IMMEUBLE NAL, DOUALA
100 pages
Français

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Description

Un jeune garçon narre un périple qui nous fait entrevoir une fresque de l’Afrique des années 70 - 80, avec toute la musicalité de cette époque faite d’humour, d’amour et d’humeurs parfois gracieuses, quelquefois hilarantes, rarement crasses et occasionnellement fauves. Fara raconte ses allégories fourmillantes, depuis l’école Saint Jean-Bosco - avec ses maîtres tous « aussi fieffés chicotteurs » abonnés à la bastonnade, surtout au fameux supplice du « tendre par quatre » - en passant par les Cours Sainte-Marie de Hann ou le pater venait le prendre dans sa Renault 12 pour rentrer à Pikine Icotaf. Il fait resurgir le royaume qui a construit son enfance - fait d’êtres qu’il a aimés et d’autres qu’il ne (re)verra jamais - où celle qu’on appelle affectueusement la Mamma tient le rôle de reine qui régit les affaires de la résidence, le pater, lui, tenant les rênes de l’envergure-chef de famille africaine élargie à tous les parents venus d’ici et d’ailleurs. De ce pays, que le pater a quitté - « perché sur des sacs de charbons », comme aime à chahuter la grand-mère paternelle -, mais en bon et éternel mouride pour le Kamerun, au point de donner pour nom q sa bijouterie « Khadimou Rassoul » (surnom donné au vénéré Cheikh Ahmadou Bamba), la culture et les bonnes senteurs du thiouraye s’entêtent pour flatter, dans la complicité, l’humus verdoyant et vif du pays hôte. Et dans la chaleur de cet immeuble Nal où toute la famille se retrouve en appartement, l’enfant-narrateur - lecteur-né, qui adore dévorer les livres jusqu’aux romans qui sont au programme des classes de ses sœurs aînées - a tenté d’ériger son empire pour forger son emprise sur la vie, dans un déluge de chroniques faites de mots et maux, après s’être régalé, quelque soir, de «‘soya’, la viande grillée au feu de bois sur des fûts ouverts aux deux extrémités ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 décembre 2023
Nombre de lectures 4
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Photo de couverture, droits réservés ollection privée d’Ousseynou Nar Gueye
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La mamma est un regard, au-dessus de sa haute stature et de sa démarche l’amble. A l’inverse des dieux sur lesquels il ne fallait pas se retour-ner pour les scruter, sous peine d’être changé en statue de sel ; elle, c’est une œillade me-naçante et silencieuse, dardée sur les enfants, qui suft à les tétaniser. Elle s’arrête alors pour lancer ces éclairs de ses yeux. Elle a un regard pour dire : “tais-toi, tu parles trop !». Elle a un coup d’œil pour dire : «Arrête tes conneries de jeu dangereux !». Elle en a un pour dire : «manges plus proprement ! «. Avec ses grands yeux en amande souvent écarquillés : elle est LE regard. Le paternel n’avait pas encore dans la bouche de sa progéniture le nom de «Vieux» ; «le Vieux», surnom qui ne sera jamais pronon-cé en sa présence, quand il prospérera.
«Le Vieux est là ?» «Le Vieux est sorti ?» «Le Vieux a voyagé ?» Non, il est dans la force de l’âge, au milieu de sa cinquantaine. Son seul œil valide est pétillant, sombre ou bienveillant. Son autre œil de borgne, il le garde ouvert et on n’en voit que le blanc, dépourvu d’iris. Sa lèvre inférieure lippue a une excroissance au coin droit, une cicatrice protubérante. Pour la bouche comme pour l’œil rendu inutile, la lé-gende familiale véhiculée par le griot du père assure que cela a été causé, dans son jeune âge, par des ruades d’un cheval sauvage qu’il avait voulu dompter. L’équidé n’avait pas non plus épargné sa jambe gauche, qu’il a plus courte que l’autre. Il claudique donc mais, marche d’un pas rapide, dans ses pantalons serrés, encore en patte d’éph de la n des an-nées septante, futal qui lui moule l’entrejambe renflée et qui forme un uniforme habituel, avec l’abacost à manche courtes et à trois poches
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qui sert de vêtement du haut. Que portait-il en dessous ?
Des slips kangourous, blancs immaculés, taille XL, que moi et mes frères et sœurs, les enfants, pouvons voir à sécher au soleil en rang de sept, sur la corde à linge de la cour de l’im-meuble Nal, les dimanches, lavés par la mam-ma. Sur la ligne à sécher, il y a aussi cinq ou six marcels blancs à petits trous du pater, en coton de haute qualité, qui pendouillent là, droits, te-nus à l’envers par des pinces à linge et bien étalés comme il faut. La mamma est une femme de devoir.
