La Ville et la Cour au XVIIIe siècle - Mozart, Marie-Antoinette, les philosophes
100 pages
Français

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La Ville et la Cour au XVIIIe siècle - Mozart, Marie-Antoinette, les philosophes , livre ebook

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Description

ERS midi, le 18 novembre 1763, quatre voyageurs arrivaient à Paris et se faisaient conduire à l’hôtel de Beauvais, rue Saint-Antoine, résidence du comte d’Eyck, envoyé extraordinaire de l’Électeur de Bavière, qui habitait ce magnifique hôtel, construit par madame de Beauvais, la galante femme de chambre d’Anne d’Autriche, et qui avait profité de ses franchises d’ambassadeur pour établir dans sa demeure une académie de jeux. Le chef de cette famille étrangère qui arrivait d’outre-Rhin était un homme instruit, artiste de mérite, ancien valet-musicien au service du comte de Thun, présentement deuxième maître de chapelle à l’évêché de Salzbourg.Fruit d’une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 3
EAN13 9782346125395
Langue Français

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Extrait

À propos de Collection XIX
Collection XIX est éditée par BnF-Partenariats, filiale de la Bibliothèque nationale de France.
Fruit d’une sélection réalisée au sein des prestigieux fonds de la BnF, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques de la littérature, mais aussi des livres d’histoire, récits de voyage, portraits et mémoires ou livres pour la jeunesse…
Édités dans la meilleure qualité possible, eu égard au caractère patrimonial de ces fonds publiés au XIX e , les ebooks de Collection XIX sont proposés dans le format ePub3 pour rendre ces ouvrages accessibles au plus grand nombre, sur tous les supports de lecture.

Adolphe Jullien
La Ville et la Cour au XVIIIe siècle
Mozart, Marie-Antoinette, les philosophes
A MON AMI LEON BARDIN
AVANT-PROPOS
C’ÉTAIT entre la Ville et la Cour, ces deux éléments de la vie active au siècle dernier, une défiance instinctive, une hostilité sourde et qui perçait sur les sujets les plus futiles, une petite guerre incessante de contradictions mesquines et d’aigres discussions. C’est que de graves dissentiments politiques et sociaux couvaient sous la cendre et que l’esprit public, encore trop maté pour risquer le grand combat, ne cherchait qu’occasions de s’escrimer et de ferrailler. L’art servait de dérivatif à la politique : le théâtre et la musique surtout, ces deux branches de l’art où le nombre fait plus facilement loi.
La Cour écoute le Cid, de Sacchini, et s’en montre assez peu satisfaite, encore toute ravie qu’elle est des beautés de Didon, entendue la surveille ; le Cid, devenu Chimène, arrive à l’Opéra, et la Ville d’accentuer son approbation en raison inverse des réserves de la Cour. On chante à Fontainebleau le Thémistocle, de Philidor, et l’assemblée applaudit ; qu’on le risque à Paris et le public, exagérant sa défiance en proportion, ne le laissera pas jouer plus de trois fois. Dans les deux cas, la Ville avait raison contre la Cour.
Pénélope avait, au moins aux répétitions, enchanté les amateurs de la Ville, et les connaisseurs de la Cour lui font un accueil glacial. En ce même automne de 1785, on rejoue à Fontainebleau le Dardanus, de Sacchini, que Paris avait dédaigné, et la Cour l’accueille avec des bravos enthousiastes. Dans les deux cas, la Cour avait raison contre la Ville.
Mais les choses allaient de telle sorte en cette époque agitée et déjà toute troublée d’aspirations révolutionnaires que la Cour, alors même qu’elle se prononçait en second et quelle jugeait bien, semblait toujours recevoir leçon de la Ville et confesser ses torts. C’était déjà la lutte des petites gens, fortes de leur nombre, contre les classes privilégiées ; c’était la foule affirmant ses prétentions à connaître de tout et à tout juger.
Du côté de la Cour, Marie-Antoinette, qui couvrait volontiers les musiciens de sa protection, les servit mieux à elle seule par ses généreux encouragements, que ne firent tous les philosophes et beaux esprits de la Ville par tant d’articles passionnés et de déclamations souvent vides de sens. En savait-on le moindre gré à la reine dans le camp littéraire, et la postérité lui attribue-t-elle seulement la moitié des chefs-d’œuvre qu’elle a su faire éclore ou qu’elle osa patronner ?
Au temps passé, il semblait qu’elle sortit de son rôle de souveraine en cherchant à distinguer les artistes de talent ou de génie, en les soutenant avec vaillance ; et ceux-là mêmes qui se passionnaient si fort pour la musique reprochaient en dessous à la reine son zèle et sa chaleur d’opinion. Au temps présent, on ne soupçonne même plus le bien qu’elle a fait, tant ces écrivains et disputeurs, à force d’écrire et de crier, ont accaparé ces musiciens et leur gloire à leur propre profit. C’est que la reine était seule et qu’ils étaient en nombre, c’est qu’ils représentaient la Ville et qu’elle personnifiait la Cour.
Et la Cour fut vaincue en ce duel qui dura tout un siècle : autant dire, n’est-ce pas ? que la Ville avait raison sur tous les points. Il n’est pire tort que la défaite aux yeux de l’impartiale postérité.
MOZART A PARIS
I
PREMIER VOYAGE EN FRANCE (1763-64) ET RETOUR D’ANGLETERRE (1766)

