C’est arrivé au Bord-de-l’eau : Récits et anecdotes des Débardeurs du port de Montréal
141 pages
Français

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C’est arrivé au Bord-de-l’eau : Récits et anecdotes des Débardeurs du port de Montréal , livre ebook

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Description

Récits et anecdotes des débardeurs du port de Montréal
Un livre qui permet de découvrir un univers singulier, sculpté par un fleuve immense et par l’hiver : celui des débardeurs du port de Montréal. Tout y est démesuré : le travail, les hommes et le décor : le vent qui se lève transforme le pont d’un navire en quelques secondes. C’est un milieu normalement inaccessible. Mais la parole des travailleurs permet désormais son exploration.

Ce livre présente des anecdotes, des faits divers racontés dans leurs mots par les débardeurs. De courts récits qui placent le lecteur au niveau des quais, face au fleuve, à côté de la coque d’acier chargée de sacs, de caisses ou de poches envoyés par toute la géographie de la planète. Ces témoignages décrivent le travail de débardeur, un univers pareil à nul autre au monde; avec sa culture, avec ses règles, ses décors, ses dangers et même sa propre météo.
C’est un livre d’anecdotes. Il trace tout le portrait du travail au port. Il s’agit aussi d’un véritable livre d’histoire. Pour une fois, voici le travailleur qui parle. Et l’invisible apparait devant nos yeux.
143 pages
R A, débardeur : Le froid
À un moment donné, les bateaux ont commencé à venir tout l'hiver. Le premier bateau arrivé au quai dans l’année à Montréal gagnait la fameuse canne à pommeau d’or. Auparavant, elle se gagnait en mars ou en avril lorsque les glaces brisaient. Ensuite, le premier navire de l’année et gagnant de la canne s’est mis à arriver régulièrement, année après année, en janvier. C'était très dur travailler l’hiver à cause du froid. Lorsque les porte-conteneurs ont commencé à venir, c'est devenu moins difficile pour nous parce que justement il s’agissait de conteneurs : l’automation facilitait le travail. Avant ça, le travail l’automne et l’hiver était très pénible.
À l’époque des conventionnels, c’est-à-dire les bateaux chargés de marchandises en vrac; sacs, caisses, poches, etc., nous travaillions sans arrêt à l’automne; on faisait des 13 heures par jour. Même, des fois, on faisait la nuit, puis on arrêtait pour manger à 23h. À minuit, on recommençait jusqu'à 5 ou 6h le matin et parfois on se rendait jusqu'à 8h le matin. Ça nous faisait 24 heures de travail de suite au lieu de l’horaire normal de 13 heures par jour. Ça n’avait rien de drôle dans ces années-là, travailler au port de Montréal. Lorsque sur la rue Sainte-Catherine il faisait -10, il en faisait -25 au port. Le vent, l’eau, le froid; tout s’y mettait… Tout le monde était habillé en « homme suit »*… Et tout le monde avait un « petit Mickey »** sur la fesse : on prenait un coup pour se réchauffer. Parfois lorsque des hommes arrivaient à la chaleur d’une pièce; que ce soit à la salle des débardeurs ou ailleurs, les yeux leur tournaient*** : ils en avaient trop pris. Il est arrivé souvent que des gars soient trop saouls dans les cales de bateau. J'en ai même sorti de la cale attachés sur une planche à câble comme de la marchandise pour éviter qu’ils ne tombent.


Boire dans un métier comme ça, c'est criminel. Tu peux te tuer et tu peux tuer les autres. C'était très, très, très dangereux. Je n’approuvais pas, mais qui n'a pas pris de boisson sur le port de Montréal? C’est cette misère-là qui a construit le port de Montréal d'aujourd'hui.
*Homme suit : Vêtement d’hiver d’une seule pièce traditionnellement appelé « L’habit de motoneige ». Ce type de vêtement est conçu pour résister aux grands froids.
** Une flasque d’alcool souvent nommée le « 10 onces » (283 millilitres), le format de bouteille vendu dans le commerce qui s’en rapproche le plus.
*** Les gars ressentaient soudainement les effets de l’alcool, étaient ivres et tombaient endormis.

Introduction .........................................
Les anecdotes ......................................
-Au travail ..........................................
-Le danger, la mort ...............................
-Taverne et incidents insolites .................
-La colère et la solidarité ........................
Conclusion ..........................................
Remerciements ....................................

