L’Inconnu du mont Mouchet , livre ebook

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VVictoire, orpheline de dix-sept ans, est élevée par son oncle et sa tante, métayers dans la vallée cantalienne de Mandailles. Le 17 juillet 1936, alors qu’elle effectue un voyage de fin d’études à Barcelone, éclate le coup d’État militaire. L’immeuble dans lequel elle est hébergée est réquisitionné pour accueillir des combattants anarchistes. C’est là qu’elle rencontre Goyo, orphelin de vingt ans. Très vite, ils s’aiment mais doivent se séparer. Elle rentre en France et lui reste en Espagne combattre le fascisme puis participer à la Révolution libertaire. Ils s’écrivent jusqu’à ce que le jeune homme s’aventure derrière les lignes ennemies. De leur brève rencontre naît un fils, Grégoire. Elle l’attendra jusqu’à ce 5 juin 1944, où il réapparaît en Margeride sur les pentes du Mont-Mouchet, sur le pied de guerre, à la veille du débarquement. Quelques heures plus tard, les Allemands attaquent le maquis qui s’y est installé.

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Date de parution

06 novembre 2012

Nombre de lectures

0

EAN13

9782748395945

Langue

Français

L’Inconnu du mont Mouchet
Jean-Louis Prud'Homme
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
L’Inconnu du mont Mouchet
 
 
 
 
 
 
 
Lorsque, après sa longue course sur la sente escarpée taillée à travers les hautes futaies, Victoire, haletante, déboucha à l’orée de la forêt, elle le vit.
Il gisait, le dos plaqué au sol. La tête, appuyée contre un rocher, légèrement surélevée, les jambes pliées, il comprimait de ses deux mains sa poitrine.
Trois hommes revêtus du sinistre uniforme vert-de-gris l’encadraient. Elle les entendait s’esclaffer, l’invectiver dans une langue étrange, très musicale, qui n’était ni l’allemand guttural, ni aucune autre langue qu’elle avait déjà entendue. L’un d’eux lui décocha un violent coup de pied dans les côtes.
Elle ressentit la violence du choc dans tout son corps.
Elle hurla son prénom.
Un soldat se retourna. La silhouette trapue, levant le canon de son fusil à hauteur de la hanche, se découpa sur le bleu du ciel. Un cliquetis métallique suivit la détonation qui se répercuta longuement.
Un terrible coup-de-poing dans la poitrine la jeta au sol. Une brûlure intense lui déchira le sein. Elle y porta la main. En l’écartant, elle la découvrit rouge d’un liquide poisseux.
Le blessé clama à se déchirer la gorge.
— Victoire !
Malgré la douleur, elle fit un effort pour se soulever sur les coudes. Le tireur s’approchait d’elle, l’arme pointée. Elle regarda au-delà des jambes torses. Elle découvrit l’un des hommes restés auprès du blessé qui lui appuyait le canon de son arme sur la tête.
Trois syllabes claquèrent comme un dernier défi.
— Victoire.
Une détonation sèche lui fit écho.
À nouveau elle hurla son prénom.
Malgré toute l’énergie qu’elle mit dans son appel, il lui sembla qu’il ne franchissait pas le seuil de ses lèvres.
Une légère bise se leva. La mélopée triste du vent ondula entre les branches des sapins qui se soulevaient et s’abaissaient au rythme de la musique. Des flashs lumineux éclatèrent devant ses yeux.
Une ombre s’étendit.
Elle aperçut l’écusson sur la manche du soldat penché au-dessus d’elle. Le listel, surmontant trois bandes horizontales, vert, rouge, bleu, mentionnait ASERBAIDCHAN en lettres rouges, brodées sur fond noir. La fasce médiane, de couleur sang, s’ornait d’un croissant et d’une étoile d’argent.
Elle tenta vainement de retenir la vie qu’elle sentait s’enfuir par la plaie brûlante.
Elle regarda la mort s’approcher par le petit œil circulaire noir.
Des images, empruntant les chemins de sa mémoire, s’enchaînèrent.
 
 
 
Un voyage de fin d’études mouvementé
 
 
 
