227
pages
Français
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2011
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Ebook
2011
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Publié par
Date de parution
30 août 2011
Nombre de lectures
219
EAN13
9782820610430
Langue
Français
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Date de parution
30 août 2011
Nombre de lectures
219
EAN13
9782820610430
Langue
Français
Les Pardaillan - Livre IX - La Fin de Pardaillan
Michel Z vaco
1926
Collection « Les classiques YouScribe »
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Suivez-noussur :
ISBN 978-2-8206-1043-0
Chapitre 1 RUE SAINT-HONORÉ
Une matinée de printemps claire, caressée de brises follesparfumées par les arbres en fleur des jardins du Louvreproches…
C’était l’heure où les ménagères vont aux provisions. Dans larue Saint-Honoré grouillait une foule bariolée et affairée. Lesmarchands ambulants, portant leur marchandise sur des éventaires,les moines quêteurs et les aveugles des Quinze-Vingts, la besacesur l’épaule, allaient et venaient, assourdissant les passants deleurs « cris » lancés d’une voix glapissante, agitantleurs sonnettes ou leurs crécelles.
À l’entrée de la rue de Grenelle (rue J. -J. Rousseau) moinsanimée, stationnait une litière très simple, sans armoiries, dontles mantelets de cuir étaient hermétiquement fermés. Derrière lalitière, à quelques pas, une escorte d’une dizaine de gaillardsarmés jusqu’aux dents : figures effrayantes de coupe-jarretsd’aspect formidable, malgré la richesse des costumes de teintesombre. Tous montés sur de vigoureux rouans [1] , toussilencieux, raides sur les selles luxueusement caparaçonnées,pareils à des statues équestres, les yeux fixés sur un cavalier –autre statue équestre formidable – lequel se tenait à droite de lalitière, contre le mantelet. Celui-là était un colosse énorme, ungéant comme on en voit fort peu, avec de larges épaules capables desupporter sans faiblir des charges effroyables, et qui devait êtredoué d’une force extraordinaire. Celui-là, assurément, était ungentilhomme, car il avait grand air, sous le costume de veloursviolet, d’une opulente simplicité, qu’il portait avec une éléganceimposante. De même que les dix formidables coupe-jarrets – dont ilétait sans nul doute le chef redouté – tenaient les yeux fixés surlui, prêts à obéir au moindre geste ; lui, indifférent à toutce qui se passait autour de lui, tenait son regard constamment rivésur le mantelet près duquel il se tenait. Lui aussi, de touteévidence, se tenait prêt à obéir à un ordre qui, à tout instant,pouvait être lancé de l’intérieur, de cette litière simystérieusement calfeutrée.
Enfin, à gauche de la litière, à pied, se tenait unefemme : costume pauvre d’une femme du peuple, d’uneirréprochable propreté, teint blafard, sourire visqueux, âgeimprécis : peut-être quarante ans, peut-être soixante.Celle-là ne s’occupait pas de la litière contre laquelle elle setenait collée. Son œil à demi fermé, singulièrement papillotant,louchait constamment du côté de la rue Saint-Honoré, surveillaitattentivement le va-et-vient incessant de la cohue.
Tout à coup elle plaqua ses lèvres contre le mantelet et, à voixbasse elle lança cet avertissement :
– La voici, madame, c’est Muguette, ou Brin de Muguet,comme on l’appelle.
Un coin du lourd mantelet se souleva imperceptiblement. Deuxyeux larges et profonds, d’une angoissante douceur, parurent entreles plis et regardèrent avec une ardente attention celle que lavieille venait de désigner sous ce nom poétique de Brin deMuguet.
C’était une jeune fille de dix-sept ans à peine, une adorableapparition de jeunesse radieuse, de charme et de beauté. Fine,souple, elle était gentille à ravir dans sa coquette et presqueluxueuse robe de nuance éclatante, laissant à découvert deschevilles d’une finesse aristocratique, un mignon petit piedélégamment chaussé. Sous la collerette, rabattue, garnie dedentelle, d’où émergeait un cou d’une admirable pureté de ligne, unlarge ruban de soie maintenait devant elle un petit éventaired’osier sur lequel des bottes de fleurs étaient étalées en undésordre qui attestait un goût très sûr. L’œil espiègle, le sourirerelevé d’une pointe de malice, le teint d’une blancheuréblouissante, capable de faire pâlir les beaux lis qu’elle portaitdevant elle, la démarche assurée, vive, légère, infinimentgracieuse, elle évoluait parmi la cohue avec une aisanceremarquable. Et d’une voix harmonieuse, singulièrement prenante,elle lançait son « cri » :
– Fleurissez-vous !… Voici Brin de Muguet avec des liset des roses !… Fleurissez-vous, gentilles dames et gentilsseigneurs !
