La Crise sud-africaine
38 pages
Français

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La Crise sud-africaine , livre ebook

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Description

Lilliput a jeté son gant à Gulliver, et M. Chamberlain est satisfait : il a sa guerre.Du duel inégal qui commence, le territoire de Gulliver sortira vraisemblablement agrandi. Sa bonne renommée dans le monde en sera-t-elle accrue ? cela est plus douteux. L’Europe, spectatrice anxieuse, a fait voir que ses sympathies n’allaient pas au colosse. Mais, des sympathies ou des antipathies platoniques d’une Europe qui n’a pas conquis en Arménie et en Crète le droit de se montrer sévère, le colosse n’a cure.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

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Nombre de lectures 1
EAN13 9782346126255
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.

Paul Hamelle
La Crise sud-africaine
AVANT-PROPOS
Au moment même ou ces pages allaient paraître, un grave évènement s’est produit : la mort presque subite de Victoria, reine de la Grande-Bretagne, Impératrice des Indes.
En tout temps, la fin d’une souveraine ayant occupé, pendant plus de soixante ans, le trône d’un des plus vastes empires du monde, aurait eu un retentissement considérable, mais les circonstances dans lesquelles cette fin s’est produite, nous semblent particulièrement propres à frapper l’imagination des peuples.
Voici 16 mois que toutes les forces du Royaume-Uni sont engagées dans une lutte sans merci, contre un petit peuple qui, à l’heure qu’il est, dispose au plus de 12 à 15000 combattants. Quand, au mois d’Octobre, 1899, guerre fut déclarée, il ne s’agissait, d’après les principaux organes de la presse anglaise, que d’une simple promenade militaire : les officiers avaient annoncé qu’ils passeraient les fêtes de Noël à Prétoria. Six mois plus tard, lorsque de sanglantes défaites eurent rendu évidente la nécessité d’un grand effort, lorsque, après l’envoi de renforts considérables, Kronjé, enfin fut pris, Mafeking, Kimberley et Ladysmith furent délivrées, l’Angleterre se crut victorieuse et célébra son triomphe de la façon bruyante que l’on sait. Tout dernièrement encore, un comité s’était formé dans le but d’offrir une épée d’honneur à Lord Roberts, celui qu’on regardait comme l’organisateur de la victoire. A son tour la souveraine voulut entretenir le vieux général qui, avant de quitter le sol africain, pour rentrer dans ses foyers, avait déclaré, disait-on, que la guerre était virtuellement terminée (practically over). Que s’est-il passé dans ce tête-à-tête suprême entre Lord Roberts et la reine Victoria ? Lui aurait-il révélé le véritable état des choses, cet état que laissent entrevoir dans leur ambiguité voulue, les dépêches officielles ? Lui a-t-il avoué ce qui est aujourd’hui une vérité reconnue : que si grand qu’il soit, le nombre des combattants est encore insuffisant pour l’immense étendue du territoire sur lequel ils doivent évoluer ? Alors que, chaque jour, on nous donne la liste des pertes anglaises : tués ou morts de maladie, blessés ou disparus, lui a-t-il montré le vampire africain suçant, aspirant peu à peu l’or et le sang du peuple anglais, toutes les forces vives de l’Empire ?... Nous l’ignorons, puisque l’entrevue n’eut pas de témoins. Ce que nous savons, c’est que peu de jours après, les journaux officieux annonçaient à mots couverts une grave indisposition de la Reine. Le lendemain même, son cas était considéré comme désespéré et, quatre jours plus tard, le 23 Janvier, on apprenait à ses sujets et au monde, qu’elle avait cessé de vivre.
De toutes parts, ont afflué les témoignages de sympathie, les hommages à la mémoire de la grande souveraine dont le long règne a vu, dans tous les domaines : colonial, maritime, commercial, littéraire, l’essor incomparable de la puissance et du génie anglais. Toutefois, n’est-il pas permis de penser qu’en raison même de sa politique, jusque-là constamment heureuse, les revers de la dernière heure ont dû lui être particulièrement sensibles, ces revers si humiliants pour le peuple orgueilleux dont elle fut pendant les deux tiers du siècle, comme la vivante incarnation ? Blessée dans sa fierté d’impératrice, elle a pu l’être plus intimement encore dans sa conscience de femme et de chrétienne. En effet, si elle n’a pas voulu la guerre scélérate, elle l’a soufferte : constitutionnelle jusqu’à la complicité du crime, non seulement elle n’a rien fait pour prévenir la lutte, mais, à aucun moment, elle ne s’est servie de sa haute influence pour l’abréger, ou pour en atténuer les horreurs. Faisons-nous donc injure à sa mémoire en supposant qu’elle n’a pu supporter le spectacle de la victime se débattant, sous le couteau, avec une si farouche énergie et vendant si cher son égorgement ?... Après le jubilé de 1897, apogée de son règne (que n’en fut-il le terme !) Celle qui pendant plus de soixante ans, avait justifié son nom de Victoria, s’est vue mourant avec, — sur la main, — la tache de sang de Lady Macbeth, cette petite tache élargie, chaque jour, du sang que, peut-être, elle n’avait pas voulu répandre mais dont elle s’était laissé éclabousser. Ainsi, survenue à cette heure sombre, la mort de la Reine nous apparaît comme l’œuvre de la nature aidée par les soucis, l’angoisse et les remords, et l’histoire, répétant la naïve expression d’un paysan russe illettré, dira peut-être un jour que, par un effet de la justice immanente, Victoria est morte du Transvaal.

