Campagne des émigrés dans l Argonne en 1792
109 pages
Français

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Campagne des émigrés dans l'Argonne en 1792 , livre ebook

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Description

Le 14 Juillet 1789, la Bastille tombait sous l’assaut formidable du peuple : c’est le premier acte du drame révolutionnaire. Désormais la royauté est démasquée, prisonnière, vaincue. Déjà les débauches et les dettes du comte d’Artois en font le prince le plus impopulaire de Paris. Aussi, le 18 juillet, il passe la frontière avec ses familiers. Il emmène Mme de Polastron. Ce départ est joyeux ; on est convaincu que, dans trois mois, on fera une rentrée triomphale.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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EAN13 9782346125814
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Antoine Lapierre
Campagne des émigrés dans l'Argonne en 1792
AVANT-PROPOS
L’histoire de la Campagne des Emigrés dans l’Argonne en 1792 est éparse dans divers ouvrages. Le professeur Chuquet l’a magistralement racontée dans ses grandes lignes (Les Guerres de la Révolution). Mais des détails nombreux sont restés ignorés, enfouis dans les Archives publiques ou dans les manuscrits inédits. Il était indispensable, pour l’étude de cette époque, de réunir tous les documents qui intéressent cet épisode. Il y avait là une lacune que j’ai voulu combler.
Pour que ce récit reflète fidèlement l’état d’âme des contemporains, il faut placer l’armée des Princes dans son cadre historique et étudier le milieu dans lequel elle se mouvait.
Déjà la génération qui se levait, imprégnée des théories nouvelles, regardait d’un œil méfiant et irrité les défenseurs du passé. La présence des régiments de Bouillé dans l’Est y créait un malaise permanent. Après le drame de Varennes, des haines latentes sommeillaient, prêtes à éclater. L’arrivée des armées régulières en Champagne et les proclamations retentissantes des généraux exaltaient le patriotisme du paysan qui, debout sur son sillon, prêtait une oreille attentive à tous les murmures venus de la frontière. Les volontaires de 1791, et surtout ceux de 1792, en garnison dans nos petites villes, y avaient semé leur fanatisme et leurs violences. Un vent de révolte soufflait. L’ardent conflit des idées allait provoquer des luttes à main armée. Ces événements feront comprendre les ressentiments qui enveloppèrent les émigrés, et expliqueront les persécutions qu’ils subirent. Il était donc nécessaire de grouper autour de cette relation tous les faits contemporains de l’histoire locale.
On ne trouvera dans ce travail que la narration des actes quotidiens, dans toute leur simplicité ou leur tristesse. Pour les connaître, j’ai évoqué le souvenir des vieux parents qui, dans les longues veillées d’hiver, contaient à ma prime jeunesse ces journées fiévreuses. J’ai feuilleté les mémoires des royalistes qui, à un titre quelconque, prirent part à cette manifestation armée ; mais elle avait laissé une blessure si profonde en leur âme que nombreux sont ceux qui ne font qu’effleurer le sujet : on oublie si volontiers les heures douloureuses de la vie ! J’ai interrogé les monuments et les paysages ; j’ai relu les discours et les journaux du temps, pour me pénétrer des sentiments de tous. J’ai exploré à Paris les Archives Nationales et celles du Ministère de la Guerre. J’ai fouillé les Archives de Lorraine à Metz, celles de la Meuse, de la Marne et surtout des Ardennes. J’ai réuni en un faisceau, aussi impartialement que possible, tous les éléments de la question, — et je viens greffer ce très modeste rameau sur le vieux tronc de l’Histoire.
I
LES ÉMIGRÉS A COBLENTZ
Le 14 Juillet 1789, la Bastille tombait sous l’assaut formidable du peuple : c’est le premier acte du drame révolutionnaire. Désormais la royauté est démasquée, prisonnière, vaincue. Déjà les débauches et les dettes du comte d’Artois en font le prince le plus impopulaire de Paris. Aussi, le 18 juillet, il passe la frontière avec ses familiers. Il emmène M me de Polastron. Ce départ est joyeux ; on est convaincu que, dans trois mois, on fera une rentrée triomphale. On va chercher des alliés pour châtier les rebelles et créer le noyau de la future armée des Princes. Mais cette fugue est désastreuse pour la famille royale.
Les émeutes des 5 et 6 octobre sèment de nouvelles alarmes et chassent un nouveau flot d’émigrants. L’affaire de Varennes (22 juin 1791) enlève à la noblesse ses dernières illusions. Désormais l’esprit républicain s’affirme. Monsieur quitte Paris le même jour que son frère et, plus heureux que lui, gagne Bruxelles sans encombre 1 . Mais après l’assemblée du 22 juin, qui exige le serment des officiers, l’émigration devient légion. A Rocroy, le colonel du régiment de Vivarais convoque d’urgence le corps des officiers le 28 juin. « Le roi n’est pas libre, leur dit-il ; les députés sont des révoltés auxquels il serait honteux d’obéir ; nous refusons le serment. » Quatre heures plus tard, ils quittaient Rocroy avec armes et bagages et passaient en Belgique. Deux mille officiers désertèrent de septembre à décembre 1791. Tous ceux qui portaient la particule durent fuir devant l’indiscipline et la haine des soldats. La cavalerie émigra plus tard (avril-juillet 1792) ; les officiers restèrent pour toucher leurs appointements et entraîner les hommes à la désertion : deux régiments émigrèrent en entier, le Royal-Allemand et les hussards de Saxe.
C’est alors qu’on prêche une véritable croisade dans les châteaux. Le mot d’ordre passe de manoir à gentilhommière, de régiment à vaisseau. L’exode est continu. Cela devient une mode, une partie de plaisir. Les filles de Paris insultent ceux qui ne partent pas et leur envoient des quenouilles. On abandonne les souverains à tous les périls. Le roi dit à M. de Blacquetot : « Si vous voulez me servir, ce n’est pas à 300 lieues de moi qu’il faut courir, c’est près de moi qu’il faut rester. » La reine délaissée traitait de lâches les émigrants. Ceux qui regardaient comme un devoir de veiller sur la famille royale étaient injuriés, considérés comme révolutionnaires.
Alors, de toutes les provinces de France, la noblesse reflue sur Coblentz. Dans une seule journée, il passe 53 carrosses à Cambrai. Les plus modestes vont à pied, sac au dos, comme des bohémiens, portant leur pain, marchant la nuit, cherchant du repos dans les bois et les fermes isolées. C’est un mélange d’enfants et de vieillards, jargonnant tous les patois. A la frontière, les enfants, au rire narquois, chantent :

