Âmes combattantes
454 pages
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Âmes combattantes , livre ebook

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Description

« Aujourd'hui, Tom regardait la ligne d'horizon, espérant découvrir une silhouette de côte. Pas un oiseau ne sillonnait le ciel, annonçant une terre proche, rien, sauf le vent qui se levait de nouveau. Pour échapper à sa morsure glacée, il présenta un dos rond. Il ne voulait pas crever, espérant une issue providentielle. Croyant en sa bonne étoile, il s'en remettait complètement à elle pour le moment. Il savait surtout que le sommeil représentait la défaite. Surtout ne pas dormir, résister. Il fredonna une ballade irlandaise mais le cœur n'y était pas. Depuis plusieurs jours, il dérivait près des côtes du Chili. Le courant le ramenait vers des pêcheurs. » Alors que sonne la fin de la guerre de Sécession, Tom doit se remettre à la réalité du quotidien. Il enchaîne les petits boulots mais se retrouve contraint à fuir. À la dérive, son exil le mène au Chili, où il rencontre Armance, une tenancière pourvue d'un sacré caractère, qui tente de monter son affaire. D'aventure en aventure, Alain Lonardi donne naissance à une grande fresque familiale, véritable édifice littéraire, enchaînement de péripéties.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mars 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342159745
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0112€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Âmes combattantes
Alain Lonardi
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Âmes combattantes
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
Tom
La Caliche Période de transition/Guerre de Sécession 1863 – 1866
La nouvelle de l’armistice avait mis du temps pour leur parvenir, et ils redoutaient toujours une ruse des Sudistes. En fait, cet arrêt des hostilités était en vigueur depuis près de 48 heures, mais les deux camps en présence l’ignoraient. Aussi combattaient-ils avec toujours autant d’acharnement. On rivalisait de sauvagerie, pourtant des deux côtés, la fatigue commençait à se faire sentir. Au cours de cette boucherie, « Gueule de squale » avait sauté sur une mine électrique, c’était la plus belle chose qui pouvait lui arriver. Jamais il ne serait rentré chez lui, il le savait depuis le début. Les anciens de la section se comptaient sur les doigts de la main. Quand aux nouveaux, des enfants même pas sevrés par leurs mères, leur place n’était pas là. Pourtant ils pensaient pouvoir gagner cette guerre tout seuls.
Deux hommes que ce conflit ne concernait pas : Boyle et Mattew. Ils se haïssaient, en attendant le moment précis où ils pourraient en découdre. Il manquait juste le détonateur. La section ressentait, de façon palpable, cette animosité. Une nuit, 24 heures avant la paix, dans une tranchée, un peu en avant des lignes, on a entendu des bruits de lutte, des cris, des gémissements et un grand rire de folie : c’était Boyle qui avait coupé la tête de Mattew, il la tenait à bout de bras, l’injuriant, lui crachant dessus. Il se dirigea vers les Sudistes. Au bout d’une dizaine de pas, il s’écroula, touché par une balle. Le lendemain, l’arrêt des hostilités devenait officiel. Les képis, les chapeaux ne furent pas lancés en l’air pour accueillir la nouvelle. Pas de cris de victoire. Les deux armées se tournèrent le dos, avec leur rancœur, leur fatigue, leur indifférence. Chacun repartait chez soi après un épisode désastreux dans l’histoire du pays. Maintenant le plus dur venait : réapprendre à vivre.
— Alors le juif, tu viens avec moi ?
— Où ?
— À l’Ouest.
— Cela ne me tente pas trop.
— Je te vois mal retourner à New York, même après trois ans.
— Tu quittes l’armée ?
— Non, ils recrutent dans la cavalerie. Il paraît qu’il y a des révoltes indiennes. On a besoin de troupes pour protéger les émigrants.
— Moi, tu sais, l’armée, avec ce que je viens de subir…
— Réfléchis, Noah. Tu n’as pas de boulot, plus de famille, plus d’endroit pour poser tes valises, plus rien, alors la cavalerie, c’est une bonne solution. Nous sommes devenus des artistes dans l’assassinat légal.
— On vient de subir trois années de guerre.
— Noah, en face de toi, ils ont des arcs et des flèches, et nous, des armes à feu modernes. Sois sans crainte. C’est bien payé. Laisse-toi tenter, n’hésite pas. Moi, je m’en vais. Salut, Noah, peut-être à un de ces jours.
— Attends, Mattew, je viens avec toi.
— À la bonne heure, tu as fait le bon choix.
 
