Né en 1840
180 pages
Français

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Né en 1840 , livre ebook

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Description

Ingrid voit le jour alors que la deuxième guerre mondiale fait rage. Son père, né en 1885, pourrait être son grand-père. La petite fille adore l'écouter évoquer les moments qui ont marqué sa vie, non seulement au cours des deux grands conflits mais également durant son enfance à la fin du XIXe siècle. Louis lui parle aussi de son propre père, Charles Louis, né en terre de Flandre en 1840, dix années à peine après l'indépendance de la Belgique. Ingrid n'a pas connu son grand-père, mais elle n'a pas oublié les récits paternels. À l'automne de sa vie, elle raconte à son tour, mêlant intimement cent-vingt années de « petite » histoire de sa famille et de « grande » Histoire de son pays dont elle aborde les aspects politiques, littéraires, artistiques ou socioculturels.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 mai 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414341863
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Né en 1840 MARTHE GALWAY
Du même auteur Parus chez Edilivre :
Cet automnelà.  Et le Paon fit la Roue
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1831-1865 La Belgique de Léopold de Saxe Cobourg
Le petit Karel Louis fit son entrée dans le monde le 15 décembre 1840. Ce matin-là, tandis qu’il se frayait péniblement un chemin dans son village de Flandre Occidentale, nos voisins latins ramenaient à Paris la dépouille de celui que les troupes de Wellington et de Blücher avaient vaincu à Waterloo, dans notre « morne plaine », en 1815. Il faisait un tel froid de canard en ce mémorable 15 décembre que l’eau gela dans les moteurs des rares locomotives de l’époque et que certaines personnalités assistant au retour officiel de Napoléon Bonaparte dans sa capitale en eurent les pieds gelés ou succombèrent, victimes des conséquences de ce froid intense. Karel Louis venait de voir le jour dans le tout nouveau Royaume de Belgique. Il n’y avait pas si longtemps qu’il existait, ce pays qui est aujourd’hui le nôtre. er Malgré la prestation de serment du roi Léopold 1 le
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vingt-et un juillet 1831, l’indépendance belge n’avait été définitivement garantie par le Traité « des Vingt-Quatre Articles » qu’en 1839. Guillaume d’Orange avait essayé de récupérer notre territoire par la force au cours d’une « guerre de dix jours ». La Grande-Bretagne et la France s’étant portées garantes de notre indépendance, le roi Louis-Philippe avait envoyé des troupes en support à la jeune armée belge mais, malgré l’intervention militaire française, les Pays Bas du Nord avaient « rogné » sur nos frontières d’origine et les provinces belges du Brabant et du Limbourg avaient été amputées de leur partie septentrionale. Maastricht était ville hollandaise et l’est de notre province de Luxembourg s’appelait le Grand-duché, indépendant, à la tête duquel le roi Guillaume avait fait placer en 1839, un membre de sa famille d’Orange Nassau. Quant à la Citadelle d’Anvers, elle avait été libérée en décembre 1832 seulement au prix d’intenses bombardements et de nombreuses pertes humaines. Bourguignons, Espagnols, Autrichiens, Français et enfin Hollandais, ils nous avaient tous, au cours des siècles, soumis aux rigueurs de leur occupation. Cette position centrale au cœur de l’Europe des grandes puissances nous avait valu ce « privilège » de la diversité… et ce n’était pas terminé ! II ne savait pas, le petit Karel Louis, que les Belges n’en avaient pas fini avec les occupations. S’il vécut suffisamment longtemps pour connaître le joug des Prussiens lors de la « grande » guerre, il était passé sur l’autre rive bien avant l’arrivée de nouveaux indésirables. Le joug nazi, c’est son fils Louis – mon père – qui en subit les rigueurs et en connut les atrocités. Pas seulement mon père évidemment, mais ses millions de contemporains.
