Le destin de Félicie
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Description

Née au dix-neuvième siècle finissant, Félicie, fille de cultivateurs de la Haute-Mayenne, épouse Pierre, un cheminot de cinq ans son aîné dont elle aura quatre enfants. Trois survivent. D’abord installé à Laval, le couple s’établit à Mondeville, près de Caen, en 1913. Pierre décède au printemps 1919. Félicie dont le droit à pension de veuve de guerre ne sera reconnu que dix ans plus tard, élève, seule, ses trois enfants. Elle est garde-barrière. En 1929, elle devient grand-mère et s’établit, à sa retraite, à Blonville-sur-Mer d’où elle est chassée par l’Occupant en 1941. L’année suivante, Félicie s’installe à Poussy-la-Campagne. En juillet 1944, elle est contrainte à l’exode par les combats du débarquement. Elle se réfugie en Mayenne, dans la famille. Revenue à Poussy-la-Campagne, à l’automne 1944, Félicie, âgée de soixante-deux ans, quitte tout à l’automne 1948, n’emportant qu’un balluchon, et va s’établir au Mont-Canisy sur la côte normande. Elle décède à l’âge soixante-et-onze ans, en plein hiver 1957, à l’hôpital de Trouville-sur-Mer.

Informations

Publié par
Date de parution 18 septembre 2019
Nombre de lectures 1
EAN13 9791029009969
Langue Français

