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Description
Informations
Publié par | Jourdan |
Date de parution | 17 décembre 2018 |
Nombre de lectures | 1 |
EAN13 | 9782390093367 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
© Éditions Jourdan
Paris
http://www.editionsjourdan.fr
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ISBN : 978-2-39009-336-7 – EAN : 9782390093367
Toute reproduction ou adaptation d’un extrait quelconque de ce livre par quelque procédé que ce soit, et notamment par photocopie ou microfilm, est interdite sans autorisation écrite de l’éditeur.
Thierry de swaef
homo imitator
La surprenante histoire du biomimétisme
Préface
Le biomimétisme est comme l’air qu’on respire. Il a imprégné la vie de notre espèce depuis qu’elle est apparue quelque part en Afrique, comme celle de nombreuses espèces avant elle. Présent chez tous les organismes assez communicatifs pour comparer leurs actions à celles des autres, pour les améliorer en les imitant. Tel un chimpanzé attentif à sa mère cassant des noix entre une pierre et son enclume, telle la baleine à bosse améliorant son chant en écoutant celui des autres, tel un étourneau imitant la ritournelle du traquet du désert pour mieux séduire sa belle, tel l’acacia rendant son feuillage toxique pour les antilopes dans le sillage de ses voisins, tel un Inuit copiant les proportions du trou de neige de l’ours polaire pour en déduire son igloo. Observer les autres pour en apprendre de quoi vivre mieux se faisait sans réfléchir, quand les humains vivaient essentiellement entourés des autres qu’humains, et pas seulement entre eux.
Et puis il y a une seconde dans l’année cosmique, certaines cultures ont inventé un nouveau mode de vie, mariant pêle-mêle et, dans le désordre, l’agriculture, le patriarcat, les organisations hiérarchiques pyramidales, l’écriture et les villes. « L’Homme », ou plutôt certains d’entre eux ont inventé la « civilisation », se sont progressivement coupés des autres espèces, au point d’en faire un vaste fourre-tout (nous versus tous les autres) nommé « nature » pour finir par mieux les réduire à des objets exploitables et corvéables à merci. Un hiver généralisé s’est abattu sur les arbres de la Terre, qui se sont mis à tomber plus vite qu’ils ne repoussaient ; et puis l’Océan lui-même a commencé à se vider de ses habitants à écailles. Les civilisés ont fini par miner charbon, pétrole et gaz, ce surplus de soleil fixé il y a des millions d’années par le phytoplancton et les grandes forêts humides. Un déchainement d’énergie constructeur de deux nouvelles révolutions, l’industrielle et la digitale, destructeur de tout le reste, de tous les autres qu’humains (et d’un nombre certain d’humains dans le même mouvement).
Le biomimétisme ? Il a patienté, le temps que certains civilisés se réintéressent aux autres espèces, les observent, les décrivent, les classent, les dissèquent ; le temps que certains civilisés perçoivent leurs cortèges, leurs tribus, leurs écosystèmes, leurs relations proches et lointaines, les flux les connectant ; le temps que certains civilisés réalisent l’étendue du massacre, à coup d’envahissement de leurs territoires, de destructions ciblées, d’immenses mines à ciel ouvert, d’injection massive de substances toxiques impossibles à digérer, de changements climatiques mille fois trop rapides pour s’y adapter.
Et puis l’heure de l’émergence du biomimétisme a sonné, enfin. Grâce à l’intuition d’une naturaliste vivant au cœur de l’empire des civilisés, une « femme des bois » de l’Ouest américain. S’appuyant sur un mélange d’émerveillement pour la beauté et le génie du vivant, et sur son inquiétude et sa colère face aux cicatrices béantes, physiques et chimiques laissées dans sa région par la brutalité de l’industrie minière et dans le monde entier par la civilisation thermo-industrielle. Janine Benyus a été celle qui l’a compris complètement : oui, il était plus que temps de nous tourner vers l’expérience accumulée sur des milliards d’années par des millions d’espèces pour prospérer sur cette boule de roches perdue dans l’espace, pour créer cette mince couche multicolore de vie grouillante et perpétuellement changeante nommée Gaïa. Pour nous tourner vers les « Principes du Vivant », ces grandes règles de fonctionnement communes à la majorité des espèces et des écosystèmes animant notre planète aimée. Et pour nous sortir de cette – très – mauvaise passe dans laquelle nous nous étions embourbés, il était temps de battre le rappel de cette expertise, et de reconstruire des partenariats non seulement avec les autres espèces, mais aussi avec toutes leurs techniques, idées, stratégies ou modes d’organisation. Le biomimétisme pouvait resurgir, enfin, ou plutôt nous pouvions nous rappeler, enfin, que nous baignions dans l’air, le respirions et en dépendions pour vivre.
