La Perruque du tsar Pierre
298 pages
Français

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La Perruque du tsar Pierre , livre ebook

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Description

Moscou 1699. Alors qu'une épidémie de choléra dévaste la ville, Caspar Ottens, chirurgien néerlandais réfugié en Russie, comprend en examinant le corps de certaines victimes qu'elles ont été empoisonnées. Anna Mons, la resplendissante maîtresse du tsar Pierre le Grand à l'époque, figure au nombre des intoxiqués. Au milieu de ce peuple arriéré et bigot, aidé d'un serf "aux narines arrangées" naïf mais sagace, intrigué par la découverte de superbes saphirs de Sibérie, Caspar réussira-t-il à démasquer le coupable ? Surtout, saura-t-il percer le mystère de la personnalité insolite de ce souverain colossal, génial organisateur, travailleur infatigable mais ivrogne, paillard et pervers ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 juin 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332598981
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright




Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-59896-7

© Edilivre, 2013
1
Moscou, 11 novembre 1699
Dans la pénombre de l’écurie, il devina un corps recroquevillé sur une litière de paille. Il était immobile, presque nu, présentait le dos. C’était un homme jeune, d’une maigreur extrême, un squelette presque. Il le retourna. Le corps était froid, raide, les genoux demeuraient fléchis. La peau du visage, violacée, prenait un aspect noirâtre par endroits. Les yeux grands ouverts, écarquillés, le regard fixe à travers des pupilles rétractées et le rictus déformant la bouche témoignaient d’une terreur ou d’une horreur mortelles.
– Encore un, soupira le médecin.
Au sol, les débris d’une cruche. Rien d’autre dans la stalle. Dominant celle, familière, de l’écurie, la puanteur acre n’était pas équivoque : l’homme était couché dans ses excréments. Caspar lui saisit le poignet : il était glacé, le bras rigide. Il se redressa.
– Dame, demanda-t-il à l’ombre demeurée près de la porte, depuis combien de temps ce valet est-il dans cet état ?
Elle avait placé devant son visage un petit linge de batiste et humait avec ostentation le parfum imprégné. Elle haussa les épaules et répondit d’une voix étouffée :
– Je n’en sais rien, moi ! Mitia, mon maître palefrenier, m’a informée ce matin du fait que l’un de mes valets d’écurie se prétendait trop malade pour travailler. Je lui ai dit que c’était son affaire mais qu’il ait à lui donner le fouet, au moins dix coups. C’est le seul argument compris par ces gens-là, n’est-ce pas ?
La question ne reçut pas de réponse. Elle reprit :
– Comme il refusait toujours de se lever, m’a-t-on rapporté, je t’ai envoyé chercher, médecin : le service parfait que j’exige du personnel nécessite une alimentation suffisante et un minimum de soins.
Ses fins sourcils levés quêtaient une approbation. Comme il se taisait toujours, elle ricana en levant les épaules :
– Je devine ce que tu penses, mais non ! Son état n’est pas dû au fouet, tu as vu la peau de son dos, d’ailleurs, les cicatrices y sont anciennes. La punition n’a pas encore été appliquée car Mitia s’est aperçu que l’homme était vraiment malade. Mais il ne perd rien pour attendre : je connais le père, Boris Pavlovitch, un manant, un pêcheur de la Rive Pouilleuse, il demeure derrière l’église de l’Annonciation. Je me plaindrai à lui de la paresse de son fils, mais que peut-on espérer du ramassis de crapules de ce quartier ? Quant à toi pourquoi n’es-tu pas encore au travail ? Et puis, pourquoi t’es-tu permis de me convoquer, c’est le mot, pour assister à tes soins ?
Elle l’apostrophait sur un ton impérieux, exaspérant, tenant haut le menton en l’écrasant du regard. L’envie ne manquait pas à Caspar de répliquer vertement et de planter là valet mort et maîtresse venimeuse, mais il ne se trouvait pas en position de force. Il lui fallait traiter cette dame Mons de la Croix avec le plus grand respect au moins apparent, compte tenu de ses très hautes, de ses impériales relations… et de la précarité de sa propre situation.
– Dame, répondit-il en s’astreignant au calme, d’après ce que je peux déduire d’un examen rapide, cet homme est mort depuis au moins quatre heures. La cause du décès est sans doute ce flux de ventre dont vous pouvez constater les effets : c’est une nouvelle victime de l’épidémie qui ravage Moscou depuis quelques semaines.
Elle haussa les épaules, peu concernée par la révélation d’un fait si négligeable.
– Mais je suis surpris, continua-t-il, d’imaginer que personne ne l’ait entendu se plaindre hier ou cette nuit et ne soit venu à son secours. Il est évident qu’il a souffert, le masque de son visage en est assez évocateur. Sans doute a-t-il appelé à l’aide, ou au moins gémi… était-il donc seul dans cette écurie ?
– Je n’en sais rien, proféra-t-elle et je n’en ai cure ! J’ai bien d’autres choses en tête que le sommeil de mes palefreniers ! Avant tout maintenant, j’entends être débarrassée de cette charogne puante et m’enquérir d’un autre valet d’écurie mieux portant. Quant à toi, médecin, puisque tu es incapable de faire ton métier, tu peux partir.
