Plus jamais ça !
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Description

« D’Ernest, peu de nouvelles. Il n’envoyait que de rares cartes toutes prêtes sur lesquelles il ne pouvait porter que quelques courtes lignes sujettes à la censure militaire. [...] D’Hervé : silence complet, mais dans la famille, on ne se faisait pas de mauvais sang à son sujet. Il était en Bretagne, loin des combats, théoriquement en sécurité. Quant à moi, je ne pus demeurer longtemps en paix ! Le 19 novembre 1915 (j’avais 18 ans), je dus me présenter au bureau de recrutement de Dunkerque d’où je sortis : "Appelé – Bon pour le Service armé". [...]L’enfer m’ouvrait grand ses portes... »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 mars 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342003246
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Plus jamais ça !
André Seeten
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
14, rue des Volontaires
75015 PARIS – France
Tél. : +33 (0)1 53 69 65 55
Plus jamais ça !
 
 
 
À la mémoire de mon père,
Poilu de la Guerre 1914-18
Blessé de guerre – Médaille militaire
Croix de guerre avec palme et citation
 
 
 
 
Très bon soldat – Très belle conduite au feu
Grièvement blessé à son poste de combat
Le 2 juillet 1917
 
 
 
 
Mes jeunes années
 
 
 
J’atterris en ce bas monde en 1897 et j’appris plus tard que je me nommais Robert Seyname. J’avais choisi comme lieu de prédilection, une exploitation maraîchère à Saint-Pol-sur-mer, petite commune de la banlieue de Dunkerque.
Enfant unique ? diable, non ! Je ne m’alignais qu’au troisième rang après Hervé, l’aîné de la lignée, puis Ernest, brillant second (en quoi ?). Toutefois, je ne fermais pas la marche ; survinrent Mathilde (enfin une fille dut soupirer ma mère…), Augustin (encore un garçon ! nouveau soupir…) et enfin, Julie, la petite dernière.
 
Quatre garçons, deux filles ; ce n’était pas rien, sans être extraordinaire pour l’époque. Et tout cela, sans allocations familiales, ni sécurité sociale ; les enfants étaient alors élevés par leurs seuls parents, sans l’aide de quiconque. « Vous avez voulu ces enfants, débrouillez-vous avec eux ! » semblaient clamer les dirigeants, en accord avec le « Travail, Famille, Patrie ! » : une belle formule, n’est-ce pas ?
 
Chez nous, les mioches sortis de la prime enfance, dès l’âge de dix ans, participaient ipso facto aux travaux maraîchers.
Nous étions promus « aides agricoles ». Quand l’exploitation réclamait du renfort, toute aide était bonne à prendre ; qu’il se fût agi de la cueillette de fruits, de la récolte de pommes de terre, ou autres « distractions » similaires, et tout cela se faisait au détriment des bancs de l’école.
Dans ces conditions ; difficile de devenir des cracks en lettres, sciences ou maths !
Mais le pater familias exigeait que garçons comme filles décrochassent le sacro-saint certificat d’études, qui valait quelque chose jadis…
Ce passage de l’enfance insouciante à la fonction de travailleur (pas du tout indépendant) était considéré par nous, comme une accession au monde des grands, un genre d’adoubement du chevalier par son suzerain, au Moyen Âge.
À l’armée, notre livret militaire, à nous garçons, mentionnait : « Sait lire et écrire ! » Ce qui n’était pas le cas de toutes les recrues.
 
Notre grand frère, Hervé, souffrait d’une déformation de la colonne vertébrale (scoliose), de ce fait, il était dispensé des travaux lourds de l’exploitation.
Le second, lui, n’y échappa pas, une fois jugé assez grand en âge et en force. Idem pour moi.
Le principe du travail en famille, rassemblant grands et petits, était fixé une fois pour toutes, il n’y avait pas à chicaner là-dessus, ce que personne n’aurait osé faire.
Mathilde, dès son jeune âge, aida sa mère dans les besognes ménagères. Quitte à donner un coup de main au père entre-temps.
Julie, la petite princesse, était la « gâtée », à la fois par ses parents et ses frères et sœur. Elle était si mignonne avec ses grands yeux bleus et son opulente tignasse blonde. Elle sut très vite manœuvrer son petit monde pour arriver à ses fins.
Pas question pour elle de peiner sur la glèbe, ni de tordre le linge… Une blanche-neige locale !
Le personnage central de la maisonnée, autour duquel tournait toute la famille était Léonie, la maman tenant inconsciemment le rôle de mamma italienne . Elle menait tout de main de maître : ménage, enfants, exploitation maraîchère et… son mari. Elle était le capitaine du navire Seyname à bord duquel son époux jouait les matelots (peut-être de première classe ?).
À ma connaissance, le ménage marchait bien, le matelot se soumettait de bon gré à l’autorité souveraine de la reine mère qui essayait d’en user avec modération.
La mamma , absorbée par ses multiples tâches et responsabilités, faute de temps et peut-être en raison de son tempérament peu démonstratif, n’abondait guère en témoignages d’affection.
Elle nous aimait bien, point final ! Sans privilégier aucun d’entre nous… sauf Julie, comme de bien entendu, que personne ne jalousait.
 
Néanmoins, c’était quelqu’un que toute la famille aimait et respectait. Jamais je n’ai entendu quelqu’un mal lui parler. Les voisins savaient que lui marcher sur le pied était vivement déconseillé.
 
