Le vicomte de Bragelonne
1157 pages
Français

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Le vicomte de Bragelonne , livre ebook

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Description

Alexandre Dumas (1802-1870)



"Charles II était en train de prouver ou d’essayer de prouver à miss Stewart qu’il ne s’occupait que d’elle ; en conséquence, il lui promettait un amour pareil à celui que son aïeul Henri IV avait eu pour Gabrielle.


Malheureusement pour Charles II, il était tombé sur un mauvais jour, sur un jour où miss Stewart s’était mis en tête de le rendre jaloux.


Aussi, à cette promesse, au lieu de s’attendrir comme l’espérait Charles II, se mit-elle à éclater de rire.


– Oh ! sire, sire, s’écria-t-elle tout en riant, si j’avais le malheur de vous demander une preuve de cet amour, combien serait-il facile de voir que vous mentez.


– Écoutez, lui dit Charles, vous connaissez mes cartons de Raphaël ; vous savez si j’y tiens ; le monde me les envie, vous savez encore cela : mon père les fit acheter par Van Dyck. Voulez-vous que je les fasse porter aujourd’hui même chez vous ?


– Oh ! non, répondit la jeune fille ; gardez-vous-en bien, sire, je suis trop à l’étroit pour loger de pareils hôtes.


– Alors je vous donnerai Hampton Court pour mettre les cartons.


– Soyez moins généreux, sire, et aimez plus longtemps, voilà tout ce que je vous demande.


– Je vous aimerai toujours ; n’est-ce pas assez ?


– Vous riez, sire.


– Voulez-vous donc que je pleure ?


– Non, mais je voudrais vous voir un peu plus mélancolique."



Volume III


Suite et fin des "Trois mousquetaires" et "Vingt ans après".

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782384420643
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0026€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le vicomte de Bragelonne

Tome III


Alexandre Dumas


Mai 2022
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-064-3
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1062
CLXXVII
Le courrier de Madame