Il la considéra pendant un moment. On ne l’avait pas trompé : sous cette crinière d’or aux boucles divinement coiffées, dans ce déshabillé de soie carmin à ramages à la dernière mode européenne, cette grande femme aux yeux d’améthyste était suprêmement belle. Sculpturale, ses rondeurs dodues en auraient fait un bon modèle pour un Rubens. Désirable, elle était pourvue de tous les moyens de séduction aptes à susciter l’adulation et les transports des mâles qu’elle avait choisis pour s’en repaître, tout particulièrement du premier d’entre eux, le tsar Pierre le premier. Mais son aspect cachait un tempérament dur, une redoutable volonté d’arriver à ses fins et de se maintenir au premier rang du monde de seigneurs et de boyards où elle s’était hissée.
– Avant de me retirer puisque vous me congédiez, dame, je souhaite savoir si, dans votre personnel, il n’y a pas d’autre malade. En effet, l’épidémie s’étend toujours, chaque jour apporte de nouveaux cas et je ne voudrais pas que l’infection dont a souffert ce malheureux soit un point de départ, un nouveau foyer de la maladie.
– Que t’imagines-tu ? gronda-t-elle. Que tu vas me soutirer quelques bons roubles sous prétexte d’honoraires ? Reconnais que tu ne les as pas mérités. Donc non, tu n’auras rien et sache que personne ici n’a besoin de tes soins. Va, maintenant.
La neige arriverait tôt cette année, disaient les Moscovites. Depuis quelques jours, des masses de suie et de cendre aux reflets livides s’accumulaient sur la ville. Les ruisseaux gelaient et chacun regardait le ciel avec inquiétude. Caspar espérait rentrer avant les premiers flocons.
– Allons, Ouragan, au trot !
Mais il savait l’inutilité des incitations, invitations ou pressions destinées à faire hâter le pas d’Ouragan, son bidet si mal nommé. Comme pour venir au palais d’Anna Mons situé à la Sloboda, dans la banlieue, il lui faudrait deux bonnes heures pour regagner son officine au cœur de la ville, près du Kremlin, à l’ombre de la Spasskaïa, la Tour du Sauveur. Pendant deux heures donc, il irait remâchant son amertume et sa misère au milieu des chariots, des bestiaux et de la foule des moujiks et des portefaix, sur ce mauvais chemin serpentant entre isbas vétustes, baraques en ruine et moulins aux bras suppliants alors que des patients, urgents peut-être, l’attendaient.
Elle l’avait bien possédé, la Mons, en lui faisant parvenir ce billet où elle lui demandait de venir aussitôt chez elle, à la Sloboda, pour donner ses soins « à un illustre patient », sans rien préciser. La Sloboda Niemetzkaïa , c’était « le faubourg allemand », ainsi surnommé parce que vivaient là, à l’écart pour être mieux surveillés et ne pas contaminer la population russe d’idées subversives, les étrangers de Moscou.
Parmi ces sévères et sombres maisons de bois ou parfois de pierre, elle avait obtenu de son impérial amant l’édification d’un charmant et vaste palais italien avec balcons ouvragés, terrasses, statues imitées de l’antique, colonnades, marbres et vitraux. On prétendait qu’elle y disposait de sept chambres à coucher et d’une salle de concert. Et Caspar soupirait en regrettant que la Fortune manifestât une telle ingratitude à ceux qui auraient mérité d’en être comblés.
Comme elle le voulait, il s’était donc imaginé que « l’illustre patient » ne pouvait être que le tsar Pierre le premier, l’amant tout puissant de la dame. Et un appel du tsar nécessitait qu’on accoure aussitôt et présageait parfois du sourire de la Fortune. En fait de tsar Pierre, il n’avait trouvé là que le cadavre d’un palefrenier serf baignant dans ses excréments et la mauvaise humeur hautaine de sa maîtresse.
De quoi ce palefrenier était-il décédé ? Sans aucun doute de cette épidémie de coliques de miserere dans leur forme humide comme il en avait vu tant les jours précédents. Cette affection était si grave, son évolution si rapide que chaque patient atteint semblait au delà de toute possibilité thérapeutique.
– Un traitement ? grogna-t-il. Des clous !
En dehors de quelques mesures d’hygiène et de bon sens, d’un peu de laudanum et de quelques grains d’opium, il ne disposait guère de remèdes et devait céder la place aux prières au grand saint Nicolas et à sainte Barbe, invoqués par les bonnes gens pour guérir les maux d’entrailles.
Ouragan n’avançait pas. De plus, Caspar se demandait s’il ne serait pas bon de rendre visite à la famille de l’infortuné palefrenier pour voir si la contagion n’y avait pas fait de ravages. Anna Mons lui avait involontairement fourni des indications sur la demeure de son père, au bord de la Moskova, sur la Rive Pouilleuse où il était pêcheur. Il lui faudrait annoncer à sa famille le décès du palefrenier. Que leur dire ? Caspar n’avait même pas eu le temps d’examiner le corps, cette femme l’avait jeté dehors.
– Tu peux aller ! lui avait-elle lancé, le congédiant comme un vulgaire moujik venu quémander un kopeck.
– La garce, la salope ! pensa-t-il et sans doute le pensa-t-il si fort qu’Ouragan poussa un discret hennissement approbateur, compatissant sans doute à la détestable humeur de son maître.
Mais quoi ? Montrer une telle indifférence à la mort d’un de ses serviteurs, même serf ? Et le traiter ainsi, lui Caspar Ottens, chirurgien et anatomiste néerlandais, anciennement professeur à l’Université de Leyde et contraint à se réfugier dans cette barbare Moscovie à la suite d’une indigne cabale ?
De plus, n’avait-elle pas eu l’audace, dans son billet, d’employer le terme : « compatriote » et de faire appel au devoir de s’entraider entre étrangers ? Si lui, Caspar, venait des Pr

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