Le parcours
248 pages
Français

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Le parcours , livre ebook

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Description

Après la Seconde Guerre mondiale, Daniel est apprenti dans un atelier à Paris. Afin de se rendre sur son lieu de travail, il doit prendre le train et suivre un parcours qui travers le Xème arrondissement. C'est l'occasion de croiser les mêmes voyageurs et en particulier des jeunes filles qui vont alimenter ses fantasmes d'adolescence, jusqu'au jour où...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 25 juin 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782332739667
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-73964-3

© Edilivre, 2014
Chapitre I
Je me souviens du nom de toutes les rues qu’il me fallait gravir puisqu’aucune d’entre elles en partant de la gare de l’Est où j’arrivais ne se trouvait au niveau horizontal, ni même en descente. Je devais tirer sur mes jambes, heureusement jeunes mais malheureusement peu vigoureuses. Je me souviens qu’il y avait un grand nombre de pas à faire, et cette marche me prenait environ vingt minutes pour arriver au boulevard de la Villette. D’où je venais et où j’allais n’a aucune importance puisque cette histoire n’a lieu qu’entre cette distance.
Cependant, pour placer un peu cette époque, disons qu’elle se situait vers la fin de ma puberté, à l’âge où les jeunes filles, à mes yeux, ne ressemblaient plus à celles que j’avais connues quelques mois auparavant, mais à l’odeur du miel, des cigarettes américaines, sans parler du chewing-gum que nous mâchions toute la journée, et des allures que nous prenions pour qu’elles aillent avec les accessoires de ce temps-là. Comme par exemple le fameux imperméable kaki de l’armée de nos libérateurs que tous portaient, du plus jeune au plus vieux, bien serré à la taille par une ceinture fournie avec l’habit (en ce temps-là cette taille était fine pour tous les hommes « libérés »). Cela donnait à tous, suivant leur idéologie, un air d’agent du F.B.I, à Gérard Philippe débutant, à un officier U.S., à la nouvelle police recyclée, etc… Mais aussi, tout compte fait, à son voisin puisque c’est à cette époque que nous avions commencé à devenir tous américainement uniformisés.
Bref, c’était bien sûr, deux ans environ après le temps que l’on a appelé « la Libération ». Ce mot est on ne peut plus juste étant donné que mes parents avaient eu la malencontreuse idée de libérer notre petit « F2 » (on disait alors un deux-pièces) pour la gérance d’un « Primistère ».
Par contre j’ai le souvenir qu’à peine un an après avoir échangé notre deux pièces contre cette gérance pour pouvoir enfin nous insérer dans le monde du commerce après que ma mère ait reçu en pleine poitrine et en pleine inconscience le sacrement du Dieu du business et de la caisse enregistreuse, un an à peine dis-je, nous avons été priés de vider les lieux. Ma mère qui s’occupait seule de cette épicerie en déclin, ne suffisait pas à remplir les besoins sans cesse plus pressants pour des quotas plus élevés que ceux de chez « Fauchon » tout en ayant dans les rayons quelques conserves de « Mange-tout », quelques bouteilles de mousseux que mon foie, un demi siècle plus tard se rappelait en se contractant rien que d’y penser, des caramels dans un grand bocal, des boîtes de pâté, de thon, de sardines. Tout ça exposé pas trop haut, de sorte que les enfants au sortir de l’école ne se privaient pas de les chiper quand ma mère était au téléphone dans l’arrière-boutique. D’ailleurs il ne sonnait que pour de fausses commandes, mais cela laissait quelques instants les futurs voleurs libres de faire la razzia dans les maigres bénéfices de bien longues journées.
Enfin, comme un malheur n’arrive pas tout seul, quelques jours avant alors que nous penchions dangereusement sur la pente du Sans Domicile Fixe, un messie vint chasser ce foutu malheur et nous offrit une superbe cabane en bois située à l’époque à la campagne, et qui maintenant se trouve en banlieue parisienne.
C’est pour cette raison que du lundi au vendredi il me fallait prendre les trains de banlieue est pour apprendre dans un atelier du boulevard de la Villette un métier qui, une fois connu ne me donna pas l’occasion d’être exercé ! En effet il disparut en même temps que ces hommes à grande moustache portant une longue blouse blanche plissée, qui doraient le cuir de l’animal, la colle de poisson, le fil poissé retenu par deux aiguilles, et qu’une alène aidait en transperçant le cuir, à faire une couture que l’on certifiait alors de « cousu-main ».
Pour en revenir à mon histoire, il faut dire qu’à chaque endroit déterminé de mon parcours ce voyage me procurait une satisfaction ou un embarras suivant les réactions, bien compréhensives, d’un jeune adolescent qui n’avait que la chance vis à vis des jeunes filles de n’exposer sur son visage ingrat, ni rougeurs douteuses, ni le moindre bouton pubertaire. Par contre, il faut que je le dise, je souffrais d’une grande timidité qui faisait rire ou excitait certaines jeunes filles et qui me donnait, hélas sans que je le sache, de sournoises frustrations…
