L Histoire
72 pages
Français

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Description

I. PERSONNE n’ignore qu’il se trouve au pays des Lugnagians des hommes qui ne meurent jamais. On appelle cette espèce de gens, Strutelbrugs. Voici ce qu’en dit le fameux Gulliver , auteur si connu par son amour pour la vérité.« On voit assez fréquemment naître des enfans, avec une marque rouge et circulaire au milieu du front. Cette marque, espèce de brevet d’immortalité, presque imperceptible dans le principe, va toujours croissant.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Publié par
Nombre de lectures 4
EAN13 9782346129942
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.
Ignacy Krasicki
L'Histoire
PRÉFACE DE L’AUTEUR
E NTRE Bilgoraï et Farnogrod, se trouve, au milieu d’un bois, un cabaret, où je m’arrêtai pour me rafraîchir. J’étais assis sur un banc à me reposer. J’aperçus sur un autre un Cosaque, dont la pipe venait de s’éteindre. Il se lève, va à l’écurie, prend un morceau de papier qu’il chiffonne et plie entre ses doigts, l’allume par un bout, puis le porte à sa pipe. Quand il l’a rallumée il jette le papier à terre, monte sur son cheval et part. Comme le papier n’était pas entièrement brûlé, je le ramassai, et lus sur le petit morceau qui restait, les mots suivans : Quand donc nous eumes passé la rivière, Sech se tournant vers les si...... Curieux de voir la suite, je courus à la place où j’avais vu le Cosaque, et je trouvai sous une mangeoire, dans un tas de foin, cette histoire, Qui pourrait s’attendre à découvrir un pareil trésor entre Bilgoraï et Farnogrod ?
LIVRE PREMIER
I. PERSONNE n’ignore qu’il se trouve au pays des Lugnagians des hommes qui ne meurent jamais. On appelle cette espèce de gens, Strutelbrugs. Voici ce qu’en dit le fameux Gulliver  1 , auteur si connu par son amour pour la vérité.
« On voit assez fréquemment naître des enfans, avec une marque rouge et circulaire au milieu du front. Cette marque, espèce de brevet d’immortalité, presque imperceptible dans le principe, va toujours croissant. De l’âge de douze à vingt-cinq ans, elle est de couleur verte, puis elle devient bleue ; à quarante-cinq ans elle est noire comme le charbon, et de ce moment elle ne change plus. La vie de ces sortes de personnes jusqu’à trente ans n’a rien qui la distingue de celle du reste des hommes. On les voit tomber alors dans une mélancolie extraordinaire, qui augmente de jour en jour ; et parvenues à quatre-vingts ans, elles éprouvent tous les inconvéniens de la décrépitude. L’affreuse conviction que leur état ne peut changer les désespère, et les rend insupportables à eux-mêmes et aux autres. »
Je suis un de ces hommes, moi qui me propose d’écrire ici mes aventures. Je naquis au pays des Lugnagians, dans la ville de Gangnapp. Dès que mes parens aperçurent à mon front le signe fatal, ils furent inconsolables d’avoir donné le jour à une créature aussi infortunée. Je vécus jusqu’à quatre-vingts ans dans ma patrie. Je m’étais marié à vingt-cinq. Mon épouse heureusement se trouva stérile, et me délivra de la triste perspective de déplorer la mort de tous mes descendans. Elle mourut à l’âge de soixante-dix neuf ans. Comme ses excellentes qualités avaient extrêmement adouci l’amertume de mon existence, ce fut proprement alors que je commençai à éprouver le poids insupportable d’une vie que je savais être sans bornes. Les compagnons de ma jeunesse, mes parens, mes amis moururent. La différence d’âge et de façon de penser faisaient fuir ma société à leurs enfans. Ceux qui, partageaient avec moi la triste prérogative d’être immortels, ayant les mêmes défauts en partage, me haïssaient peut-être encore plus que je ne les haïssais moi-même. Enfin, inutile fardeau sur la terre, à charge à moi-même, insupportable aux autres, je faisais consister le souverain bonheur dans la mort, que mes vœux ne pouvaient obtenir.
Je passai trente-deux ans dans cette déplorable situation : succombant, pour ainsi dire, sous le faix du mépris général dont j’étais l’objet, je résolus de quitter la société des hommes et d’aller vivre parmi les animaux sauvages, espérant bien devenir la proie de leur voracité. N’ayant aucun but fixe de voyage, je dirigeai mes pas vers le midi. Après avoir traversé une foule de villes et de villages, je m’enfonçai insensiblement dans d’affreux déserts, dans des forêts impénétrables. J’avais la douleur de voir que mon cachet d’immortalité donnait aux animaux une espèce d’éloignement pour ma personne. Les lions, les sangliers et les tigres se promenaient à mes. côtés, jetant sur moi des regards de mépris, mais sans aucune intention hostile.