Informations

Publié par
Date de parution 12 décembre 2018
Nombre de lectures 0
EAN13 9782924967034
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0300€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L’Atelier d’histoire des Débardeurs du port de Montréal :
Normand Ferguson, Jean-Pierre Collin, Denis Bourassa Concept, rédaction : Jean Paul Thomin Graphisme : Éric Morin Image de la page couverture : Éric Morin Édition : Jean Paul Thomin

Tous droits réservés : L’Atelier d’histoire des Débardeurs du Port de Montréal
Sauf lorsque mentionné, les photos utilisées dans ce livre ont été données au Syndicat des débardeurs du port de Montréal par monsieur Dominic Taddeo, Président-Directeur général du port à l’occasion du 100ème anniversaire du syndicat.
Dépôt légal: 1er trimestre 2018
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives Canada
ISBN 978-2-9817295-0-7
Table des matières
I ntroduction
L es anecdotes
• Au travail
• Le danger, la mort
• Taverne et incidents insolites
• La colère et la solidarité
C onclusion
R emerciements
La plupart des anecdotes qui composent ce livre ont été recueillies lors d’une séance d’entrevues avec d’anciens débardeurs, séance tenue en mars 2013 par l’historien Étienne Martel et l’Atelier d’histoire des Débardeurs du port de Montréal.
La période couverte par les témoignages recueillis couvre approximativement la période entre 1930 et 1980.

Le chargement d’un bateau au port vers 1915.
Introduction
Le port de Montréal est un endroit tout à fait unique. D’abord, par son climat qui peut être radicalement différent de celui des quartiers de Montréal pourtant à peine un ou deux kilomètres plus au nord.
Ensuite parce qu’il s’agit d’un port et parce que dans ces endroits où accostent tous les produits et toutes les coutumes de la planète, tout se peut et tout arrive. Chaque navire est une scène de travail différente, avec ses décors, ses contraintes, ses avantages et ses pièges. Au Bord-de-l’eau le possible se manifeste de manière encore plus extraordinaire puisque le vent, la pluie, la neige ou la glace saisissent le fleuve en un instant et peuvent métamorphoser le pont d’un bateau en quelques secondes.
Le Bord-de-l’eau enfin, aucun débardeur ne dit « le port », se distingue par la culture particulière de ses travailleurs qui de génération en génération ont nourri la faim grandissante d’une ville en pleine expansion. Pour elle, ils ont vidé les bateaux * et déposé sur les quais, dans les hangars ; fruits, grain, voitures, fer, bois, sucre, vêtements, épices, etc. Pour la ville affamée qui tourne le dos à son fleuve et pour leurs familles, les débardeurs ont vécu, travaillé, souffert et tissé d’un bout à l’autre des rives leur légende bien à eux.
Les anecdotes et les petites histoires que racontent ici les travailleurs du Bord-de-l’eau, truculentes ou dramatiques, comiques ou absurdes, transportent le lecteur de l’autre côté des clôtures et des gares de triage qui séparent Montréal des quais. Elles le posent à la hauteur du débardeur et lui permettent l’espace d’un instant de découvrir un pan de la culture et de la vie de ces personnes tout à fait ordinaires qui ont choisi un métier plus grand que nature.
* Les débardeurs désignaient souvent un navire par le terme marin: "bâtiment".
Les anecdotes

Le port de Montréal vers 1958. Immédiatement derrière ; le Vieux-Montréal.
Au travail
Carnet d’un débardeur avec la mention du fameux bouton qui l’identifie comme un membre en règle du local syndical et admissible à "travailler sur les quais".

Débardeurs au treuil.
Les « Family Gangs »
Mise en contexte :
Jusque dans les années 60, le travail au port est fait par des équipes de 18 à 25 débardeurs. Il y a alors près de 100 de ces équipes surnommées « Family Gangs » car leur noyau est le contremaître qui choisit les hommes qui composent son équipe en embauchant souvent ses proches.
En principe, les débardeurs ne sont redevables qu’à leur contremaître et à personne d’autre. Les contremaîtres font également partie du syndicat et chacune des équipes a généralement son territoire sur les quais.
Pour charger ou décharger leurs navires, les armateurs embauchent les contremaîtres de leur choix et les équipes qui viennent avec.
L’administration du port proprement dite intervient peu dans cette relation.
Un « Family Gang » vers les années 1920 - 1930

(1) Bibeault, Réal « Étude monographique du local 375 affilié à l’Association internationale des débardeurs », Maîtrise en Relations industrielles, Université de Montréal, 15 mars 1954.

