Pour la Terre , livre ebook

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Dans sa première édition, le titre complet du roman était Pour la terre, roman de mœurs villageoises. C'est en effet le quotidien et les murs de nos villages auvergnats que décrit Camille Audigier. Pierre Delmas, propriétaire terrien, d'âge mûr, est un joyeux vivant. Les mauvaises années ayant sévi, les revenus ont diminué, Pierre a écorné sa situation. Mais il ne s'arrête pas en si beau chemin et continue à dissiper son avoir. Il a la ferme résolution de vendre peu à peu ses terres, afin de les boire, lorsque la Fanchon, sa femme, se met en travers de ses projets. Elle donne en mariage sa seconde fille Margot au valet Antoine, une sombre brute, et incite celui-ci à assassiner Pierre. Les deux misérables exécutent une action encore plus odieuse. Jacques Arnal, le fiancé de Lucie, la fille aînée des Delmas, est un fils de paysan devenu ingénieur. Par son sérieux et son labeur, il a conquis une belle situation ; les paysans le jalousent, et particulièrement Antoine. Celui-ci et la Fanchon s'arrangent pour que les apparences accusent Jacques, qui s'est querellé avec Delmas qui ne consentait qu'à contrecœur à lui bailler sa fille. Arnal est arrêté, emprisonné ; mais tout se découvre... La véritable héroïne de ce livre, c'est la terre.


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Publié par

Date de parution

31 octobre 2013

Nombre de lectures

29

EAN13

9782365752282

Langue

Français

Poids de l'ouvrage

1 Mo

Camille Audigier


Pour la Terre







À MON MAITRE ET AMI,
PIERRE ELZÉAR

(en respectueuse sympathie)
C. A.


Mon cher Audigier,

Entre La Terre qui meurt , de René Bazin, et La Terre , de Zola, entre l’idéalisme et le naturalisme, il y avait à prendre une place que d’autorité tu conquiers avec ton beau roman Pour la Terre . Qu’ils sont loin, en effet, du convenu, et près de la réalité, ces paysans auvergnats que tu dépeins avec une minutie d’aquafortiste !... Balzac s’était attelé, lui aussi, à cette besogne. Mais il les avait vus, ses terriens tourangeaux, à travers le prisme de son esprit imbu de monarchisme et de haine de caste. Toi qui as vécu leur vie, qui as pris comme cadre de son action le pays même où se sont écoulées les années de ta première enfance, tu les montres tels qu’ils sont, avec leurs qualités de labeur tenace et têtu, avec les défauts qui sont les résultantes mêmes de ces qualités, et qui peuvent se résumer d’un mot : l’amour de la terre.
L’existence paysanne est faite d’opiniâtreté dans le travail – dans le travail farouche, qui féconde les guérets – et d’économie qui nous semble, à nous autres urbains, sordide, mais qui n’en est pas moins nécessaire. C’est à la campagne, surtout, qu’un sou est un sou, et qu’il faut « liarder » pour joindre les deux bouts. Vienne la mauvaise saison, la gelée – et, avec l’espoir des moissons futures, s’envole la fortune familiale. Dès lors, rien d’étonnant à ce que la mentalité paysanne, soit tout autre que la nôtre. Le cultivateur, qui n’a pas la soupape de sûreté de la spéculation, des sommes facilement conquises, qui vit plus près du travail, plus près de l’humus dont il faut arracher de force les richesses – le cultivateur a une notion plus exacte que l’habitant des villes de la valeur de l’argent.
Il sait combien de gouttes de sueur a coûté chaque épi, quel farouche et ardent labeur représente chaque grappe de vigne. Et c’est vrai surtout dans cette merveilleuse Auvergne qu’il m’a été donné de parcourir naguère, quand j’allais conférencier dans toutes les villes universitaires de France.
Je me rappelle avec émotion, mon cher ami, ces paysages de calme et de prospérité, qui s’échelonnent sur la route de Clermont-Ferrand, à Riant, et qu’avec tes dons naturels de l’image et de la couleur, tu as si exactement dépeints. J’ai revu, en pensée, ces campagnes où Balzac, dont je parlais tout à l’heure, plaça les dernières scènes de sa Peau de Chagrin – l’agonie de son Raphaël. Et les pensées qui m’assaillaient, pendant que le train m’emportait à travers ta verte et féconde Limagne, me reviennent, m’assiègent encore. Peut-il y avoir place, dans cette nature accueillante et douce, pour les vilénies humaines, que nous autres côtoyons chaque jour, dans l’atmosphère électrique des grandes villes, où se heurtent, se choquent, se battent, les passions et les appétits ?
Ton œuvre est la réponse à cette interrogation qu’incidemment je me posais alors. Oui, le crime existe au village – aussi bien que dans les milieux plus « civilisés », mais, là-bas, il a pour cause initiale l’instinct obscur de la propriété – cet amour de la Terre que j’ai souligné plus haut. Au village, on vit « pour le patrimoine » et le geste de tes jurés campagnards acquittant ton héroïne, la Fanchon, ne m’a pas surpris.
Après tout, qu’ont fait autre chose les patriotes que l’Histoire a placés sur un pavois de gloire, que de défendre, par le fer et par le feu, la Terre et la tradition des ancêtres ?... Cela a l’air d’un paradoxe – et c’en est un au point de vue de la morale absolue, car je suis d’avis qu’il ne faut pas, qu’il ne faut jamais tuer ; mais, comme disait l’autre, il y a la manière.
Et celle qui fait assassiner – parce que, dans sa cérébralité obscure, chaotique, à peine évadée de l’animalité primitive, elle a considéré comme l’ennemi le mari bambocheur et « dilapideur » —, celle-là est, certes, moins antipathique que l’adultère mondaine qui, d’un geste, rue son amant au meurtre du mari gênant.
Pour la Terre, mon cher Audigier, est un bon livre parce qu’il est vrai. Et tu me permettras d’ajouter que c’est en outre – ce qui ne gâte rien – une belle manifestation de ton incontestable talent. Je lui souhaite donc, au nom de notre vieille amitié, la meilleure chance possible.