Avec cette ribambelle d’enfants, les petites maladies étaient chose courante. Léonie prenait alors l’affaire en main et administrait ses remèdes de bonne femme que lui avait transmis la tradition familiale (rien n’était écrit)   : tisanes à base de plantes du coin, puis sur les plaies légères, application de feuilles de lis macérées depuis des années dans de l’alcool, enveloppements, prières, neuvaines…
En cas de gros rhume, nous avions droit à une bière «  fuff » comme nous l’appelions, ce que nous aimions particulièrement. Tisonnier chauffé au rouge trempé dans le verre de bière, d’où l’appellation « maison » attribuée en liaison avec le bruit provoqué.
Le médecin n’était requis qu’en cas d’urgence avérée.
Je me souviens du cas d’une petite voisine atteinte d’érysipèle, affection cutanée caractérisée par l’apparition de plaques rouges, accompagnée d’une forte fièvre.
Ses parents sollicitèrent l’intervention d’une dame « qui avait le don ». Elle fit, avec sa salive, un rempart de croix sur le visage de la malade, ce qui stoppa net la progression du mal.
 
Tout proche de chez nous, quelques kilomètres à vol d’oiseau, se trouvait la commune de Petite-Synthe, où coulait une source qualifiée de miraculeuse, réputée pour guérir convulsions et maladies des yeux.
Une légende raconte qu’un bélier, grattant la terre, mit à jour des reliques de la Sainte Croix, ramenées de croisade par le comte de Flandre, Robert II.
Un calvaire fut élevé au pied de la source qui prit le nom de Kruysbellaert (la croix du bélier)
Celui ou celle qui faisait la neuvaine en ce lieu sacré ne guérissait pas de façon certaine. On accusait alors le manque de ferveur ou de foi.
Cependant, il y eut des cas de guérison : autosuggestion ? rétablissement du métabolisme ? ou vrais miracles, imputables à des forces surnaturelles dépassant l’entendement du commun des mortels, qu’il soit scientifique ou médical ?
 
Pas d’électricité. Elle ne nous parviendra qu’en 1930.
Ni eau courante. Au milieu de la cour, un puits de cinq ou six mètres de profondeur abritait une source qui pourvoyait aux besoins familiaux.
Potable ? Personne ne se posait la question ! Depuis un temps immémorial, cette onde réputée pure, abreuvait sans problème, bêtes et gens de la ferme.
Au sujet de ce puits, une anecdote : un dimanche de ducasse annuelle (fête communale), oncles, tantes, cousins étaient conviés chez nous. Beaucoup de bière, peu de vin (encore peu apprécié dans la région), l’ambiance s’embrasait à grand renfort d’histoires lestes et de chansons polissonnes.
L’un de mes cousins, farceur impénitent, entreprit son petit frère :
— Cache-toi derrière le puits. Montre-toi seulement quand je t’appellerai !
Il se précipita, l’air affolé, dans la grande salle en glapissant :
— Papa ! Papa ! Raymond est tombé dans le puits !
Ruée de tous les convives (un peu éméchés) vers l’endroit fatal. Fébrile, l’oncle retira ses chaussures pour descendre dans l’abîme sauver le petit.
À ce moment, Raymond, répondant à l’appel de son grand frère, surgit de derrière la margelle en modulant :
— Coucou ! Coucou !
La farce ne fut pas vraiment appréciée comme l’avait espéré son auteur qui récolta une sévère fessée, d’autant plus cinglante que l’alerte avait été chaude.
 
 
Mon père, Henri n’était pas du genre rigolo . Son règlement : « À table, on mange, on ne parle pas ! » S’il notait un quelconque manquement à sa discipline, il ôtait la casquette qui ne le quittait guère (dormait-il avec ce couvre-chef ?), la posait ostensiblement sur la table, sans proférer la moindre parole ou manifestation de son courroux, ce qui équivalait à une alerte rouge. Subitement, les « agités » retrouvaient leur calme.
 
Une fois par mois, c’était le branle-bas de combat à l’occasion de la lessive. Dans un appentis, un foyer à bois était réservé à cet usage, l’âtre de la grande cuisine étant affecté aux cuissons quotidiennes. Les hommes approvisionnaient en bûches le brasier ronflant et en seaux d’eau du puits la grande bassine de métal. Le linge, trempé avec des cristaux de soude, subissait ensuite une ébullition prolongée dans l’eau savonneuse. Frotté vigoureusement à la brosse à chiendent, puis abondamment rincé, tordu à plusieurs à la force des poignets, le linge séchait sur des fils, battant au vent. Par beau temps, les draps étalés sur l’herbe s’enlevaient secs et parfumés de senteurs champêtres.
 
 
Je n’ai pas connu mon grand-père, Auguste (1831-1911), en pleine possession de ses facultés physiques et mentales, quand il était encore actif ; je n’ai côtoyé qu’un vieillard décrépit, complètement incohérent.
C’était de la dégénérescence sénile, que nous ne cherchions d’ailleurs pas à qualifier autrement. Grand-père était « malade dans sa tête », on le soignait… c’était tout ! Pas de maison de retraite avec structure spécialement affectée à ces malades mentaux. Les déments violents et dangereux étaient enfermés en établissements psychiatriques où couramment, ils ne faisaient pas de vieux os, bourrés de calmants probablement surdosés pour maîtriser ces dérèglements psychiques. Les autres, plus sociables, restaient dans leur famille,

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