Et la foule accueillait celle qui se donnait à elle-même ce nomde fleur, frais et pimpant : Brin de Muguet, avec des souriresattendris, une sympathie manifeste. Et à voir l’empressement aveclequel les « gentilles dames et les gentils seigneurs » –qui n’étaient souvent que de braves bourgeois ou de simples gens dupeuple – achetaient ses fleurs sans marchander, il était non moinsmanifeste que cette petite bouquetière des rues était commel’enfant gâtée de la foule, une manière de petit personnagejouissant au plus haut point de cette chose inconstante et fragilequ’on appelle la popularité. Il est certain que ce joli nom :Brin de Muguet – qui semblait être fait exprès pour elle tant illui allait à ravir – ce nom que d’aucuns abrégeaient en disantsimplement Muguette, voltigeait sur toutes les lèvres avec unesorte d’affection émue. Il est certain aussi qu’elle devait faired’excellentes affaires, car son éventaire se vidait avec rapidité,cependant que s’enflait le petit sac de cuir pendu à sa ceinture,dans lequel elle enfermait sa recette à mesure.
Derrière Brin de Muguet, à distance respectueuse, sans qu’elleparût le remarquer, un jeune homme suivait toutes ses évolutionsavec une patience de chasseur à l’affût, ou d’amoureux. C’était untout jeune homme – vingt ans à peine – mince, souple comme une lamed’acier vivante, fier, très élégant dans son costume de veloursgris un peu fatigué et faisant sonner haut les énormes éperons deses longues bottes de daim souple, moulant une jambe fine etnerveuse jusqu’à mi-cuisse. Une de ces étincelantes physionomies oùse voyait un mélange piquant de mâle hardiesse et de puériletimidité. Il tenait à la main un beau lis éclatant et, de temps entemps, il le portait à ses lèvres avec une sorte de ferveurreligieuse, sous prétexte d’en respirer l’odeur. Il est certainqu’il avait acheté cette fleur à la petite bouquetière des rues. Àvoir les regards chargés de passion qu’il fixait sur elle, de loin,on ne pouvait se tromper : c’était un amoureux. Un amoureuxtimide qui, en toute certitude, n’avait pas encore osé sedéclarer.
La mystérieuse dame invisible, qui se tenait attentive derrièreles mantelets légèrement soulevés de sa litière, ne remarqua pas cejeune homme. Ses grands yeux noirs d’une angoissante douceur – toutce que nous voyons d’elle pour l’instant – se tenaient obstinémentfixés sur la gracieuse jeune fille et l’étudiaient avec une sûretéqui, avec des yeux comme ceux-là, devait être remarquable. Après unassez long examen, elle laissa tomber à travers le mantelet, d’unevoix de douceur étrangement pénétrante :
– Cette jeune fille a l’air d’être très connue et trèsaimée du populaire.
– Si elle est connue ! s’exclama la vieille, je croisbien, seigneur ! Quand je suis revenue à Paris, il y a unequinzaine, je n’entendais parler partout que de Muguette ou de Brinde Muguet. J’étais loin de me douter que c’était elle. Quand jel’ai rencontrée par hasard, quelques jours plus tard, j’ai ététellement saisie que je n’ai pas su l’aborder. Et, quand j’ai voulule faire, elle avait disparu.
– Et tu es sûre que c’est bien la même qui te fut remise,enfant nouveau-né, par Landry Coquenard ?
– Lequel Landry Coquenard était alors l’homme de confiance,l’âme damnée de signor Concino Concini, lequel n’était pas alors…suffit… Oui, madame, c’est bien elle !… c’est la fille deConcini !…
Ceci était prononcé avec la force d’une conviction que rien nepouvait ébranler. Il y eut un silence bref, au bout duquel la dameinvisible posa cette autre question :
– La fille de Concini et de qui ?… Lesais-tu ?
Cette question était posée avec une indifférence apparente. Maisl’insistance avec laquelle les yeux noirs fouillaient les yeuxpapillotants de la vieille penchée sur le mantelet indiquait quecette indifférence était affectée.
– De qui, répondit la vieille en hochant la tête d’un airdépité, voilà la grande question !… Vous pensez bien, madame,que j’ai cherché à découvrir le nom de la mère. Le diablet’embrouille ! C’est qu’il en avait des maîtresses, dans cetemps-là, le seigneur Concini !… Tout de même j’auraispeut-être fini par trouver. Mais je ne suis pas italienne, moi.
« Pour une misère, une niaiserie, je venais de perdre laplace que j’occupais dans une nobl