Dans un article paru en 1905, le journaliste Léon d’Ornano raconte le travail des débardeurs de Montréal :
http://jeanprovencher.com/2013/07/22/debardeur-au-port-de-montreal
Mais je reviens aux débardeurs montréalais, puisque c’est d’eux que j’entends vous entretenir. Vous savez que leur rôle consiste à décharger les marchandises arrivées dans les paquebots, sous d’autres cieux. C’est, prenez-en ma parole, un travail fort pénible. Aussi, pour la plupart, ces hommes sont-ils de rudes gaillards, très solidement bâtis. À Montréal, on en compte quelques centaines. Par trente ou quarante à la fois, ils travaillent (ce sont des équipes) sous les ordres d’un contremaître. Voici, en peu de mots, comment ils s’acquittent de leur ouvrage.
Dès qu’un navire est amarré à quai, que les passerelles volantes ont été mises en place, nos hommes, selon des ordres reçus, se divisent entre eux la cargaison. Les grues à vapeur, grinçant et geignant, faisant un bruit d’enfer, sont mises en mouvement. Alors, avec un rythme énervant, de grosses chaînes ou câbles, munis d’un anneau, d’un crochet, ou d’une petite plate-forme, sont amenés à fond de cale.
On attache la marchandise à ce système. Un cri se fait entendre, la grue trépide [sic] abominablement, et le pesant ballot monte vers le ciel bleu que, d’en bas, le pointeur voit au travers des écoutilles à l’ouverture béante et dangereuse.
La même manœuvre recommence, identique, des milliers de fois, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à fond de cale, ou dans le compartiment qu’on décharge. Rien de plus monotone, de plus fatigant que ce travail, dans une atmosphère confinée, en des locaux qui n’ont pas vu le jour de toute une longue traversée. Et les débardeurs peinent fébrilement, car le temps est compté, le paquebot doit repartir à jour et heure fixes. Aussi, ces braves gens se surmènent-ils ; parfois, par amour du lucre (ils sont à Montréal assez bien payés, pouvant gagner jusqu’à $4.00 par 24 heures), les débardeurs, dis-je, restent deux ou trois jours sans dormir.
À un moment donné, ces pauvres gens sont absolument vannés de fatigue, ils chancellent, dorment presque debout, se meuvent comme des automates. C’est ma foi malheureux, et l’autorité devrait empêcher ce surmenage. Car, je l’ai déjà dit ailleurs, c’est à ces moments et de par cette somnolence naturelle chez les hommes ainsi épuisés de travail que se produisent des accidents trop souvent mortels. Tantôt, le débardeur endormi ne prend plus garde à lui, et se laisse écraser par un lot de marchandises mal attachées qui retombent au fond du navire ; d’autres fois, le pauvre homme, tel un somnambule, inconscient du danger, tombe au travers d’une écoutille et se tue.
On a beau le prévenir du danger, multiplier les lampes électriques sur les ponts, l’envoyer se coucher maintes fois dans la nuit, rien n’y fait, le débardeur veut achever sa nuit, et il continue de travailler, appelant pour ainsi dire l’accident mortel qui, dans son foyer, laissera une veuve éplorée et des orphelins désemparés par la mort du chef de famille.
Chez nous, le plus souvent, le débardeur est un homme robuste de vingt à quarante ans, qui, voulant travailler, gagne son pain à la sueur de son front.
C’est, par exemple, un cultivateur « en rupture de ferme ». Il sait que, sur les quais, en quelques mois, il peut gagner assez pour faire vivre les siens le reste de l’année, et il s’y rend ; heureux d’y pouvoir être embauché continuellement, durant l’été et une partie de l’automne, qui représentent, comme l’on sait, notre saison de navigation sur le Saint-Laurent. D’autres fois, le débardeur est un marin débarqué qui aime mieux ce genre de labeur que de faire le quart, ou de manœuvrer, sur le bout dR

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