168
pages
Français
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2011
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Ebook
2011
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Publié par
Date de parution
30 août 2011
Nombre de lectures
179
EAN13
9782820602909
Langue
Français
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Date de parution
30 août 2011
Nombre de lectures
179
EAN13
9782820602909
Langue
Français
La Comtesse de Charny - Tome IV - Les M moires d'un m decin
Alexandre Dumas
1855
Collection « Les classiques YouScribe »
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ISBN 978-2-8206-0290-9
Chapitre 1 La pétition
Il y a certains moments où le peuple, à lasuite d’excitations successives, monte comme une marée, et a besoinde quelque grand cataclysme pour rentrer, comme l’océan, dans lelit que la nature lui a creusé.
Il en était ainsi du peuple parisien pendantcette première quinzaine de juillet, où tant d’événements étaientvenus le mettre en ébullition.
Le dimanche 10, on avait été au-devant duconvoi de Voltaire, mais le mauvais temps avait empêché la fêted’avoir lieu, et le convoi s’était arrêté à la barrière deCharenton, où la foule avait stationné toute la journée.
Le lundi 11, le temps s’était éclairci ;le cortège s’était mis en route, et avait traversé Paris au milieud’un immense concours de peuple, faisant halte devant la maison oùétait mort l’auteur du Dictionnaire philosophique et de La Pucelle , pour donner le temps àM me Villette, sa fille adoptive, et à la famille deCalas de couronner le cercueil, salué par les chœurs des artistesde l’Opéra.
Le mercredi 13, spectacle à Notre-Dame ;on y joue La Prise de la Bastille , à grand orchestre.
Le jeudi 14, anniversaire de la Fédération,pèlerinage à l’autel de la Patrie ; les trois quarts de Parissont au Champ-de-Mars, et les têtes se montent de plus en plus, auxcris de « Vive la nation ! » et à la vue del’illumination universelle, au milieu de laquelle le palais desTuileries, sombre et muet, semble un tombeau.
Le vendredi 15, vote à la Chambre, protégéepar les quatre mille baïonnettes et les mille piques de LaFayette ; pétition de la foule, fermeture des théâtres, bruitet rumeurs pendant toute la soirée et une partie de la nuit.
Enfin, le samedi 16, désertion des Jacobinspour les Feuillants ; scènes violentes sur le Pont-Neuf, oùdes hommes de la police battent Fréron, et arrêtent un Anglais,maître d’italien, nommé Rotondo : excitation au Champ-de-Mars,où Billot découvre, dans la pétition, la phrase de Laclos ;vote populaire sur la déchéance de Louis XVI ; rendez-vouspris pour le lendemain afin de signer la pétition.
Nuit sombre, agitée, pleine de tumulte, où,tandis que les grands meneurs des Jacobins et des Cordeliers secachent parce qu’ils connaissent le jeu de leurs adversaires, leshommes consciencieux et naïfs du parti se promettent de se réuniret de donner, quelque chose qui puisse arriver, suite àl’entreprise commencée.
Puis d’autres veillent encore dans dessentiments moins honnêtes et surtout moins philanthropiques ;ce sont ces hommes de haine qu’on retrouve à chaque grandecommotion des sociétés, qui aiment le trouble, le tumulte, la vuedu sang, comme les vautours et les tigres aiment les armées qui sebattent et qui leur fournissent des cadavres.
Marat, dans son souterrain, où le confine samonomanie ; Marat croit toujours être persécuté, menacé, oufeint de le croire : il vit dans l’ombre comme les animaux deproie et les oiseaux de nuit ; de cette ombre, comme del’antre de Trophonius ou de Delphes, sortent, tous les matins, desinistres oracles épars sur les feuilles de ce journal qu’onappelle L’Ami du peuple . Depuis quelques jours, le journalde Marat sue le sang ; depuis le retour du roi, il propose,comme seul moyen de sauvegarder les droits et les intérêts dupeuple, un dictateur unique et un massacre général. Au dire deMarat, il faut, avant tout, égorger l’Assemblée et pendre lesautorités ; puis, en manière de variante, comme l’égorgementet la pendaison ne lui suffisent pas, il propose de scier lesmains, de couper les pouces, d’enterrer vivant, d’asseoir sur despals ! Il est temps que le médecin de Marat vienne à lui selonson habitude et lui dise : « Vous écrivez rouge,Marat ; il faut que je vous saigne ! »
Verrière, cet abominable bossu, ce formidablenain aux longs bras et aux longues jambes, que nous avons vuapparaître au commencement de ce livre pour faire les 5 et 6octobre, et qui, les 5 et 6 octobre faits, est rentré dansl’obscurité, eh bien, le soir du 16, il a reparu, on l’a revu, vision de l’Apocalypse ! dit Michelet, monté sur lecheval blanc de la mort, aux flancs duquel ballottent ses longuesjambes aux gros genoux et aux grands pieds ; il s’est arrêté àchaque coin de rue, à chaque carrefour, et, héraut de malheur, il aconvoqué pour le lendemain le peuple au Champ de Mars.