Depuis ce trait de génie incarné dans son livre de 1997 (déjà), le biomimétisme revient… Il essaye de s’insinuer dans nos villes, nos industries, nos modes de consommation, et même notre vision du monde. Bien sûr, en même temps qu’il se développe, comme tout courant du « développement durable », il se fait progressivement diluer, récupérer et « greenwasher » par le capitalisme. Vingt-cinq ans après Janine Benyus, Thierry De Swaef apporte à son tour sa contribution à cette mutation culturelle indispensable, à ce changement de récit. Au fur et à mesure du voyage qu’il propose, nous sentons alterner les vagues d’émerveillement, d’inquiétude et de colère lorsqu’il décrit le fonctionnement des sols, de la photosynthèse bio-inspirée, de la colle magique des moules, du déboisement généralisé ou de la surexploitation annoncée des minéraux nécessaires aux énergies dites (faussement) « renouvelables ». Il rajeunit au passage la liste d’innovations biomimétiques, dans un style clair et accessible, tout en puisant dans le contraste offert par les exemples sans ambition en durabilité de la robotique. Quand il l’estime nécessaire, il déroule ses histoires favorites dans leur passionnant contexte historique plus global. Finalement, il n’hésite pas à partager sa sensibilité et ses coups de gueule, appelant à la rescousse des hommes en colère comme Nicolas Casaux ou Derrick Jensen, et ne cache pas ses doutes quant à la différence de rythme entre ce que le biomimétisme tente de reconstruire et la poursuite de la destruction infernale de la méga-machine que nous faisons tourner chaque jour à travers notre mode de vie, choisi ou subi.
Il reste tout le plaisir d’un livre bien documenté, qui se lit comme un roman, avec fluidité et facilité. De quoi enseigner, inspirer et toucher ; de quoi donner envie de regarder et rencontrer autrement nos cousins et cousines autres qu’humains ; de quoi sentir l’immense espace de trouvailles et d’innovations cachées au cœur du vivant, et mieux encore, de quoi peaufiner notre discernement pour ne pas nous laisser entrainer par de fausses pistes « high-techo-bling-bling » toujours basées sur les fossiles et une gabegie de métaux ; de quoi nous mettre en mouvement pour préparer avec les autres, TOUS les autres, notre transition plus ou moins chaotique vers une civilisation post-pétrole réinsérée dans les grands flux de l’écosystème Terre, nos retrouvailles avec la grande Histoire de la Vie dont nous nous sommes crus indépendants et que nous n’avons jamais vraiment quittée.
Puisque que comme le biomimétisme, l’air que nous inspirons chaque jour, le Grand Air qui nous entoure, nous traverse et nous constitue, est lui aussi sécrété par les fougères, les diatomées, les pommiers, les cyanophycées, les plants de tabac et de cannabis, les lichens et les algues géantes, et qu’il danse et imprègne l’ensemble des terrestres depuis si longtemps…
Gauthier Chapelle 1
1 . Ingénieur agronome et docteur en biologie, ancien élève de la fondatrice du biomimétisme Janine Benyus, Gauthier CHAPELLE est cofondateur du bureau d’études Greenloop et de l’association Biomimicry Europa . Il est aussi l’auteur, avec Michèle Decoust, d’un ouvrage de référence sur le biomimétisme : Le vivant comme modèle, Albin Michel, 2015, coll. A.M. CLES.
Remerciements
Charles Robert Darwin, Janine Benyus, Alexandre Meinesz, Claude et Lydia Bourguignon, Marie-Monique Robin, Olivier De Schutter, Pierre Rhabi, Pablo Servigne, Marc Dufumier, Charles Hervé-Gruyer, Gunter Pauli,