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Il ne savait pas non plus, le petit Karel, que quelques-uns parmi ses petits-fils ne reviendraient pas de ce qu’on appela les « stalags » de la deuxième guerre. Cette notion de camps n’existait pas. Bien plus tard, en 1965, le père de mon amie allemande fit un jour remarquer à l’étudiante que j’étais alors que ce n’étaient pas les Allemands qui avaient initié ces camps, mais les Britanniques, au cours de la guerre ème des Boers en Afrique du Sud, à l’aube du 20 siècle. Eh oui, mais était-ce une raison pour les copier sur une échelle infiniment plus vaste et plus affreuse ? Une Belgique indépendante, certes, mais encore fallait-il choisir entre la république ou la royauté. Nos responsables optèrent pour le royaume. Le Liégeois Louis Surlet de Chokier, Président du Congrès National Provisoire et artisan de notre future Constitution, s’en alla à Paris proposer le trône de la nouvelle Belgique au Duc de Nemours, le deuxième fils du Roi Louis Philippe. Les Anglais n’y étaient pas favorables. Sans doute craignaient-ils une trop forte influence d’un des grands pays voisins qui s’étaient penchés sur le berceau du bébé Belgique. La couronne fut donc offerte à un autre prince étranger, très apprécié de la fière Albion. Il était issu d’un modeste duché allemand, certes, mais le Prince Léopold de Saxe Cobourg n’était pas un inconnu dans les Cours d’Europe. Il er avait servi dans les régiments du Tsar Alexandre 1 de Russie et participé à la défaite de Napoléon, ce même Napoléon qui avait imposé sa loi sur le Duché de Saxe Cobourg. Apparenté aux Romanov par sa mère, le fringant colonel sanglé dans son uniforme d’officier russe avait accompagné le Tsar lors de son entrée triomphale à Paris en 1814, tandis que le « tyran » était acheminé vers l’Ile d’Elbe. Petite anecdote : ce sont les soldats russes qui auraient
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introduit le mot « bistrot » dans la langue de Voltaire en levant leur verre à la santé du Tsar ! Léopold de Saxe Cobourg avait alors 24 ans. Il était, dit-on, fort bel homme et ne passa pas inaperçu dans la capitale française. Il avait, au cours de son séjour en France, accepté l’invitation de Joséphine de Beauharnais, l’épouse répudiée de Bonaparte. A la Malmaison, il avait admiré la merveilleuse collection de roses de Joséphine avec qui il avait sympathisé, mais c’est à la Cour d’Angleterre, où il s’était ensuite rendu, qu’il avait rencontré LE bonheur en la personne de Charlotte de Galles, l’héritière du trône britannique, fille de George IV de Hanovre, qu’il épousa en 1816. Un mariage d’amour tragiquement interrompu lorsque Charlotte mourut une année plus tard, à 21 ans, en donnant le jour à leur premier enfant, lui-même mort-né. Cette disparition le laissa totalement désemparé car il l’aimait, sa Charlotte trop tôt disparue. Etrange destin que celui de cet homme car, si Charlotte de Galles n’était pas décédée, sa cousine Victoria ne serait jamais devenue reine et Léopold eut été Prince Consort, à l’instar de Philippe d’Edimbourg. Le trône de Grèce lui fut alors proposé ; il le refusa. Il accepta cependant la couronne de Belgique où il arriva en calèche à La Panne en provenance du port de Dunkerque, le 17 juillet 1831. A l’extrémité ouest de la station balnéaire, sa statue se dresse aujourd’hui encore sur l’Esplanade, à l’endroit même où il posa le pied sur le sol de son nouveau royaume. Léopold n’était plus un jeune premier, il avait la quarantaine bien sonnée mais ses qualités de diplomate étaient très appréciées des « grandes puissances ». Lorsque la jeune Victoria accéda, à 18 ans, au trône britannique, elle
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adressa à l’oncle Léopold un abondant courrier dans lequel l’inexpérimentée princesse lui demandait conseil ; il ne manquait jamais d’y répondre longuement. Léopold de Saxe Cobourg aimait beaucoup Victoria, qui était la fille de sa sœur et, lorsque quelques années plus tard, Victoria fit, elle aussi, un mariage d’amour avec son cousin germain Albert, fils du frère de notre souverain, celui-ci ne cacha pas sa joie devant la perspective de voir un autre Cobourg devenir prince consort du plus puissant pays au monde, un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais. Notre nouveau roi ne s’était pas consolé de la perte de son épouse bien-aimée, mais il lui fut demandé de se remarier afin d’assurer sa succession. Louise Marie d’Orléans, fille du roi Louis Philippe de France, de vingt-deux ans sa cadette, devint notre première reine en 1832. La jeune