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Description
Sujets
Informations
Publié par | L'Harmattan |
Date de parution | 15 janvier 2016 |
Nombre de lectures | 42 |
EAN13 | 9782336401102 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Couverture
4e de couverture
Du même auteur
L’histoire véridique de Makhtar, ou que faire des huit cents mois de salaire qu’on a barbotés à son patron ? 2011, éd. Le bas vénitien.
Titre
Dominique Sarr
L’ombre des Guelwaars
Récit de l’Ouest africain
Préface par le R. P. Henry Gravrand
Copyright
© L’HARMATTAN, 2015
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-75121-4
Dédicace
A ma princesse
Périple de Ténemba
Transcription des termes africains
Pour les termes africains, nous avons renoncé à utiliser l’orthographe normalisée, susceptible d’alourdir la lecture et d’induire le lecteur en erreur sur leur prononciation.
Nous en avons toutefois conservé les voyelles longues et les consonnes géminées (ou appuyées, redoublées) de valeur phonétique différente et donc discriminante : ainsi écrivons-nous riiti (viole ou luth sérère) et béétthio (petit pagne en wolof). Il était malheureusement difficile d’appliquer cette règle aux noms propres.
Si le glossaire proposé en annexe est en principe inutile à la compréhension de ces termes, clarifiée par le contexte, il y apporte des éclairages complémentaires, dont la langue d’origine et l’orthographe normalisée.
Préface : le sel des Sérères
L’ethnie et la culture sérères sont marquées d’une double empreinte, peule et mandingue. C’est le lot de toute civilisation issue de la rencontre de plusieurs cultures. La nation française, elle aussi, a reçu une double empreinte, latine et franque, la première durant sa période gallo-romaine, qui a duré plus de quatre siècles, et la seconde, durant sa période franque, des invasions barbares à l’empire carolingien. La Chanson de Roland est à la fois une épopée franque et la première œuvre littéraire en langue romane (issue du latin). Jusqu’à nos jours, la sociologie et l’histoire peuvent différencier l’héritage latin de l’héritage franc. Au cours d’une histoire millénaire, les terroirs sérères ont connu eux aussi plusieurs périodes, que Léopold Senghor, dans un raccourci saisissant, a su résumer en ce quatrain sur les « Princesses guelwaars » :
« Parmi elles, la mère de Sira Badiane,
Fondatrice des royaumes,
Qui seront le sel des Sereer,
Qui seront le sel des peuples salés. »
Ce fragment de poème évoque d’abord une vision historique, celle de trois vagues de peuplement sur ces terroirs. Remontant aux temps préhistoriques, il y a d’abord un substrat paléonégritique auquel s’est superposé un premier peuplement mandé, celui des Kasinkas , originaires du Khasso ou des pays soos (les fameux Socés). Ensemble, ils constituent les « Peuples salés » des tanns ou des rives des rias salés du Sine-Saloum. Ils apportent à ce terroir une empreinte mandingue archaïque. Le second peuplement vient du Tekrour, à partir du XII e siècle, avec les Sérérabés, les « séparés » du monde tekrouri et foulanisant. Ils apportent une première empreinte peule, car on sait que les ancêtres sérères et peuls ont cohabité dans le Tassili, il y a plusieurs millénaires. Ils marquent déjà les peuples de ce terroir de l’empreinte peule. Le troisième apport est celui de la civilisation néo-soudanienne, celle du Mali de Soundjata Keïta au temps de l’apogée mandingue aux XIII e et XIV e . Dans la mémoire collective sérère, il y a un terme qui résume cet apport, celui du Ngaabu. Il s’agit d’un Ngaabu mythique, représentation d’une source vive de peuples et de valeurs de civilisation. Mythe mandingue transmis aux Sérères par les preux et les dialis de Maïssa Waly.
Le Sel des Sérères, c’est l’empreinte mandingue, dont Dominique Sarr se fait l’interprète dans L’ombre des Guelwaars. Sève de vie, porteuse de force, de violence, de passion, mais aussi d’humanisme et de tendresse. Kele Diawarous au départ de Niani, les « Seigneurs de la guerre » vont se retrouver guelwaars , « Guerriers de la Paix », au contact des bouillants et pacifiques habitants du Sine. Leur Odyssée depuis le Mali, avec ses péripéties dramatiques, ses heures de gloire et de détresse, et leur implantation pacifique dans le terroir sérère, avec le souci de conserver la pureté du sang et de la culture des Diawarous, telle est la trame de ce livre.