L’armée les avait démobilisés, laissant l’uniforme en guise de triste souvenir.
Tous à la même enseigne, du simple soldat à l’officier. Les plus enragés, comme Barret et Noah, avaient demandé à rester pour servir dans les nouvelles guerres indiennes vers les territoires de l’Ouest, mais tous n’étaient pas tentés. Pop avait disparu lors d’un bombardement, personne n’avait retrouvé son corps. Denis reprenait les affaires de son père, le lieutenant Wenbley avait divorcé pour partir ensuite dans le civil, Gueule de squale avait sauté sur une mine lors d’un assaut, Sandorf retournait en Allemagne, fort de son expérience américaine, et Mattew et Boyle s’étaient entre-égorgés dans la solitude d’une tranchée La guerre était donc finie.
Il fallait se remettre à la réalité du quotidien, recommencer à penser pour soi, renaître de ses craintes et tenter d’oublier tout ce cauchemar. Il fallait survivre à tous ces événements et Tom était prêt pour redevenir un être humain. Il errait dans la ville. À New York, les rues environnantes sont sales même dans les beaux quartiers. New York est plutôt mal entretenu et ses habitants s’en plaignent.
De nouveau, il recherchait du travail. Cette guerre n’avait servi à rien, sauf à enrichir les politiciens, les carpettes bags, les marchands de canons, avec le sang de ses amis. Ses pas le ramenaient toujours aux mêmes endroits dans cette ville. Il voulait travailler de ses mains, créer quelque chose. Il ne lui restait plus rien de sa prime d’engagement, même pas quelques cents, pourtant il en aurait bien besoin, mais le destin en a décidé autrement. Il soupira, la vie de la cité s’animait. Elle continuait son cycle comme si de rien n’était. Elle avait gommé les dernières traces du conflit. Moins d’affiches de recrutement, et la dernière aperçue se cachait à moitié déchirée dans une impasse, une main anonyme l’avait lacérée. Ses lambeaux pendaient comme un vieux drapeau fripé. Il connaissait par cœur le texte imprimé : « J’ai besoin de vous ». Et après les mots de gloire, patrie, honneur, toujours les mêmes mots, maintenant que reste-t-il ? Des souvenirs sanglants ? Des blessures inguérissables, des noms chers qui s’estompent lentement dans la mémoire, et puis ce goût amer d’avoir perdu deux bonnes années. Il leva les yeux pour observer le ciel gris plombé. Quelques flocons flottaient, annonçant le début de l’hiver. Dans deux ou trois semaines, New York se couvrirait d’un linceul de neige. Les eaux de l’Hudson gèleraient. Il pensait pouvoir trouver de l’embauche. Pour le moment il gîtait dans des endroits misérables, insalubres. Les marchands de sommeil exigeaient des sommes astronomiques.
Chaque jour il changeait de profession suivant la nécessité. Docker, manœuvre, coursier, trieur d’ordures, à présent coupeur de glace sur l’Hudson. La location d’un cheval et de sa herse était hors de prix, aussi avait-il été contraint de se louer comme journalier.
Le cheval et la herse quadrillaient le fleuve gelé. Un ouvrier préparait la glace par blocs, et une équipe l’acheminait au dépôt.
Ce type de travail l’épuisait : le soir, quand il rentrait, il se jetait sur son grabat, anéanti, les doigts couverts d’engelures.
La solidarité entre communautés n’existait plus, pourtant tous étaient à la même enseigne.
Un être qui n’est, économiquement, personne, équivaut à disparaître.
Il sentait une rage l’habiter. Il en avait assez de cette situation. Il se demandait, parfois, s’il avait fait le bon choix de fuir l’Irlande et sa misère. Et puis cette guerre inutile, qui ne le concernait même pas.

— Madame, je viens pour la glace.
— Déposez-la à l’office. Vous avez l’air d’avoir faim ?
— Un peu.
— Voulez-vous quelque chose ?
— Non, je vous remercie.
— Démobilisé depuis peu ?
— Oui.
— Beaucoup de mal à trouver du travail ?
— Un peu.
— Vous faites n’importe quoi ?
— On peut le dire.
— Avant, que faisiez-vous ?
— Paysan en Irlande.
— Et vous voilà ! Pas très réjouissant, la terre d’accueil.
— Je ne me plains pas.
— Vous autres, les nouveaux Américains, m’étonnez toujours. Allez, venez manger.
 
Elle était folle de lui, de son corps musclé, de ses lèvres. Sa présence l’embrasait. Une chaleur sourde lui taraudait le ventre. Pourquoi aimer cet homme avec une telle démesure ? Elle savait pourtant, qu’un jour ou l’autre, il partirait. Elle le perdrait pour toujours. Ses yeux bleu pâle la fascinaient. Elle devenait esclave, son esclave, et pourtant Alexandra voulait être une femme forte, indépendante, gérant sa vie comme elle le souhaitait.
Son affaire tournait plutôt bien, même rondement. Elle tenait tête à ses fournisseurs quand il le fallait. Elle ne lâchait jamais sa prise. Dans le commerce de la glace, on la redoutait. On disait même qu’elle employait quelquefois des hommes de main pour garantir ses intérêts auprès des concurrents un peu trop envahissants.
On pensait : « Quelle femme ! » Des yeux de chat, légèrement étirés, des pommettes hautes accentuant un visage triangulaire ciselé dans une peau d’albâtre. Un vrai régal de l’œil. Elle vous observait toujours avec un sourire éclatant, découvrant des dents étincelantes de louve prête à vous croquer.
Des robes, toujours agrémentées de décolletés vertigineux. Cette mise en condition vestimentaire usait même les plus puritains de la ville. Aussi Alexandra en usait et abusait. Bien sûr elle avait en elle cette folie slave qui s’accommodait admirablement avec l’ambition américaine.
 
— Tu me quitteras un jour ?
— …
— Tu ne réponds pas, mon petit pigeon ? Tu ne me quitteras pas, dis ? Je ne sais pas ce que je te ferai. Je te tuerai peut être.
— Je sais.
— Tu partiras un jour, hein ?
— Oui.
— Le plus tard possible ?
— Peut-être.
— Salaud !
— Oui.
— Petit pigeon, tu devrais connaître mon pays, la Russie, avec ses caravanes, ses marchands. Un souffle de gaieté passa sur son visage. Tu sais, ma ville ressemble à l’Orient avec ses églises à bulbes dorés. Tu les vois des remparts du Kremlin. C’est là qu’habite mon cousin.
— Qui ça ?
— Le tsar.
— C’est qui ?
— Inculte personnage ! C’est l’homme le plus puissant de la planète.
— Et alors ?
— Alors je te déteste, tu ne m’écoutes pas.
— Mais si, continue.
— Je ne sais même plus si la porte Nicolas existe encore.
— Mais, Alexandra, comment te trouves-tu en Amé

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