Louise Marie venait d’avoir vingt ans, était de santé fragile et pleura beaucoup en quittant la famille très unie qui était la sienne. Le mariage fut célébré en la chapelle du château de Compiègne. Léopold de Saxe Cobourg était de religion luthérienne ; il ne se convertit jamais au catholicisme. Selon les historiens, à défaut d’amour, le roi lui témoigna toutefois du respect, bien qu’une certaine Arcadie Claret, fille d’un officier de l’armée belge, ait reçu discrètement (d’abord) les faveurs royales qu’elle garda vingt années durant. Notre fragile première reine s’éteignit, à 38 ans, à Ostende, où elle s’était installée, espérant que l’air marin améliorerait l’état de ses bronches malades. C’est en 1840, comme mon grand-père, que la fille du couple royal, la petite Charlotte, future et éphémère Impératrice du Mexique, vit le jour ; petite fille assurément
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appelée Charlotte en souvenir de la première épouse de notre souverain. Tragique destinée que celle de cette très belle princesse, à qui tout semblait sourire… jusqu’au jour où son époux, Maximilien de Habsbourg, Empereur du Mexique, fut fusillé, là-bas, loin de son Europe natale, tandis qu’elle était venue supplier les cours d’Europe, et surtout celle de Napoléon III, de voler à son secours. Sa mort fut un tel choc pour Charlotte que la jeune femme en perdit la raison et devint totalement incontrôlable. Son frère, devenu le roi Léopold II, acheta pour elle le château de Bouchout situé au milieu de l’actuel jardin botanique de Meise où elle passa plus de cinquante années en démence profonde, sous surveillance permanente. Née la même année que Karel Louis, elle mourut, à 86 ans, en 1927, deux ans à peine après lui. Ils furent contemporains. Tout comme mon grand-père, elle était encore en vie lorsqu’éclata la guerre en 1914. Durant le conflit, les occupants germaniques avaient fait placarder sur la grille d’entrée du château la phrase suivante « passant, recueillez-vous ; ici vit la veuve de notre regretté Maximilien d’Autriche ». Charlotte de Belgique avait précédé mon aïeul de quelques semaines seulement sur la Planète Terre. Il en fut de même du peintre Henri de Braekeleer, d’origine flamande lui aussi. Né à Anvers, où il passa toute sa vie, de Braekeleer ne s’intéressa jamais à la région natale de Karel Louis. Anversois il naquit, Anversois il mourut et, tout comme les artistes hollandais Vermeer et Pieter de Hooch dont il s’inspira, il fut, à quelques exceptions près, davantage sensibles à la minutieuse représentation de paisibles intérieurs bourgeois éclairés par une lumière venue de l’extérieur. Celui qui fut le chantre lumineux des bords de la Lys où
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il naquit, comme mon grand-père, et le long desquels il termina sa longue vie, ce fut Emile Claus, né quelques années seulement après Karel Louis. Emile Claus, le peintre « luministe » comme il fut appelé et dont je me suis souvent demandé pourquoi un tel artiste est demeuré aussi peu connu, malgré le nombre d’œuvres qu’il réalisa. Emile Claus, le peintre de la lumière, de la tranquille sérénité des paysages bucoliques, des prairies parsemées de floraisons sauvages, des champs de lin doré ourlés de coquelicots ou de bleuets ; le peintre des enfants aux cheveux blonds menant leurs troupeaux le long de paisibles cours d’eau, sous les longues drèves de peupliers. Claus, le peintre des gamins glanant derrière les attelages de bœufs au lourd piétinement ; Claus, le chantre des paysannes aux petites coiffes blanches et aux longs tabliers noués à l’arrière, s’en retournant vers le paisible clocher de leur village. Sans doute enjoliva-t-il la dure réalité du labeur dans les campagnes de son époque, mais ses œuvres dégagent une telle douceur, une telle fraîcheur, qu’elles sont bien agréables à regarder. Issu d’une famille de seize enfants, Emile Claus passa « sur l’autre rive » plus ou moins à la même époque que mon grand-père et connut ainsi, tout comme Karel Louis, l’invasion teutonne de 1914. Mon grand-père était un admirateur des œuvres de cet autre enfant de laLeiestreek. Ses peintures lui rappelaient sa propre enfance au bord de la Lys. Mais Emile Claus, contrairement à Karel Louis, demeura fidèle à sa Flandre natale. Il termina sa longue vie au bord même de la Lys, dans une demeure aux volets verts entourée de fleurs et qu’il avait baptiséeZonneschijn. Rayon de Soleil, appellation pas étonnante pour un homme qui maîtrisa aussi bien les nuances de la lumière.
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