Je continuai ma marche, passant à la nage sans aucun danger, des fleuves larges et rapides ; gravissant les rochers escarpés, et franchissant la profondeur des abîmes. L’air embrasé de ces, contrées commençait à m’incommoder excessivement : je changeai de direction et marchai vers le nord. J’aperçus bientôt un endroit, dont l’aspect me séduisit. C’était une jolie vallée, entre deux chaînes de rochers, et traversée par un ruisseau, qui roulait sur des cailloux une onde rapide et transparente. Des cèdres antiques et majestueux jetaient un ombre qui tempérait les ardeurs du soleil. J’aperçus au flanc d’un rocher voisin, une caverne qu’on eût dit travaillée de la main des hommes. Je jugeai cet endroit convenable pour me reposer et me mettre à l’abri des injures de l’air. Je passai quelques années dans cet endroit, aussi heureux que je pouvais l’être dans ma situation, lorsqu’un jour, errant à travers les rochers, j’aperçus un ruisseau qui, de la cime d’un des plus élevés, se précipitait avec fracas dans la vallée. Ce bruit m’invita au sommeil ; je me couchai à l’ombre d’un petit arbre, et m’endormis profondément.
Quand je me réveillai, je me mis à examiner cet arbre, dont l’espèce m’était entièrement inconnue. Je remarquai que de quelques endroits de son écorce découlait une espèce de gomme, semblable à de la poix. J’en pris un peu que je portai à mes lèvres ; j’en trouvai le goût exquis. Au moment même, je ne sais si ce fut sommeil ou défaillance, mais je perdis entièrement connaissance. Je m’éveillai au point du jour. Il devait être à peu près midi, quand j’avais goûté cette liqueur ; je conclus que j’avais passé une dixaine d’heures dans cette espèce de léthargie.
A mon réveil, j’éprouvai une espèce de changement, une révolution intérieure. A peine pouvais-je en croire mes sensations. Moi, qui précédemment ne pouvais marcher qu’à l’aide d’un bâton, je me levai brusquement et me trouvai ferme sur les jambes. A peine revenu de mon premier étonnement, je m’élançai vers le ruisseau, et découvris en moi, dans le cristal de ses eaux, un jeune homme de quinze à seize ans, sans rides et sans cheveux blancs ; et ce qui mit le comble à mon bonheur, je n’avais plus sur le front cet horrible cachet d’immortalité. Mon cœur pouvait à peine contenir l’excès de sa joie. Quand les premiers transports en furent calmés, je me jetai la face contre terre, et adorant l’Etre suprême, je le remerciai de cette faveur incomparable. Je retournai sur-le-champ à mon arbre miraculeux. Je recueillis avec le plus grand soin tout ce suc précieux, et en remplis un flacon assez grand, dans l’espoir de me rajeunir de nouveau, quand la vieillesse viendrait couvrir ma tête de cheveux blancs. J’examinai s’il ne s’en trouvait pas de semblable dans le voisinage, mes recherches furent inutiles.
J’éprouvai bientôt un désir extrême de me retrouver parmi les hommes. Je repris donc, à ce qu’il me semblait, le chemin qui m’avait conduit en ces lieux. Je marchai pendant trois mois, sans rencontrer figure humaine. Enfin, j’allais à l’aventure, quand, après un long voyage, je remarquai que j’étais dans un pays habité.
II. Je sentis une émotion singulière. Séparé depuis bien des années du commerce des humains, je désirais, d’un côté, d’en renouveler, pour ainsi dire, la connaissance ; de l’autre, je ne pouvais me défendre d’un sentiment de frayeur, en pensant aux amertumes que j’avais jadis éprouvées. Ne sachant en outre dans quelle contrée, chez quelle espèce d’hommes je me trouvais, je flottais entre l’inquiétude et la curiosité.
Au premier coup d’œil, le pays me parut beau et peuplé, les terres bien cultivées. Je voyais de loin une ville, dont les édifices élevés et magnifiques me faisaient croire que j’étais dans un pays où régnaient l’agriculture et les arts. A peu de distance de la ville, j’aperçus quelques maisons plus basses et moins apparentes, que je jugeai être des habitations de paysans. Je m’y rendis. Mon costume

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