Imani
168 pages
Français

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Description

« Mère a raison. Nous ignorons où mon père se trouve. D'ailleurs, aucun de nous ne croit plus qu'il puisse être encore en vie. Cet entêté soldat s'obstinait cependant à croire qu'on en savait bien plus qu'on ne voulait le laisser paraître. Jusqu'à cinq qu'il devait compter. À combien pouvait-il en être dans le décompte ? Ces instants, bien qu'insignifiants, suffisaient largement cependant pour que je visse défiler, devant mes yeux hagards, ces périodes fugaces de bonheur que nous vécûmes avant que la guerre ne fît de la région un âtre fumant et puant. » Au Tchad, les conflits entre rebelles et soldats de l'armée régulière menacent l'existence des civils. En cette période tourmentée, Camille, un jeune garçon, assiste à la déliquescence progressive de sa famille. Pour éviter de mourir, son père doit abandonner ceux qu'il aime et s'enfuir. Camille, resté seul avec sa mère et ses sœurs, nous raconte cette enfance troublée par l'irruption de la guerre dans leur quotidien. « Récit de douleur, récit d'espoir, Imani, c'est la lumière qui filtre à travers la brèche, la fleur qui timidement pousse dans le ciment qui vit. C'est un puissant hymne à la vie et à la résilience, magnifiquement écrit par Denis Guedem. »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 août 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342155143
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Imani
Denis Guedem
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Imani
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
À celles et ceux qui, comme nous, se sont vu voler leur passé, qui en souffrent à présent, mais à qui le futur appartient immanquablement.
 
À Jordan Guedem : amour éternel ; Berthe Nenadji : mère et muse.
Préface
« Il y a une fissure en toute chose. C’est par là qu’entre la lumière », chantait Léonard Cohen. Une enfance brisée, une enfance volée par la guerre, l’innocence confisquée par la peur et la violence. Tout perdre, du jour au lendemain. Une famille déchirée et humiliée. Récit de douleur, récit d’espoir, Imani , c’est la lumière qui filtre à travers la brèche, la fleur qui timidement, pousse dans le ciment, qui vit. C’est un puissant hymne à la vie et à la résilience, magnifiquement écrit par Denis Guedem. C’est aussi un hommage à tous les déracinés de la planète, aux personnes qui ont dû laisser leur vie derrière elles pour en commencer une nouvelle. Parce que l’histoire sous-jacente à ce livre, qu’on ne trouve pas dans ses pages, c’est aussi celle de l’exil, du recommencement et de l’intégration à une nouvelle terre d’accueil. Quitter son pays de naissance, refaire sa vie ailleurs, s’intégrer à une communauté, écrire et publier un livre : quel parcours et quelle histoire inspirante ! L’auteur, établi à Joliette, incarne admirablement la richesse que représentent les nouveaux arrivants pour le Québec, dont ils viennent embellir le visage, avec leur expérience et leur bagage culturel. Ensemble, nous allons continuer à forger cette histoire commune.
Ensemble, nous allons avancer avec confiance, et « demain nous sourira ».
 
Véronique Hivon Députée de Joliette
Livre I
Fragment d’épouvante
Eastwood ou Wayne, pour moi c’est boule de neige et neige en boule. Je n’ai jamais songé à avoir de prédilection pour l’un uniquement, émerveillé au même titre par la dextérité dont firent montre ces cow-boys quant au maniement d’un colt ou d’une winchester.
Cependant, la froideur du canon d’un automatique caressant son visage suintant suffit amplement pour tout changer en un homme, qu’importe le métal dont il est constitué. Transformer sa passion en frisson, sa résolution en une peur d’un bleu unique.
Il n’est point d’homme qui fasse le téméraire face à un instrument de la mort, aucun qui d’airain demeure devant la faucheuse.
Je tremble comme un fétu défraîchi dans le sillage des vents du nord dévalant furieusement des cimes de l’Ennedi 1 , pour hurler sur les vallées austères de Fada 2 . Le canon glisse de mon front à ma tempe, de ma tempe à ma bouche, s’y enfonce en produisant à chaque fois comme un électrochoc.
Bougre ! Un garçon de quatorze ans ne devrait jamais vivre ce genre d’expérience, pas plus que quiconque d’ailleurs.
Mes sœurs et ma mère, dans un coin de la pièce, sont partagées entre rage et sanglots, emplies d’une envie de tuer qu’inhibait leur impuissance.
Quelqu’un pourrait-il, sous un tel supplice, conserver un secret, quel qu’il fût ?
Mère a raison. Nous ignorons où mon père se trouve. D’ailleurs, aucun de nous ne croit plus qu’il puisse être encore en vie. Cet entêté soldat s’obstinait cependant à croire qu’on en savait bien plus qu’on ne voulait le laisser paraître.
Jusqu’à cinq qu’il devait compter. À combien pouvait-il en être dans le décompte ? Ces instants, bien qu’insignifiants, suffisaient largement cependant pour que je visse défiler, devant mes yeux hagards, ces périodes fugaces de bonheur que nous vécûmes avant que la guerre ne fît de la région un âtre fumant et puant.
La vie a une amère façon d’agencer ses clichés. Les peines aux joies se succèdent souvent avec une vitesse effrénée.
Quatre !
Le chiffre résonne, cingle comme un glas qui me ramène dare-dare à la réalité. C’est dès cet instant en principe, comme au cinéma, qu’au plus profond de soi et intrépide, l’on essaie de se convaincre qu’on ne craint plus d’avoir la tête séparée du reste du corps par un coup sec et mesuré de la faux ; quitte à s’enfoncer délibérément dans le couloir de la mort, pressé de rejoindre la lumière blanche qui, à son extrémité, luit malicieusement.
Seulement, pour moi, rien ne se passe comme dans les films. Quelque chose de froid continue de me courir dans le dos. Mon cœur bat vite, trop vite, fouaille mon poitrail à l’en taillader. Assez tôt, de grosses gouttes de larmes soudainement se mêlent à la morve et à la bave. Les syndromes de l’effroi, la peur de mourir. Ce type d’épouvante dont fut saisi bien longtemps avant moi, un homme au sommet du Djebel-el-tur 3 .
Quelqu’un pourrait-il de moi éloigner cette coupe ?
Éloi ! Éloi ! Lama sabachthani 4  ?
Quoiqu’il n’y eût pas vraiment, dans le cas précis du Nazaréen, de raisons de se plaindre. Y a-t-il fin plus noble pour charpentier, dites-moi, que le clouage sur une croix de bois ? C’est bien comparable à ce soldat qui, au plus fort de la bataille, passe l’arme à gauche, la baïonnette fermement tenue à la main. De même que ce comédien qui, dans le feu de l’intrigue, tombe sur les planches. On ne peut vraiment rêver mieux.
Mais pour moi, y aurait-il seulement une raison pour que je ne geigne comme une pucelle ?
Cinq ! Le cran de sûreté saute dans un bruit qui me fait, un tant soit peu, penser au couperet d’une guillotine qui, comme un supersonique, descend impitoyablement de l’échafaud. Pourquoi mon esprit arrive-t-il à errer à ce point ? Et en pareille circonstance.
Dur de vivre, c’est sûr. Mais encore plus dur de mourir.
L’index du troufion se crispe enfin sur la détente. Je ferme les paupières et, tentant une déconnexion d’avec le réel, sombre dans d’enténébrées profondeurs où me parvient malgré tout, le barouf carillonnant d’une détonation.
Livre II
I Un matin comme un autre
(Yaoundé 5 )
 