14 février 1901.
AU TRANSVAAL
Lilliput a jeté son gant à Gulliver, et M. Chamberlain est satisfait : il a sa guerre.
Du duel inégal qui commence, le territoire de Gulliver sortira vraisemblablement agrandi. Sa bonne renommée dans le monde en sera-t-elle accrue ? cela est plus douteux. L’Europe, spectatrice anxieuse, a fait voir que ses sympathies n’allaient pas au colosse. Mais, des sympathies ou des antipathies platoniques d’une Europe qui n’a pas conquis en Arménie et en Crète le droit de se montrer sévère, le colosse n’a cure. Gulliver est un réaliste. Il ne refuse pas de siéger aux conférences de paix, et de signer, par convenance, les déclarations philanthropiques qui sont de la poudre jetée aux yeux des peuples. Mais il garde sa liberté, ses balles dumdum et son guide : l’intérêt. Dès lors, pour lui, une seule question : cette guerre sera-t-elle une bonne affaire ?
Et d’abord, quelle affaire est-ce ? Cela seul, l’exposé de ses origines, de ses causes, de ses débuts, des phases préparatoires d’où nous sortons peut nous l’apprendre. Il semblera chose froide en face du drame vivant qui ensanglante la brousse. Il n’en est pas moins la préface nécessaire à l’intelligence des événements en marche, qui nous permet d’en préciser le caractère, et d’en pressentir la portée.

*
* *
Ramenée à ses termes simples, la question du Transvaal se formulerait ainsi :
Un peuple de quatre-vingt mille paysans hollandais peut-il adopter en bloc deux cent mille étrangers 1 sans compromettre son individualité ?
Deux cent mille étrangers peuvent-ils se laisser faire la loi — loi plutôt dure — par quatre-vingt mille paysans hollandais, sans protester, et l’État de qui la plupart de ces étrangers ressortissent peut-il tolérer cette domination, sans intervenir, surtout quand cet État est l’Angleterre, c’est-à-dire une puissance qui a fait sienne et applique avec une rigueur heureuse, sur tous les points du globe, l’antique Civis romanus sum, modifié à l’usage saxon, qui règne sur un monde colonial bien plus par le prestige du nom anglais que par la force dont il est le signe ?
L’enjeu est gros de part et d’autre. C’est pour le Transvaal l’existence et pour l’Angleterre l’Afrique australe, sinon l’Empire. Partie unique qui révèle des aspects singulièrement divers dès qu’on la fixe de près : tout ensemble, haut problème ethnologique, politique, social, querelle supérieure où l’attitude des deux antagonistes semble réglée d’avance par les nécessités de sa position, de son histoire, de son génie, choc idéal de droits contraires et heurt grossier d’intérêts opposés et de passions fort terre à terre. Cette affaire est pour étonner et déconcerter. On y devine des dessous ténébreux, inquiétants, comme à ces mines précieuses sans lesquelles elle ne serait pas. De fauves visions d’or la traversent, l’éclairent fâcheusement. On y pressent, sous les phrases pompeuses des philanthropes, le jeu de spéculateurs à qui toute action n’a de valeur que celle qu’on lui donne à la Bourse.
Par-dessus tout, l’ironie y triomphe, souveraine. N’y voit-on pas, par un renversement de toutes les idées reçues et au mépris de la logique et de la tradition, les tories en Angleterre, jeter feu et flamme contre la réaction krugériste, menacer de destruction

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