ERS midi, le 18 novembre 1763, quatre voyageurs arrivaient à Paris et se faisaient conduire à l’hôtel de Beauvais, rue Saint-Antoine 1 , résidence du comte d’Eyck, envoyé extraordinaire de l’Électeur de Bavière, qui habitait ce magnifique hôtel, construit par madame de Beauvais, la galante femme de chambre d’Anne d’Autriche, et qui avait profité de ses franchises d’ambassadeur pour établir dans sa demeure une académie de jeux. Le chef de cette famille étrangère qui arrivait d’outre-Rhin était un homme instruit, artiste de mérite, ancien valet-musicien au service du comte de Thun, présentement deuxième maître de chapelle à l’évêché de Salzbourg. Léopold Mozart amenait avec lui sa femme, Anne-Marie Pertlin, et ses deux enfants, les seuls survivants des six qu’il avait eus : une fille âgée de douze ans, Marie-Anne, et un garçon, Wolfgang, qui allait entrer dans sa neuvième année.
A l’automne précédent, le père de famille avait décidé de conduire dans les principales villes d’Europe ses deux bambins, qui avaient, dès l’âge le plus tendre, montré des dispositions surprenantes pour la musique. Il avait entrepris ces voyages dans le double but d’augmenter un peu sa modeste fortune et de développer le talent de ses enfants, en leur procurant les conseils des plus célèbres compositeurs. Il les conduisit d’abord à Munich, où ils charmèrent la cour de l’Électeur de Bavière, puis à Vienne, où le petit Woferl obtint beaucoup de succès. Chacun voulait entendre les jeunes virtuoses, les invitations se multipliaient, les grands seigneurs venaient tous frapper à la porte des voyageurs et se disputaient le plaisir de les recevoir. « On nous engage quatre, cinq, six et huit jours d’avance, écrit Léopold Mozart avec un plaisant amour-propre, afin de ne pas arriver trop tard. » La cour désira connaître ces enfants merveilleux. L’empereur François I er les reçut avec une bonté affectueuse, l’impératrice Marie-Thérèse prit le petit bonhomme sur ses genoux et le combla de caresses. Woferl se laisse-t-il tomber sur le parquet du palais, la jeune archiduchesse Marie-Antoinette vient à son secours et lui donne un bon baiser, douce réponse à cette naïve question de l’enfant : « Vous êtes bien bonne, vous, voulez-vous m’épouser ? » Au commencement de janvier 1763, Léopold Mozart ramena sa famille à Salzbourg, et employa l’hiver à fortifier le talent naissant de son fils par un travail assidu, puis il entreprit au mois de juin un long voyage hors d’Allemagne. Il s’arrêta d’abord à Wasserbourg, à Francfort, à Munich, où ses enfants retrouvèrent la vogue de l’an passé, puis à Augsbourg, à Mayence, à Bruxelles, où leur concert excita un vif enthousiasme, et il arriva enfin à Paris, où il descendit chez le comte d’Eyck ; il devait cette faveur aux recommandations de la famille de la comtesse d’Eyck, fille du comte d’Arco, grand chambellan de la cour de Salzbourg.
Voici nos voyageurs installés dans ce Paris du siècle dernier, dans cette ville folle, où les plaisirs, fêtes, bals, soupers, concerts et spectacles étaient les seuls soucis des gens du bel air. Comment un pauvre maître de chapelle allemand, escorté de sa famille, pourra-t-il se faire la moindre place dans cette société élégante et débauchée ? Il a bien quelques lettres de recommandation... Dès le lendemain de son arrivée, il court chez madame de Villeroi, chez la comtesse de Lillebonne, mais un deuil de cour l’empêche d’être admis à Versailles. Il faut attendre. Il songe alors à une lettre que lui avait donnée un négociant de Francfort et va frapper à la porte de M. Grimm. Celui-ci accueillit avec empressement cette famille d’artistes compatriotes, et consacra aussitôt quelques lignes de sa correspondance à célébrer les mérites des petits musiciens.
1 er décembre 1763.
Les vrais prodiges sont assez rares pour qu’on en parle quand on a occasion d’en voir un. Un maître de chapelle de Salzbourg, nommé Mozart, vient d’arriver ici avec deux enfants de la plus jolie figure du monde. Sa fille, âgée de onze ans, touche le clavecin de la ma

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