La première expérience que je dus subir était celle d’une jeune femme que je voyais sortir d ’une maison cossue se trouvant sur les bords du canal Saint Martin. Chaque jour je savais qu’à la minute même où j’allais tourner le coin de la rue qui m’amenait près de chez elle, cette créature sortait de cet immeuble et que nous allions, comme tous les matins, nous croiser, elle les yeux sur moi, moi les yeux sur moi.
Je ne pouvais regarder cette personne qu’à une distance assez grande de ce coin de rue, plus environ quatre à cinq pas en allant vers sa direction. Ces quelques pas me suffisaient pourtant à la détailler chaque jour de la tête aux pieds.
Je pouvais la revoir en pensée, mais jamais, aussi bizarre que cela puisse paraître, je ne l’imaginais à mes côtés. Mes rêves me la faisaient voir toujours à longue distance entre moi et son existence. Il y avait comme un fossé, non, plutôt comme une frontière invisible, comme un seul pas qu’il nous était impossible de franchir pour que nous puissions, tout simplement, nous toucher.
Cette personne était, c’est certain, comme l’on disait à l’époque, d’un milieu « aisé ». Des tailleurs en tweed épais noir et blanc qu’elle portait même parfois les jours d’été, mais quand les débuts de matinée promettaient d’être chauds elle portait la veste du tailleur sur son bras gauche, entre son sac à main et sa poitrine. Ses corsages étaient immuablement blancs, avec parfois quelques dentelles au col et aux poignets pour les rendre un peu moins sévères. Ses souliers étaient toujours à talons plats parce qu ’elle avait tendance à être grande avec des talons hauts. Toute ma vie j’ai pensé que ce choix avait été volontaire pour que nous puissions chaque jour où nous nous croisions, être à la même hauteur.
Ses cheveux étaient blond foncé, comme la couleur des bières fortes que j’ai trop souvent retrouvées dans le fond des chopes. Son visage était tendre et sévère à la fois, il semblait me dire en quelques secondes : « Fais un geste, je t’aime et ne sois pas lâche, parle-moi ! »
La forme de son visage était comme celle des jeunes filles russes, du moins comme on se le représentait à cette époque, c’est-à-dire le contour un peu carré, mais sans que les pommettes ne soient saillantes, le teint clair comme toutes les blondes ou les rousses, avec, par contre, une peau qui paraissait épaisse et saine.
Aucun maquillage ne venait améliorer la bouche ni les yeux qui n’en avaient d’ailleurs nullement besoin. La couleur de ses yeux était à mon avis, bleu foncé ou verte, ce qui leur donnait une luminosité et en même temps une profondeur immense.
Son allure n’était plus celle d’une jeune fille, mais d’une femme sûre d’elle-même et même elle faisait, autrement dit, plus âgée que son âge.
C’est, je pense, pour cette raison que je me sentais très intimidé. Chaque matin de la semaine (sauf le samedi et le dimanche) c’était un calvaire et en même temps une pudique excitation quand le moment de la rencontre était venu. Chaque jour en commençant mon parcours, je me promettais de dominer ma timidité et de la regarder le plus longtemps possible dans les yeux pour qu’enfin j’en connaisse la couleur. Mais une fois arrivé presqu’à sa hauteur je ne pouvais que regarder irrémédiablement le goudron noir de l’asphalte.
Un matin pourtant j’eus l’audace de passer si près d’elle que son parfum me pénétra. Je fus pour toute la journée envahi de pensées bizarres, et en me remémorant ce court instant j’eus l’impression et même la certitude qu’elle avait également eu dans ce frôlement une sensation équivoque, une attirance qu’elle n’avait pu s’empêcher elle aussi de ressentir.
La nuit qui suivit cette journée m’enveloppa d’un manteau de fièvre entremêlé de l’odeur fade du canal, celle d’un imperméable humide et la sensation fiévreuse de l’amour.
Les jours passèrent. Nous devenions sans nous l’avouer, les plus illustres amants platoniques de la terre. Chaque nouvelle rencontre nous rapprochait de plus en plus l’un de l’autre, presque à nous toucher, nous caresser, nous mordre…
J’en arrivais à ne plus penser qu’à elle. Je m’étais moi-même éclipsé pour me fondre dans son esprit et dans son corps. J’avais l’impression d’être à sa place, et bien sûr toutes les pensées que je lui attribuais n’étaient que pour moi. Je pouvais ainsi la transformer à ma convenance en femme fougueuse, jalouse, soumise etc…
Mais le rôle que je lui donnais le plus souvent était celui qui, à mes yeux, me paraissait le plus réel.
Cette jeune femme était sans aucun doute à la merci d’une mère qui avait eu la malchance de l’enfanter bien trop tard pour pouvoir l ’élever dans une ambiance familiale remplie de compréhension mutuelle, en faisant fi de la différence de génération.
Cette mère ne pouvait être qu’une personne dominatrice et sévère pour sa fille qui, bien après avoir largement dépassé l’âge de la majorité (à cette époque vingt-et-un ans) reflétait une soumission discrète. Il était évident que même la tenue vestimentaire de cette jeune femme était choisie, conseillée, imposée par une personne qui ne regardait plus depuis longtemps les évolutions de la mode.
On pouvait sentir aussi le manque d’homme dans leu

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