Bien à toi.


JACQUES DHUR





PREMIÈRE PARTIE

PIERRE DELMAS ET LA FANCHON


I. Le rendez-vous

Jacques et Lucie arrivèrent en même temps au rendez-vous. Le jeune homme, venu en bicyclette, avait pris par le chemin qui descend de Châteaugay, la jeune fille par le sentier qui contourne l’auberge de la Maison-Jaune. Et comme le jour pointait, tous deux, depuis un instant, s’apercevaient à travers les futaies, cheminant vers un bouquet de bois qui, de l’autre côté de l’auberge, bordait la route de Riom à Clermont-Ferrand.
Une buée légère estompait le paysage d’alentour que, peu à peu, les lueurs de l’aube naissante éclairaient d’une lumière plus précise.
En gouttelettes cristallines, la rosée perlait sur les hautes herbes, et les oiseaux dormaient encore dans leurs nids. À quelques mètres de là, sur la voie du chemin de fer, un express fila, ses fanaux allumés, et le sifflet de la locomotive déchira le silence de la Limagne.
Comme si elle avait attendu ce signal, la voix d’une bergeronnette se fit entendre. D’autres oiseaux répondirent à son appel. Peu à peu l’aube blanchit. Les deux jeunes gens se prirent la main, puis, pendant un instant, leurs regards se perdirent dans la muette contemplation l’un de l’autre.
Déjà, quelques teintes roses se projetaient du côté de Bourrassol. Comme une flèche, une alouette partit sous leurs pieds et chanta dans l’azur son tireli de joie.
Petit à petit, les bosquets de Saint-Bauzire se découpaient sur le bleu du ciel et la mer jaune des moissons infinies.
Vers Cébazat, on pouvait déjà distinguer les prairies, les pommiers et les vignes ; dans le lointain c’étaient les toitures rouges des Gravanches, et là-bas, plus loin encore, des plaines, des champs de blés, des champs de blés et encore des plaines.
Et soudain, tel un long trait de flamme, un éclair partit derrière les montagnes thiernoises.
C’était comme le prélude d’un formidable incendie.
L’Orient était rouge, un immense cercle lumineux empourprait le ciel, et, par instants, les jets de feu semblaient s’aviver.
Maintenant, on pouvait compter les feuilles des bosquets de Bourrassol, le soleil annonçait son apparition triomphale, la campagne s’éclairait en apothéose, et la mer des moissons mûres se moirait des plus brillants reflets.
Dans la ferme de la Maison-Jaune, un coq claironna le réveil. Comme pour lui prouver qu’ils étaient déjà debout, ses frères de Bourrassol, de Pompignat, de la Maison-Blanche et de Châteaugay, firent, à tour de rôle, dans le même refrain guerrier, varier à l’infini le jeu puissant de leurs cuivres.
Le coq de la Maison-Jaune, un fort ténor, recommença, et dans le même ordre, pendant une heure, celui de Bourrassol, un débutant aigrelet, celui de Pompignat, basse puissante de pater familial, celui de la Maison-Blanche, fière trompette de Faverolles, et celui de Châteaugay, baryton fatigué, continuèrent leur sonore conversation.
À plein gosier, dans les clairières, sur les roseaux, les buissons et les grands arbres, tous les oiseaux chantaient l’hymne de l’amour et du matin.
Sans qu’ils se fussent dit un seul mol, Jacques ouvrit les bras, Lucie se blottit sur sa poitrine, et pendant un long moment, ils se tinrent embrassés.
Au grand trot d’un alezan, une voiture fit entendre le fracas de ses roues ferrées. Ils n’eurent que le temps de s’enfoncer dans la rosée du bosquet, et doucement, le jeune homme murmura :
– Lucie !... Lucie !... Pour moi, vous êtes plus et mieux que tout !...
Des larmes de bonheur gonflèrent les paupières de l’enfant, et très bas, comme dans un souffle :
– Pourquoi me dites-vous cela, Jacques ? demanda-t-elle. Puisque vous connaissez l’obstination de mes parents !
Le jeune homme eut un sourire.
– Méchante !
– Non, je ne suis pas méchante, mais je

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