Fournier, qui va, lui, se produire pour lapremière fois, et qu’on appellera Fournier l’Américain, non pointparce qu’il est né en Amérique – Fournier est auvergnat – maisparce qu’il a été piqueur de Nègres à Saint-Domingue ;Fournier, ruiné, aigri par un procès perdu, exaspéré par le silenceavec lequel l’Assemblée nationale a reçu les vingt pétitionssuccessives qu’il lui a envoyées ; et c’est tout simple, lesmeneurs de l’Assemblée sont des planteurs : les Lameth, ou desamis des planteurs : Duport, Barnave. Aussi, à la premièreoccasion, se vengera-t-il, il se le promet, et il tiendra saparole, cet homme qui a dans sa pensée les soubresauts de la brute,et sur son visage le ricanement de l’hyène.
Ainsi, voyez, voici la situation de touspendant la nuit du 16 au 17 :
Le roi et la reine attendent anxieusement auxTuileries : Barnave leur a promis un triomphe sur le peuple.Il ne leur a pas dit quel serait ce triomphe, ni de quelle manièreil s’opérerait ; peu leur importe ! Les moyens ne lesregardent pas : on agit pour eux. Seulement, le roi désire cetriomphe parce qu’il améliore la position de la royauté ; lareine, parce que ce sera un commencement de vengeance, et ce peuplel’a tant fait souffrir, que, à son avis, il lui est bien permis dese venger.
L’Assemblée, appuyée sur une de ces majoritésfactices qui rassurent les assemblées, attend avec une certainetranquillité ; ses mesures sont prises ; elle aura,quelque chose qu’il arrive, la loi pour elle, et, le cas échéant,le besoin venu, elle invoquera ce mot suprême : salutpublic !
La Fayette aussi attend sans crainte : ila sa garde nationale, qui lui est encore toute dévouée, et, parmicette garde nationale, un corps de neuf mille hommes composéd’anciens militaires, de gardes-françaises, d’enrôlés volontaires.Ce corps appartient plus à l’armée qu’à la ville ; il estpayé, d’ailleurs : aussi l’appelle-t-on la gardesoldée . S’il y a, le lendemain, quelque exécution terrible àfaire, c’est ce corps qui le fera.
Bailly et la municipalité attendent de leurcôté. Bailly, après une vie tout entière passée dans l’étude etdans le cabinet, est poussé subitement dans la politique et sur lesplaces et les carrefours. Admonesté la veille par l’Assemblée surla faiblesse qu’il a montrée dans la soirée du 15, il s’estendormi, la tête posée sur la loi martiale, qu’il appliquera lelendemain dans toute sa rigueur, si besoin est.
Les Jacobins attendent, mais dans ladislocation la plus complète. Robespierre est caché ; Laclos,qui a vu rayer sa phrase, boude ; Pétion, Buzot et Brissot setiennent prêts, supposant bien que la journée du lendemain serarude ; Santerre, qui, à onze heures du matin, doit aller auChamp-de-Mars pour retirer la pétition, leur donnera desnouvelles.
Les Cordeliers ont abdiqué. Danton, nousl’avons dit, est à Fontenay, chez son beau-père ; Legendre,Fréron et Camille Desmoulins le rejoindront. Le reste ne ferarien : la tête manque.
Le peuple, qui ignore tout cela, ira auChamp-de-Mars ; il y signera la pétition, il y criera :« Vive la nation ! » il dansera en rond autour del’autel de la Patrie, en chantant le fameux Ça ira de1790.
Entre 1790 et 1791, la réaction a creusé unabîme ; cet abîme, il faudra les morts du 17 juillet pour lecombler !
Quoi qu’il en soit, le jour se levamagnifique. Dès quatre heures du matin, tous ces petits industrielsforains, tous ces petits industriels forains qui vivent desmultitudes, ces bohèmes des grandes villes, qui vendent du coco, dupain d’épice, des gâteaux, commençaient à s’acheminer vers l’autelde la Patrie, lequel s’élevait solitaire au milieu duChamp-de-Mars, pareil à un grand catafalque.
Un peintre, placé à une vingtaine de pas de laface tournée vers la rivière, en faisait scrupuleusement undessin.
À quatre heures et demie, on compte déjà centcinquante personnes, à peu près, au Champ-de-Mars.
Ceux qui se lèvent si matin sont, en général,ceux qui ont mal dormi, et la plupart de ceux qui dorment mal – jeparle des hommes et des femmes du peuple – sont ceux qui ont malsoupé ou qui n’ont pas soupé du tout.
Quand on n’a pas soupé, et qu’on a mal dormi,on est, ordinairement, de mauvaise