- Fara - Oui, mamma ? - Passe-moi des pinces à linge, dit la mamma en wolof. - Oui, mamma, réponds-je, dans la même langue.
Je n’ai pas le privilège que la mamma lave un quelconque de mes vêtements. Personne d’autre dans la maison n’y a droit. C’est le boy qui s’en charge. Quand je serai grand et que j’aurai une épouse, lavera-t-elle elle-même mes sous-vêtements ? Oui, bien sûr, c’est dans l’ordre normal des choses, non, C’est décidé : ma future femme sera la lingère exclusive des textiles qui auront été en contact étroit avec mes ‘‘bijoux de famille’’ ! Eh, bien que je n’ai que sept ans, je sais déjà que c’est avec ces ‘‘bijoux’’ qu’on fait des bébés ! Je ne sais pas encore que quand je serai devenu grand, adulte, les machines à laver, dont je n’ai pour le moment jamais entendu parler, seront deve-nues des commodités accessibles…
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Ce soir, le pater joue aux cartes. Il adore y jouer. De manière sérieuse, avec ses amis, bi-joutiers comme lui. Ceux-ci viennent à Douala, chez lui, en provenance de Yaoundé, de Ga-roua, au Kamerun ; mais aussi du Gabon et du Congo-Brazzaville. La mamma étend alors une grande natte dans la cour, qui y restera plu-sieurs jours d’aflée. Les joueurs y sont assis en cercle, en position du lotus. Leurs membres inférieurs sont à l’aise dans cette posture, du fait de leur pratique quintuple quotidienne de l’oraison musulmane qui leur rend les jambes aptes aux positions de gymnastes. Mais pen-dant trois jours, ils n’ont pas la tête à prier Al-lah. Ils jouent aux cartes. Sérieusement. Ou ils sont assis avec une jambe pliée en hauteur, et l’autre, avec le genou au niveau du men-ton, comme des fakirs indiens. Ils jouent à la belote. De fortes sommes sont en jeu. Des mil-lions. Quand je jette un coup d’œil clandestin, je vois les billets de banque, de fortes cou-pures, entassés en petit tas au milieu du cercle de la natte tressée en plastique. Le silence règne. On n’entend que le flip-flap des cartes abattues par les joueurs. Et toutes les dix mi-nutes, une exclamation du gagnant de la mise, qui s’esclaffe. Ils tiennent comme ça tout le l des trois jours, sans dormir. Sur la natte. Les joueurs ont envie de se sustenter. La mamma est interpellée.
- Rokhaya, il n’y a rien à manger dans cette maison ? grogne le pater. - J’apporte à manger, mon époux cher, répond la mamma.
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« Époux cher » se dit littéralement « Oncle ma-ternel » dans notre langue, car le mariage entre oncle maternel et nièce est vu comme le meil-leur des conjungos chez les Wolofs, y compris lorsque ceux-ci s’exportent hors du Sénégal. Aussi, toutes les femmes qui se veulent exem-plaire, c’est-à-dire obéissante, « à la cuisse à chair tendre » dit-on, appellent leur mari « oncle maternel, qui se dit « Nidiaye ».
Bientôt, les joueurs piochent dans des plats de viande grillée, que la mamma leur apporte. Il y a aussi une inavouable bouteille trapue et large de Chivas Regal, whisky de dix-huit ans d’âge, avec son liquide jaune mordoré, qu’ils lèvent de temps en temps pour se servir, sans jamais s’en enivrer. Ça les tient éveillés, ça leur tient chaud au cœur, chaud au corps. Les enfants ont interdiction de toucher aux cartes à jouer, de tout temps. Ils ne comprennent rien aux règles, ésotériques pour eux, de la belote. Je me tiens furtivement dans l’embrasure de la porte du vestibule et les observe, en train de jouer, dans la nuit de la cour. De temps à autre, les joueurs changent de jeu de cartes. Ils ouvrent un nouveau paquet. Il y a trop de risques que l’un des joueurs ait marqué des cartes gagnantes d’une pincée de son ongle. Ils ne se font pas conance, en toute amitié.
- Et vlan ! Je courtise votre mère à tous, éructe l’un deux, en abattant une carte.
Et il part d’un « ha, ha, ha ! », en renversant la tête en arrière, retenant son bonnet des deux mains, pour qu’il ne tombe pas. Avec son mar-cel à trous, on lui voit les aisselles. Son séant reste solide, les jambes croisées coiffées de
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