Dans le clair-obscur du petit matin froid et pluvieux, Victoire arriva devant la gare d’Aurillac, encore pavoisée de la fête nationale qui s’était déroulée trois jours plus tôt. Le temps froid, les gouttes de pluie suspendues dans le halo lumineux des réverbères, le drapeau aux plis collés, ruisselant, lui remirent en mémoire cette journée.
La même pluie fine n’avait cessé de tomber. Elle n’avait cependant pas réussi à gâcher les réjouissances, même si elle avait fini par empêcher le feu d’artifice et l’embrasement du Square. Comme l’espéraient les responsables politiques et syndicaux, la liesse avait bien été présente au rendez-vous un peu particulier de cette année où, aux commémorations de la Révolution et des morts de la Grande guerre, s’ajoutait la célébration des acquis du Front Populaire.
En juin, enfermée derrière les murs de l’École Normale, les nouvelles des mouvements de débrayage et des occupations festives d’usines lui avaient été transmises chaque jour par Rose-Marie, sa meilleure amie. Celle-ci, qui logeait à Aurillac, pouvait, dès son arrivée le matin, lui dresser un panorama de l’évolution de la situation. Pour cela, elles s’isolaient du côté des toilettes où elles s’enflammaient à refaire le monde à l’abri des oreilles indiscrètes. Au premier coup de cloche, la demi-pensionnaire glissait discrètement dans la poche de la blouse de l’interne des articles découpés dans le Socialiste ou dans l’Avenir du Cantal , journaux récupérés par son père dans un café de la place d’Aurinques. Le soir, dans la chambrée endormie, Victoire les épluchait à la faible lueur de l’ampoule allumée en permanence devant la porte de la chambre de madame Viers, la surveillante. Les commentaires des journalistes lui avaient donné l’impression que toute la France laborieuse, à l’exception des fonctionnaires, privés de droit de grève, s’était arrêtée de travailler.
Grâce à ces coupures, au lendemain des accords de Grenelle, elle avait découvert l’explosion de joie ouvrière qui avait salué cette sortie d’un monde de semi-esclavage. Elle avait regretté de ne pouvoir participer à cette allégresse, ponctuée, le quatorze juin à Aurillac, par un grand rassemblement avec meeting, défilé et bal populaire. Aussi, dès qu’elle avait eu connaissance des festivités du quatorze juillet, annoncées à grand renfort de gonfanons rectangulaires en papier tricolore placardés en ville, elle avait décidé de tout mettre en œuvre pour y prendre part, échapper, ne serait-ce que l’espace d’une journée, à l’atmosphère étouffante de l’école normale.
Pour cela, lorsque dans la soirée du dernier samedi de juin, à l’occasion de sa permission de sortie mensuelle, elle avait regagné son hameau haut perché de la vallée de Mandailles, elle était bien résolue à finasser avec son oncle, un homme généreux de cœur, mais pas de porte-monnaie. Malgré sa hâte, elle avait dû patienter jusqu’au lendemain pour le manœuvrer. Tout le trajet à ses côtés, il n’avait été question que de la fenaison qui devait s’effectuer sans retard si on ne voulait pas perdre la fauche. Les vieux paysans, à des signes connus d’eux seuls, avaient prédit un mois de juillet pourri. À les en croire, il fallait se hâter de rentrer les foins pendant les rares belles journées et ce dimanche, ils l’avaient annoncé particulièrement chaud.
Dès six heures trente, comme partout dans la vallée, profitant de la rosée du matin qui rend l’herbe plus tendre, les faux de l’oncle et de la tante avaient accompli leur œuvre, seulement interrompue pour l’aiguisage et le battage de la lame. Vers neuf heures, Victoire leur avait apporté le dinadou de lard froid, d’œufs et de fromage qu’elle avait préparé. Elle avait alors participé à leur travail.
Le temps que l’oncle termine sa coupe dans une parcelle, les deux femmes avaient déramé au fauchet à dents de bois la partie déjà coupée. Une fois rejointes par le faucheur, la tante, de son experte main gauche crochée sur le joug, avait mené à l’habitude l’attelage des deux puissantes vaches acajou. De l’autre, elle serrait fermement l’aiguillon court. Il ne servait qu’à orchestrer les battements de la queue et des oreilles des bêtes dans leur vaine tentative pour disperser la nuée d’insectes, qui, excités par l’orage proche, bruissaient autour d’elles.
D’un vigoureux coup de sa fourche à javelles, l’oncle chargeait la longue herbe sèche, couchée au sol, par-dessus les ridelles du char à deux roues. Pour ne rien perdre du précieux fourrage, Victoire se démenait derrière lui pour récupérer avec le râteau le peu de foin qui s’échappait à chaque fourchée et le rejeter sur l’andain voisin. La chaleur accablante et les pollens voletant dans le ciel à demi-couvert asséchaient les gorges.
Malgré les appels à modération de sa femme, l’oncle, pour se rafraîchir, buvait un peu plus que d’habitude, aidé en cela par Victoire. À intervalles de plus en plus rapprochés, malgré l’œil réprobateur de la tante, la jeune fille allait ferrer à la paissière 1 une des trois bouteilles de vin qui, retenues par une fine corde, flottaient dans le courant pur du torrent, maintenues ainsi bien au frais. À chaque fois, d’une main généreuse, elle lui remplissait le quart métallique du breuvage complice. À l’heure de l’indispensable prangière 2 réparatrice, il avait déjà entamé la troisième bouteille. Elle avait dû courir en chercher une quatrième à la ferme.
À la vespreïre 3 , tout était consommé.
Lorsque vers la fin de l’après-midi, après avoir engrangé la précieuse récolte, ils étaient rentrés de cette journée harassante, profitant de l’état légèrement ébrieux de l’oncle, Victoire avait tenté de lui extorquer une autorisation de sortie pour le lundi treize au soir.
Elle avait d’abord essayé de l’apitoyer.
— Mon oncle, depuis qu’à onze ans je suis entrée à l’école primaire supérieure, je n’ai jamais pu avoir une journée de congé, à l’exception d’un dimanche par mois.
— Quelle époque ! Voilà, qu’maintenant, tout le monde se met à parler de congés. Est-ce que j’en prends, des congés, moi ?
— Non, bien sûr mon oncle.
Elle avait alors changé de tactique. Tablant sur sa lésinerie, elle l’avait berné en lui faisant miroiter l’économie qu’il réaliserait en la laissant loger pour deux nuits et une journée chez son amie Rose-Marie. Au coût de la location de la voiture à deux roues et du cheval du notaire pour le déplacement, elle avait ajouté le prix de la nourriture, des boissons, de l’entretien. Quand elle lui avait présenté la note détaillée, il s’était étonné dans son patois.
— Pécaïre, ça fait autant ?
— Et oui, mon oncle.
— Et t’es sûre qu’il ne me demandera rien, l’Géraud ?
— Sûre et certaine.
— Alors, topons là.
Elle s’était retenue pour ne pas pousser un cri de triomphe. Pour parvenir à ses fins, la bataille avait finalement été moins rude qu’elle l’avait redoutée.
— À s’demander où il va chercher tous ces sous. Apr

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