ne s'était dévoué pour les retirer du « schaff (2) » mortel et les remonter à la lumière.
Depuis ce jour, ils attendent avec impatience le moment où ils pourront donner à leur sauveur une preuve de dévouement.
Les trois compagnons de misère causent à voix basse et c'est toujours la même pensée obsédante : l'espoir de la délivrance, qui fait l'objet de leur conversation.
« Alors, Mathieu, il est impossible de quitter l'île ? murmure Torrès.
– Je veux dire que c'est très difficile ; à la Guyane on peut encore s'évader, mais ici, entouré d'eau de tous côtés, c'est presque impossible.
– Et puis où aller ? dit Courtois en chassant une bouffée de fumée, l'Australie ? Impossible ! on extrade ! Les Nouvelles-Hébrides ? les colons s'emparent des évadés et les rembarquent sur les stationnaires (3) de guerre.
– Il faudra donc mourir dans cette abominable géhenne ! reprit Torrès.
– Ah ! fit Mathieu, si j'avais eu de l'argent je me serais évadé, mais sans un sou le risque est trop grand. Un an de cellule ! c'est payer trop cher quelques jours de liberté, car sans argent on est repris à Nouméa.
– C'est vrai ! mon pauvre Mathieu, vous avez été repris à bord du Yarra , dit Torrès.
– Oui ! aussi je préfère manger des gourganes (4) pendant le reste de ma triste existence plutôt que de refaire un an de cabanon ! Foi de « Coco » ! vaudrait mieux être mort que d'être renfermé vivant dans la cellule de correction.
– On n'en meurt pas, plaisanta le Parigot, puisque tu en es sorti, mon vieux « Coco ».
– Ne plaisante pas, c'est là que mes cheveux ont blanchi, et je ne te souhaite pas... »
Torrès l'interrompit, car il élevait la voix.
« Taisez-vous, dit-il, vous allez attirer l'attention des surveillants, et puis en voilà assez, c'est l'heure de la reprise du travail. »
A peine achevait-il qu'un coup de sifflet se faisait entendre.
Les condamnés se lèvent en hâte pour reprendre leurs outils : ils savent que les coups de matraque, du canard sans plume , vont tomber dru comme grêle sur le dos des retardataires.
A ce moment, une embarcation conduite par douze rameurs – tous forçats d'Algérie – et dirigée par un surveillant militaire qui tient la barre, glisse sur la mer et vient se ranger le long de l'appontement.
Un surveillant saute à terre, se dirige vers le groupe des condamnés et appelle : « 5350, embarque pour la direction ! »
Et sans plus d'explications il continue son chemin et se dirige vers la case du commandant supérieur du pénitencier pour lui communiquer les ordres de service arrivés de Nouméa.
Torrès, étonné de cet ordre extraordinaire, va vers la lourde embarcation dans laquelle il prend silencieusement place entre les rameurs arabes, et, pendant que le canot glisse sur les flots au bruit cadencé des rames retombant dans les tolets, il se demande anxieusement ce que signifie cette comparution devant le Directeur, le grand chef du bagne, le potentat dispensateur des peines et des grâces, que beaucoup de forçats n'ont même jamais entrevu.
Enfin, le canot accoste ; dans quelques instants Torrès saura à quoi s'en tenir ; tout est préférable à l'horrible angoisse qui lui étreint le cœur.
II
CHEZ LE DIRECTEUR DE L'A. P.
C'est dans un état de violente anxiété qu'il pénètre dans le cabinet directorial.
M. Banacel, sous-directeur, faisant fonction de directeur par intérim – celui-ci est en congé en Europe – est un homme de quarante-cinq ans environ ; le visage bronzé et barré par de fortes moustaches paraît bourru, d'énormes sourcils lui durcissent le regard et lui donnent l'aspect rébarbatif d'un commandant de gendarmerie, dont il a absolument l'allure, d'ailleurs.
C'est cependant un fonctionnaire affable dans ses relations avec le public et bienveillant pour son personnel.
Il est absorbé par l'examen attentif d'un dossier placé devant lui, dont la chemise porte le n° 5350. A son côté, épars sur le bureau, des fragments de savonnettes sont mêlés à des billets de la Banque de France.
Quelques instants s'écoulent, puis il redresse la tête, et, désignant du doigt les billets, il demande à Torrès :
« Connaissez-vous cela ? »
Celui-ci, interpellé brusquement, s'approche, jette un rapide regard sur le bureau et pâlit : il a appris, par un a

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