Charles II était en train de prouver ou d’essayer de prouver à miss Stewart qu’il ne s’occupait que d’elle ; en conséquence, il lui promettait un amour pareil à celui que son aïeul Henri IV avait eu pour Gabrielle.
Malheureusement pour Charles II, il était tombé sur un mauvais jour, sur un jour où miss Stewart s’était mis en tête de le rendre jaloux.
Aussi, à cette promesse, au lieu de s’attendrir comme l’espérait Charles II, se mit-elle à éclater de rire.
– Oh ! sire, sire, s’écria-t-elle tout en riant, si j’avais le malheur de vous demander une preuve de cet amour, combien serait-il facile de voir que vous mentez.
– Écoutez, lui dit Charles, vous connaissez mes cartons de Raphaël ; vous savez si j’y tiens ; le monde me les envie, vous savez encore cela : mon père les fit acheter par Van Dyck . Voulez-vous que je les fasse porter aujourd’hui même chez vous ?
– Oh ! non, répondit la jeune fille ; gardez-vous-en bien, sire, je suis trop à l’étroit pour loger de pareils hôtes.
– Alors je vous donnerai Hampton Court pour mettre les cartons.
– Soyez moins généreux, sire, et aimez plus longtemps, voilà tout ce que je vous demande.
– Je vous aimerai toujours ; n’est-ce pas assez ?
– Vous riez, sire.
– Voulez-vous donc que je pleure ?
– Non, mais je voudrais vous voir un peu plus mélancolique.
– Merci Dieu ! ma belle, je l’ai été assez longtemps : quatorze ans d’exil, de pauvreté, de misère ; il me semblait que c’était une dette payée ; et puis la mélancolie enlaidit.
– Non pas, voyez plutôt le jeune Français.
– Oh ! le vicomte de Bragelonne, vous aussi ! Dieu me damne ! elles en deviendront toutes folles les unes après les autres ; d’ailleurs, lui, il a raison d’être mélancolique.
– Et pourquoi cela ?
– Ah bien ! il faut que je vous livre les secrets d’État.
– Il le faut si je le veux, puisque vous avez dit que vous étiez prêt à faire tout ce que je voudrais.
– Eh bien ! il s’ennuie dans ce pays, là ! Êtes-vous contente ?
– Il s’ennuie ?
– Oui, preuve qu’il est un niais.
– Comment, un niais ?
– Sans doute. Comprenez-vous cela ? Je lui permets d’aimer miss Mary Graffton, et il s’ennuie !
– Bon ! il paraît que, si vous n’étiez pas aimé de miss Lucy Stewart, vous vous consoleriez, vous, en aimant miss Mary Graffton ?
– Je ne dis pas cela : d’abord, vous savez bien que Mary Graffton ne m’aime pas ; or, on ne se console d’un amour perdu que par un amour trouvé. Mais, encore une fois, ce n’est pas de moi qu’il est question, c’est de ce jeune homme. Ne dirait-on pas que celle qu’il laisse derrière lui est une Hélène, une Hélène avant Pâris, bien entendu.
– Mais il laisse donc quelqu’un, ce gentilhomme ?
– C’est-à-dire qu’on le laisse.
– Pauvre garçon ! Au fait, tant pis !
– Comment, tant pis !
– Oui, pourquoi s’en va-t-il ?
– Croyez-vous que ce soit de son gré qu’il s’en aille ?
– Il est donc forcé ?
– Par ordre, ma chère Stewart, il a quitté Paris par ordre.
– Et par quel ordre ?
– Devinez.
– Du roi ?
– Juste.
– Ah ! vous m’ouvrez les yeux.
– N’en dites rien, au moins.
– Vous savez bien que, pour la discrétion, je vaux un homme. Ainsi le roi le renvoie ?
– Oui.
– Et, pendant son absence, il lui prend sa maîtresse.
– Oui, et, comprenez-vous, le pauvre enfant, au lieu de remercier le roi, il se lamente !
– Remercier le roi de ce qu’il lui enlève sa maîtresse ? Ah çà ! mais ce n’est pas galant le moins du monde, pour les femmes en général et pour les maîtresses en particulier, ce que vous dites là, sire.
– Mais comprenez donc, parbleu ! Si celle que le roi lui enlève était une miss Graffton ou une miss Stewart, je serais de son avis, et je ne le trouverais même pas assez désespéré ; mais c’est une petite fille maigre et boiteuse... Au diable soit de la fidélité ! comme on dit en France. Refuser celle qui est riche pour celle qui est pauvre, celle qui l’aime pour celle qui le trompe, a-t-on jamais vu cela ?
– Croyez-vous que Mary ait sérieusement envie de plaire au vicomte, sire ?
– Oui, je le crois.
– Eh bien ! le vicomte s’habituera à l’Angleterre. Mary a bonne tête, et, quand elle veut, elle veut bien.
– Ma chère miss Stewart, prenez garde, si le vicomte s’acclimate à notre pays : il n’y a pas longtemps, avant-hier encore, il m’est venu demander la permission de le quitter.
– Et vous la lui avez refusée ?
– Je le crois bien ! le roi mon frère a trop à cœur qu’il soit absent, et, quant à moi, j’y mets de l’amour-propre : il ne sera pas dit que j’aurai tendu à ce youngman le plus noble et le plus doux appât de l’Angleterre...
– Vous êtes galant, sire, dit miss Stewart avec une charmante moue.
– Je ne compte pas miss Stewart, dit le roi, celle-là est un appât royal, et, puisque je m’y suis pris, un autre, j’espère, ne s’y prendra point ; je dis donc, enfin, que je n’aurai pas fait inutilement les doux yeux à ce jeune homme ; il restera chez nous, il se mariera chez nous, ou, Dieu me damne !...