Dans Cosaan 1 , j’ai écrit : « L’Odyssée guelwaar est historique. Elle méritera certainement un jour le poète noir qui l’illustrera dans la littérature. Qu’il me soit permis d’en être le chroniqueur » (p. 243). La tradition orale guelwaar me permit de présenter en 80 pages une chronique des événements, de Niani à Tilidjii (la fin des terres à l’ouest, le « Finistère mandingue »).
Dominique Sarr a fait mieux. Son intention a été de reconstituer, comme une Chanson de Roland , non seulement les événements qui se sont déroulés du XIII e au XIV e , mais le cadre humain et politique du Mali, du Ngaabu et du Sine, où les Diawarous vont intervenir, avec leurs guerriers, leurs esclaves et leurs griots. Il l’a fait avec son talent de diali. Il a redonné vie à la lettre. À son verbe, des personnages se dressent des pages écrites, hauts en couleur, et leur tragédie ne connaît pas de répit.
Du sommet du Fouta-Djalon, promontoire merveilleux qui domine la savane soudanienne, on peut embrasser d’un seul regard cet espace rempli du tumulte des conquérants et des ethnies en marche. Deux grands fleuves en descendent les pentes, le Sénégal et la Gambie, qui ont tracé le lit de deux civilisations, au nord, la vallée du Sénégal et les civilisations peules, au sud, celle de la Gambie et de l’expansion mandingue. On y voit passer la pirogue d’Againe et de Diambogne, mères des Diolas et des Kasinkas, devenus Sérères au XIII e . On y voit déferler la grande migration peule des Tengala et de leurs immenses troupeaux de bœufs.
Le genre littéraire s’apparente volontiers au roman historique, cher aux Africains comme aux Occidentaux. Dans le respect d’un cadre historique, ce genre littéraire permet de reconstituer l’ambiance vivante du passé. Cependant, je range plutôt ce travail dans l’épopée. Comme les « Chansons de Geste », L’ombre des Guelwaars appartient à la fois au mythe et à l’histoire. Sa trame relève de l’histoire, mais plonge ses racines dans le mythe. Nous ne sommes pas en présence d’une création allégorique sans fondement dans la réalité, mais dans la représentation de faits réels et de héros, aux traits amplifiés dans la mémoire des hommes, pour fonder des institutions qui vont durer six siècles. Au XIII e , l’épopée était un genre littéraire très en faveur au Mali, dans toutes les couches de la population. Kouyaté, l’un des principaux héros, avec la princesse malienne, en est un brillant interprète et son souffle épique traverse tout le livre de Dominique Sarr.
Je formule un vœu. Que Cosaan suscite de nouvelles épopées ! Apprécier la magie du verbe dans le déroulement d’une épopée ne signifie pas pour autant l’appréciation de toutes ses expressions. Le moine que je suis devenu dans le grand silence d’un cloître taillé dans la pierre du XII e a eu le souffle coupé devant la verdeur de Kouyaté et de ses descendants. Mais le Créateur lui-même ne voit-il pas parfois ses personnages lui échapper et vivre de leur vie propre...
« La route des Guelwaars est jalonnée par les tombes des princes ». Épopée mouvementée, L’ombre des Guelwaars baigne dans le sang et se réfère parfois aux sacrifices humains. Je ne veux pas conclure cette préface sans apporter ma contribution sur deux points : la signification de l’Ombre évoquée dans le titre du livre et celle du sacrifice humain pratiqué dans l’oligarchie mandingue et Guelwaar. Non seulement l’une et l’autre se rattachent à des rituels, mais ils correspondent à une visée spirituelle, dont il faut pénétrer le sens.
Comme la nuée qui précédait Moïse et le peuple hébreu durant l’Exode était le signe de la présence protectrice de Yahvé, l’Ombre qui a guidé Maïssa Waly Dione et sa troupe de fugitifs est le symbole de la présence mystérieuse des Entités spirituelles protectrices. Selon Waly Mané, cette protection avait pour but de sauvegarder ce qui restait du sang Guelwaar après le massacre du Ngaabu. Dans la pensée religieuse bambara, Faro est l’Être transcendant, au même titre que Roog Fap dans la religion sérère. Il existait un fonds commun à toute la sous-région soudanienne. Les deux noms divins signifient la même chose, Dieu-Père.