Eh ! Lon Ion là, laissez-les passer
Sur les terres de l’Empire.
Eh ! Lon Ion là, laissez-les passer. Ils auront bientôt le nez cassé.
Coblentz déborde de ce torrent d’hommes. Chaque jour affluent des voitures de toutes formes : berlines armoriées, carrosses dorés, diligences, pataches. Les grands seigneurs entrent en campagne avec leur femme et leur maîtresse. Les élégantes arrivent en des chaises de poste où s’entassent cartons et caisses.
Bruxelles, qui fut toujours hospitalière aux vaincus de la politique, est le rendez-vous de l’émigration qui festoie. On y passe sa vie à s’amuser, à danser, à se griser. Les officiers de marine, qui gagnaient péniblement Coblentz, traversèrent Bruxelles et rencontrèrent une foule d’émigrés fringants, en galante compagnie. Ces jeunes insolents toisèrent de haut les petits gentilshommes, dont il eût été décent de respecter la glorieuse misère. Ils seront moins arrogants après Jemmapes (6 nov. 1792) quand, écrasés par le reflux des Autrichiens vaincus, chassés par les soldats de Dumouriez, ils s’enfuiront en une indescriptible cohue.
Le 12 novembre 1791, le comte de Provence et le comte d’Artois, quittant leur campagne, viennent s’établir à Coblentz. Malgré la pénurie de leur trésor, ils se livrent à de folles dépenses et s’entourent d’un luxe royal. Ils ont salles de gardes, pages, sentinelles. Ils mettent sur pied deux compagnies de gardes. Les Cent-Suisses du roi servent à la garde de leur logis, et deux compagnies à pied du corps des officiers de marine font près d’eux un service journalier. L’écurie d’Artois a quatre-vingts chevaux. Il y a cent couverts à leur table cinq jours par semaine.
Le comte de Provence est un philosophe sceptique, gaulois, un bel esprit avec un appétit superbe. Il a une indomptable confiance da

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