Il était très peu de jours où mon réveil n’était pas semblable. Baigné de sueurs abondantes, mon corps entier était secoué çà et là de soubresauts sporadiques. Ma respiration était irrégulière. Le sort de ma literie était également le même qu’à l’accoutumée. Concrètement, il planait une odeur forte et fétide d’urine et de peur.
Le cauchemar horrible !
Les secondes qui suivirent, comme d’habitude, la silhouette longue et fluette de père se profilait dans l’embrasure de la porte. Il brandissait cette mine effroyable des jours où rien n’allait. Sans broncher, et de son regard vide, il me considéra sous toutes les coutures, attendant que j’aie complètement recouvré mes esprits pour, comme il en avait le chic, me tirer dessus à boulets rouges. Finalement, il se résolut à prendre place près de moi. Mon petit lit geignit passablement sous son poids.
« Tu me déçois énormément, fils », commença-t-il en affichant un rictus formellement réprobateur lorsqu’il aperçut sur le drap la mouillure que je tentais désespérément de dissimuler.
Je n’arrivais pas à me départir de mon malaise et lui de sa déconvenue.
« Ce que tu as vécu est un drame, c’est vrai. Mais il faut que tu saches que tu n’as pas été le seul acteur de ces quelques pages sombres de nos vies. Regarde tes sœurs, il me semble des fois qu’elles sont bien plus fortes que toi. »
« Tu devrais avoir honte », embraya-t-il avec son même timbre monocorde. Il avait de l’entrain et de la répartie dans cette conversation qui, à son grand regret, prenait des allures de soliloque. On aurait dit que les fils de son homélie se seraient enchevêtrés et auraient tordu le cou à son sens du développement, s’il s’était arrêté, ne fût-ce qu’une seconde pour reprendre son souffle.
« Désormais, tu es un homme, dit-il, puis tout ça remonte à si longtemps. Tu devrais apprendre à oublier, fils, tourner une page, puis l’autre et commencer de zéro avec ce que ce pays nous offre comme opportunités. »
Oublier ! Cela semblait toujours si commode quand on entendait père en parler. Mais l’oubli n’est pas un savoir que l’on acquiert, une chose que l’on apprend, que l’on s’approprie. On oublie ou on n’oublie pas, c’est tout, il n’en existe pas d’apprentissage.
« Il est encore très tôt, fils, et tout le monde dort encore. Alors tu vas te lever et faire disparaître toutes les traces de ton méfait. Nous nous arrangerons pour que personne n’en sache rien. Tu es d’accord ? »
En guise d’acquiescement, je lui adressai un timide hochement de tête qui sembla le satisfaire. Il m’échevela tendrement, se leva et, marchant sur la pointe des pieds pour ne réveiller personne, tira sa révérence.
Finalement, tout s’était plutôt bien passé. Père ne m’avait pas semoncé comme je me l’étais figuré. Il était dès lors question que tout soit propre et net avant que mère ne se réveillât. C’était elle notre couche-tard-lève-tôt.
Sans perdre une seconde de plus, donc, je changeai le drap qui recouvrait le lit et ouvris grand les volets pour évacuer le remugle habituel auquel commençaient, peu à peu, à se mêler d’âcres et jusqu’ici inconnues exhalaisons.
Un courant d’air frais et combatif tentait désespérément de pénétrer dans la pièce. Ce n’était pas une mince affaire avec la pestilence qui, vaillamment, lui barrait la voie et bataillait avec acharnement afin de l’évincer du territoire qu’elle s’était si chèrement arrogée.
N’importe qui au vu de mon exécution experte et calculée y aurait vu sans doute que j’avais du métier. Autrefois, je lavais aussi dra

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