Extrait

Le destin de Félicie
Christian Le Marchand
Le destin de Félicie
Les Éditions Chapitre.com
123, boulevard de Grenelle 75015 Paris
Du même auteur
Le tour d’abandon – Éditions Chapitre .com – Février 2018
Avoir 15 ans, à Caen , le 6 juin 1944 – Éditions Chapitre .com – Avril 2019
© Les Éditions Chapitre.com, 2019
ISBN : 979-10-290-0996-9
Avertissement
Le destin de Félicie est une œuvre de fiction inspirée par l’histoire de la famille de l’auteur, dans laquelle aucun personnage ne représente une personne en particulier.
Toute ressemblance avec une personne vivante ou ayant vécu serait, donc, fortuite.
P REMIÈRE PARTIE : La rencontre
Nous sommes en 1901. C’est le dimanche des Rameaux. Cette année, Renée, l’épouse d’Auguste, âgée de quarante et un ans, ne participe pas à la réunion de prières traditionnellement organisée au terme de la neuvaine sainte, à la chapelle Sainte-Anne , sur les terres de la métairie située entre Hermet et La Filouzière, à l’extrême pointe Sud de la Commune de Jublains, à la fourche où se réunissent, pour entrer ensemble dans la cité diablinte {1} , les routes venant de Deux-Évailles et de Mézangers {2} . Renée est enceinte de cinq mois. Auguste s’y rendra accompagné de Félicie, leur fille ainée.
Renée garde avec elle, à la ferme qu’ils exploitent à Saint-Christophe-du-Luat, distant de Jublains de quinze kilomètres d’une route, parfois, difficile à la sortie de l’hiver, les deux plus jeunes, Magdeleine qui a quatorze ans, et Jacques, sept ans.
Elle a, en outre, invité les vieux de son hameau pour une veillée. Les femmes occupent leurs mains à repriser ou à crocheter. Les hommes ont toujours quelque chose à tailler, à creuser, ou à sculpter avec leurs canifs dont ils exploitent avec méthode toutes les fonctions. L’une ou l’un d’eux, qui s’est réchauffé à la cheminée qu’Auguste a suffisamment garnie de bûches, se sentant bien, commence à raconter l’une des histoires que tous lui connaissent, toujours les mêmes, mais qu’importe, les vieux sont heureux de s’écouter et qu’on les écoute. Combien, la force de l’âge passée, quand s’ouvre cette phase de la vie qui précède le grand âge, où le besoin de transmettre se fait impérieux, regrettent de n’avoir prêté qu’une oreille distraite voire agacée aux souvenirs égrainés par l’ancêtre qui n’attendait que d’être questionné pour en dire davantage.
Aux Rameaux derniers, à Jublains , Félicie, qui a maintenant dix-sept ans, a remarqué Pierre, le second garçon d’Hippolyte et de Perrine, les fermiers de Sainte-Anne . Avec son mètre soixante-dix et se tenant droit, il domine du chef qu’il porte haut, toute l’assemblée sauf le propriétaire qui taille certainement la même mesure que lui, mais devant lequel Pierre veille toujours à incliner la tête comme le lui ont enseigné ses parents car c’est lui qui donne le travail.
Les traits réguliers du jeune homme de dix-neuf ans sont soulignés par une moustache soignée, châtain clair comme ses cheveux coupés très courts, presque ras. Son visage ovale trouve son assise dans un menton rond qui révèle une personnalité volontaire et généreuse.
Pierre assure le rôle de second récitant qui aurait dû échoir à son frère aîné, Hippolyte, Perrin. Mais le timbre de voix de ce dernier, personnage plus discret que son cadet, n’aurait pas contribué à la solennité de la cérémonie qui tire, en grande partie, son originalité de l’arbitrage qu’impose par sa seule voix, le récitant, tant au chœur des femmes qu’à celui des hommes entre lesquels il accentue ou diminue l’intensité du contraste, impulsant, en outre, le rythme selon lequel se succèdent les incantations de chacun des groupes de choristes.
Quand Pierre remplace son père, ceux-là stimulés par le tempérament énergique du jeune homme, donnent toute leur puissance et on peut entendre bien au-delà de la métairie Sainte-Anne, s’élever dans le ciel qu’illuminent les torches qu’on allume, leurs chants qui se répondent.
Tout pendant que le curé de Jublains officie dans la chapelle où il ne tient qu’avec son enfant de chœur, le récitant et, cela va de soi, le propriétaire et Madame, Félicie, placée dans la pénombre du soir qui enveloppe la métairie Sainte-Anne toujours un peu plus vite qu’ailleurs à cause des grands arbres qui lui font de mai à octobre, un écran végétal allant du vert le plus tendre aux oranges les plus flamboyants, regarde en direction de Pierre, fascinée par sa voix grave et toujours bien posée.
Tout à coup, comme emportée par une vague, l’assistance qui sait venir la fin de la célébration, unit ses voix à celles des chœurs qu’ont rejoints le propriétaire et son épouse, tous chantant à pleins poumons leur joie d’être ensemble, en ce jour des Rameaux, et, leur attachement à la très chrétienne Mayenne, terre de chapelles et de traditions.
Une ronde se forme autour du foyer qu’on tenait bas jusqu’alors et qu’on ravive, à présent, en l’alimentant amplement. La main soignée du propriétaire serre celle, calleuse, du fermier, et la main fine de Madame l’épouse, celle, boudinée, de la lavandière.
Félicie cherche Pierre du regard mais elle est entrainée par Magdeleine, sa cadette de trois ans, suivant leur mère qui traine par la main Jacques, leur jeune frère, et prend sa place dans la file, abandonnant Auguste qui a déjà trouvé un vieux avec lequel il va pouvoir deviser.
Félicie scrute, en vain, les visages rieurs qui s’agitent devant elle, de l’autre côté du foyer, déformés sous l’effet du tressautement des flammes. Soudain, la ronde se disloque pour se reformer autrement, plus au gré de quelques-uns et de quelques-unes tant il est vrai que les évènements liturgiques sont au vingtième siècle naissant, des occasions toujours fort prisées des jeunes ruraux, de faire des rencontres.
Félicie se met à courir comme les autres, autour du feu, avec l’espoir de trouver Pierre.
Ca y est, elle le voit ! Elle s’élance dans sa direction aussi vite qu’elle le peut, et s’arrête net devant lui, au milieu de tous les autres qui courent encore. Il est surpris ! Elle ne lui laisse pas le temps de réfléchir d’autant plus qu’elle sent déjà des regards envieux se poser sur elle. Elle le tire par la manche, souhaitant lui laisser l’initiative qu’il prenne sa main comme si elle en faisait un préalable à tout ce qu’ils pourraient vivre ensemble, ensuite. Il ne la fait pas attendre longtemps, et ils rejoignent en riant, la ronde qui délestée des plus vieux et des plus jeunes, et que le propriétaire et son épouse ont quittée, s’est remise en mouvement avec l’énergie qu’on a à vingt ans. Puis, avec les départs qui se succèdent, elle se meut en farandole. Pierre et Félicie, tout à leur bonheur d’écrire les premiers instants de leur histoire qui commence, ne se quittent pas. Félicie voudrait que la farandole dure toute la nuit, qui au hasard de ses circonvolutions, la rapproche de Pierre avant de l’en éloigner, pour finalement le lui rendre. Le feu se meurt, qui distribue sa lumière chancelante au gré des dernières flammèches s’échappant de la cendre, tandis que brillent dans la nuit, les yeux des attardés.
Félicie ne revoit Pierre qu’à l’Assomption, lors du pèlerinage à la chapelle Notre-Dame de Doucé, à Jublains.
Les pèlerins dont certains sont partis aux fraiches heures du matin, accomplissant jusqu’à deux heures de marche, arrivent dans la chaleur qui monte, en ce 15 août 1901, au bourg de Jublains, regroupés par paroisse, les uns récitant leur chapelet, les autres chantant des cantiques.
Le diacre qui dirige les choristes leur demande, d’où qu’ils viennent, de prendre immédiatement leur place dans la procession qui est en train de se former, derrière les enfants de chœur qui portent la statue de la Vierge Marie, symbole de son élévation {3} , précédés des porteurs des encensoirs, et, de Monsieur Le Curé de Jublains, assisté, cette année, de l’abbé en charge de la paroisse de Grazay.
Félicie voit Pierre arriver. Il est encore plus beau qu’aux Rameaux, la peau cuivrée par le soleil de juin qui a accompagné, du premier au dernier jour, la fenaison. Pierre est entouré de jeunes filles en compagnie desquelles il converse avec bonne humeur. Sont-ce ses sœurs que Félicie sait nombreuses ? Il semble ne pas la voir. Elle se demande s’il l’a oubliée. Elle sent monter en elle une immense tristesse. Elle a envie comme à Sainte-Anne de courir vers lui, de l’attraper par le bras et qu’elle sente sa main envelopper la sienne. Elle ne peut même pas se signaler à lui d’un geste du bras que ses parents ne comprendraient pas, et surtout pas son père, intransigeant dès qu’il s’agit de la conduite de sa fille ainée par laquelle il ne veu

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