– Et j’espère bien qu’une fois marié, au lieu d’en vouloir à Votre Majesté, il lui en sera reconnaissant ; car tout le monde s’empresse à lui plaire, jusqu’à M. de Buckingham qui, chose incroyable, s’efface devant lui.
– Et jusqu’à miss Stewart, qui l’appelle un charmant cavalier.
– Écoutez, sire, vous m’avez assez vanté miss Graffton, passez-moi à mon tour un peu de Bragelonne. Mais, à propos, sire, vous êtes depuis quelque temps d’une bonté qui me surprend ; vous songez aux absents, vous pardonnez les offenses, vous êtes presque parfait. D’où vient ?...
Charles II se mit à rire.
– C’est parce que vous vous laissez aimer, dit-il.
– Oh ! il doit y avoir une autre raison.
– Dame ! j’oblige mon frère Louis XIV.
– Donnez-m’en une autre encore.
– Eh bien ! le vrai motif, c’est que Buckingham m’a recommandé ce jeune homme, et m’a dit : « Sire, je commence par renoncer, en faveur du vicomte de Bragelonne, à miss Graffton ; faites comme moi. »
– Oh ! c’est un digne gentilhomme, en vérité, que le duc.
– Allons, bien ; échauffez-vous maintenant la tête pour Buckingham. Il paraît que vous voulez me faire damner aujourd’hui.
En ce moment, on gratta à la porte.
– Qui se permet de nous déranger ? s’écria Charles avec impatience.
– En vérité, sire, dit Stewart, voilà un qui se permet de la plus suprême fatuité, et, pour vous en punir...
Elle alla elle-même ouvrir la porte.
– Ah ! c’est un messager de France, dit miss Stewart.
– Un messager de France ! s’écria Charles ; de ma sœur peut-être ?
– Oui, sire, dit l’huissier, et messager extraordinaire.
– Entrez, entrez, dit Charles.
Le courrier entra.
– Vous avez une lettre de Mme la duchesse d’Orléans ? demanda le roi.
– Oui, sire, répondit le courrier, et tellement pressée, que j’ai mis vingt-six heures seulement pour l’apporter à Votre Majesté, et encore ai-je perdu trois quarts d’heure à Calais.
– On reconnaîtra ce zèle, dit le roi.
Et il ouvrit la lettre.
Puis, se prenant à rire aux éclats :
– En vérité, s’écria-t-il, je n’y comprends plus rien.
Et il relut la lettre une seconde fois.
Miss Stewart affectait un maintien plein de réserve, et contenait son ardente curiosité.
– Francis, dit le roi à son valet, que l’on fasse rafraîchir et coucher ce brave garçon, et que, demain, en se réveillant, il trouve à son chevet un petit sac de cinquante louis.
– Sire !
– Va, mon ami, va ! Ma sœur avait bien raison de te recommander la diligence ; c’est pressé.
Et il se remit à rire plus fort que jamais.
Le messager, le valet de chambre et miss Stewart elle-même ne savaient quelle contenance garder.
– Ah ! fit le roi en se renversant sur son fauteuil, et quand je pense que tu as crevé... combien de chevaux ?
– Deux.
– Deux chevaux pour apporter cette nouvelle ! C’est bien ; va, mon ami, va.
Le courrier sortit avec le valet de chambre.
Charles II alla à la fenêtre qu’il ouvrit, et, se penchant au-dehors :
– Duc ! cria-t-il, duc de Buckingham, mon cher Buckingham, venez !
Le duc se hâta d’accourir ; mais, arrivé au seuil de la porte, et apercevant miss Stewart, il hésita à entrer.
– Viens donc, et ferme la porte, duc.
Le duc obéit, et, voyant le roi de si joyeuse humeur, s’approcha en souriant.
– Eh bien ! mon cher duc, où en es-tu avec ton Français ?
– Mais j’en suis, de son côté, au plus pur désespoir, sire.
– Et pourquoi ?
– Parce que cette adorable miss Graffton veut l’épouser, et qu’il ne veut pas.
– Mais ce Français n’est donc qu’un béotien ! s’écria miss Stewart ; qu’il dise oui, ou qu’il dise non, et que cela finisse.
– Mais, dit gravement Buckingham, vous savez, ou vous devez savoir, madame, que M. de Bragelonne aime ailleurs.
– Alors, dit le roi venant au secours de miss Stewart, rien de plus simple ; qu’il dise non.
– Oh ! c’est que je lui ai prouvé qu’il avait tort de ne pas dire oui !
– Tu lui as donc avoué que sa La Vallière le trompait ?
– Ma foi ! oui, tout net.
– Et qu’a-t-il fait ?
– Il a fait un bond comme pour franchir le détroit.
– Enfin, dit miss Stewart, il a fait quelque chose : c’est ma foi ! bien heureux.
– Mais, continua Buckingham, je l’ai arrêté : je l’ai mis aux prises avec miss Mary, et j’espère bien que, maintenant, il ne partira point, comme il en avait manifesté l’intention.
– Il manifestait l’intention de partir ? s’écria le roi.
– Un instant, j’ai douté qu’aucune puissance humaine fût capable de l’arrêter ; mais les yeux de miss Mary sont braqués sur lui : il restera.
– Eh bien ! voilà ce qui te trompe, Buckingham, dit le roi en éclatant de rire ; ce malheureux est prédestiné.
– Prédestiné à quoi ?
– À être trompé, ce qui n’est rien ; mais à le voir, ce qui est beaucoup.
– À distance, et avec l’aide de miss Graffton, le coup sera paré.
– Eh bien ! pas du tout ; il n’y aura ni distance, ni aide de miss Graffton. Bragelonne partira pour

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